On croit parfois rêver, mais on est bien dans la réalité. Et ça se passe à la Réunion. Qui n’est plus une colonie, le saviez-vous ! Et pourtant. Prenons l’exemple du colonel Vandebeulque, le patron des sapeurs-pompiers de la Réunion. Comme nous le révélions (voir l’article de Jérôme Talpin dans notre édition d’hier), le colonel Vandebeulque n’aurait jamais dû être nommé directeur du Sdis de la Réunion car son parcours professionnel ne pouvait pas lui permettre d’être inscrit sur la liste d’aptitude à cette fonction. Autrement dit, il n’a pas les compétences pour. Ce n’est pas une invention du Journal de l’île, mais bien un jugement rendu par le tribunal administratif de Paris, le 12 juin dernier, suite à une plainte du colonel Loubry qui, lui, avait postulé à ce poste vacant après le départ du colonel Caroli. Mais pour des raisons politiques ou plutôt politiciennes, le colonel Loubry, beau-frère du communiste Claude Hoarau, ancien président du Sdis (service départemental d’incendie et de secours), avait été "lourdé". Injustement. Mais comme "Bon dié i puni pas galet", le cas Vandebeulque explose aujourd’hui à la figure des autorités qui, en 2010, l’avaient pistonné. C’est du pistonnage, il n’y a pas d’autre mot. Bien mal acquis ne profite jamais. Michel Lalande, l’actuel préfet, n’y est pour rien. C’est son prédécesseur qui est en cause.
Le colonel Vandebeulque, "vrai-faux" directeur du Sdis, finalement, a cependant bénéficié de tous les avantages financiers et matériels liés à la fonction. Et même plus, comme nous l’avions également écrit dans nos précédentes éditions. Contrairement à ses prédécesseurs, il a quitté son logement de fonction de Saint-Denis au profit d’une villa sur la côte Ouest avec piscine remplie par des camions citernes du Sdis, etc., etc. Suite à la révélation du Journal de l’île, le colonel Vandebeulque se verra privé de médaille nationale du mérite aujourd’hui. Dans le cadre de la journée nationale des sapeurs-pompiers, il était prévu de lui décerner cette médaille. Mais le jugement du TA de Paris relayé par le JIR a tout chamboulé. Ce matin, à 10 h, aura bien lieu, sur l’esplanade du port de Saint-Pierre, une cérémonie en hommage aux soldats du feu morts en service. Suivra une remise de galons et de diplômes ainsi que la remise du drapeau au corps départemental des sapeurs-pompiers de la Réunion. Mais pas de médaille pour Vandebeulque. Concernant le drapeau en question, un drapeau bleu-blanc-rouge, commandé en métropole par le directeur du Sdis, il aurait coûté la bagatelle de 10 000 euros. Un drapeau à 10 000 euros en ces temps de crise. Ça fait cher le mètre carré de tissu ! Qu’adviendra-t-il de ce colonel ? Restera-t-il en poste à la Réunion, avec la complicité de l’Etat ? Nassimah Dindar, présidente du Sdis a tout pouvoir de lui retirer ses délégations par une mesure conservatoire. Le fera-t-elle ? A suivre !
Il faut savoir que des "Vandebeulque", il doit y en avoir à tous les étages de l’administration, dans quasiment tous les services publics à la Réunion. En effet, le directeur du Sdis n’est pas le premier haut cadre politiquement "placé" à un poste taillé sur mesure. Le pistonnage et le copinage ne fonctionnent pas que dans les mairies. Il ne profite pas qu’aux nervis, aux gros bras ou à certaines familles. L’Etat use et parfois en abuse dans ses diverses directions de services. Dans nombre de services publics, nos politiques sont parfaitement au courant des copinages en cours, des recrutements par cooptation. Il n’est bien entendu pas question ici de retomber dans le sempiternel débat "zoreil/créole", mais à l’heure où nombre de politiques prônent la régionalisation des emplois, il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux sur ce phénomène de "piston-copinage" qui existe à tous les niveaux. Dans la police, dans l’éducation nationale, à l’université, dans le milieu hospitalier, dans les collectivités publiques, dans l’administration au sens large… encore trop souvent, hélas, touchés par ce que l’on nomme - à tort ou à raison ? - le syndrome de la "goyave de France".
Yves Mont-Rouge
in : le JIR