Tous les ans à cette époque, le journal local publie l'interview d'un exploitant agricole du cru, illustré selon les années par la photo du même au volant de sa moissonneuse, ou au cul du gros tracteur à la remorque pleine de blé. Et ce cultivateur nous explique que trop d'eau, pas assez de pluies, trop de sécheresse, pas assez de beau temps, l'amour du métier toujours, que la moisson bla bla bla...
Le gars sur les photos est connu bien au-delà de la grosse exploitation agricole qu'il possède, puisqu'il est le maire du chef lieu de canton, une commune de 6 000 habitants.
Ce cultivateur-maire est également connu bien au-delà de sa ville, puisqu'il est le président d'une communauté de communes de plus de 30 000 habitants, répartis sur 52 communes.
Ajoutons que ce cultivateur-maire-président est aussi connu bien au-delà du Plateau Picard, puisqu'il est vice-président du conseil départemental de l'Oise, en charge du développement économique et de l'aménagement du territoire.
Nous sommes donc en présence d'un type qui saute de son tracteur en marche pour courir s'installer au bureau de sa mairie exercer ses pouvoirs de maire, puis qui file dans les locaux de la communauté de communes gérer les compétences nombreuses de la structure intercommunale, avant de sprinter à l'hôtel du département pour y développer l'économie et aménager son territoire. Puis il retourne fissa cavaler après sa moissonneuse. Exténuant.
Ce gars dort au mieux une demi-heure par semaine.
(le record de l'Oise, c'est quand même l'ancien président de conseil général, Yves Rome, qui cumulait 17 mandats! Il jouit aujourd'hui d'un repos bien mérité au sénat).
Comment penser sérieusement que les cumulards de tout poil puissent s'acquitter consciencieusement des tâches qui incombent à leurs mandats? Tiens, exemple marquant, hélas, Estrosi, qui est partout à la fois, n'était pas présent aux réunions préparatoires consacrées à la sécurité de la fête du 14 juillet de Nice, alors qu'il est, entre autre, adjoint au maire en charge précisément des questions de sécurité. Certes, eût-il été présent que le drame serait survenu pareillement, mais le spectacle navrant de sa mauvaise foi nous aurait été épargné...
Quelles que soient les raisons qui les poussent à cette accumulation de fonctions, les élus se justifient tous avec l'argument classique de "vouloir garder le contact avec la réalité du terrain, rester proche des gens et de leurs préoccupations au quotidien".
Alors, au moment où il y a fort à parier que la question du cumul des mandats va ressurgir dans les programmes des candidats, une suggestion pour aider au débat, une idée que j'ai vue (ou entendue) je ne sais plus où, que je trouve judicieuse : on n'interdit pas le cumul des mandats, on laisse la possibilité aux âmes altruistes pétries d'abnégation de s'investir sans modération au service du bien commun. On limite simplement le nombre d'indemnités financières à une. Toc.
J'ajouterai, mais ça c'est pure démagogie de ma part, ma méchanceté qui parle, que le montant de ladite indemnité soit égale au smic. Comme ça, question garder le contact avec le terrain et être proche des préoccupations des électeurs, les élus seront comblés.