Contre l’extrême droite,
La nécessaire intervention du mouvement social et citoyen,
Pour refaire Front Populaire !
Les dernières élections européennes et législatives l’ont montré. La dynamique est en faveur de l’extrême-droite. Elle a pu être contenue par un sursaut populaire lors des législatives, mais la menace demeure. Comme ailleurs en Europe, on recueille là le résultat des politiques néolibérales qui ont aggravé la précarité, accru le sentiment d’abandon, obscurci l’avenir pour de larges pans de la population. L’extrême-droite prospère aussi sur le sentiment du déclin de la France qui lui sert à alimenter une nostalgie réactionnaire. S’y ajoutent les « paniques identitaires » alimentées à grand bruit par l’extrême-droite, suivie par la droite, qui désignent dans l’immigration et les musulman.es la source de tous les maux du pays, mettant en péril le vivre ensemble. Une partie du système médiatique y participe.
La perspective d’une victoire de l’extrême droite et de la droite conservatrice aux prochaines échéances électorales nationales est toujours aussi menaçante malgré les incertitudes judiciaires concernant Mme Le Pen. Les réactions quasi-factieuses de ses affidés contre l’indépendance de la justice et l’Etat de droit devraient alerter. On connait les risques que feraient courir son histoire et son programme. Orban en Hongrie, Melloni en Italie, Trump aux Etats-Unis en donnent des illustrations. Et à l’heure d’une redéfinition des alliances géopolitiques mondiales et où l’Union Européenne doit se réinventer pour relever ces défis, où nous mèneraient le repli national et la fascination pour l’autocrate Poutine ?
Mais, au lendemain de la campagne législative, les divisions entre les gauches et les écologistes se sont aggravées et les élections municipales qui viennent n'arrangeront rien. Le combat pour l’hégémonie l’a emporté sur l’ambition d’un rassemblement majoritaire pour battre la droite et l’extrême droite. Devant l’agonie du NFP, les forces sociales et citoyennes qui s’étaient engagées ont pris du recul. Le retour de la théorie fumeuse des deux gauches irréconciliables et la multiplication des candidatures qui suivrait conduiraient au désastre en 2027. Il n’y a de solution ni dans un retour au social-libéralisme ni dans une fuite en avant populiste. C’est à un sursaut populaire unitaire, mu par un projet d’avenir ambitieux, qu’il faut travailler pour s’opposer avec succès à l’extrême droite.
Les gauches et les écologistes n’ont pas su jusqu’à présent apporter des réponses au ressentiment populaire sous forme d’un projet d’avenir désirable à vocation majoritaire. Un socle programmatique existe avec le programme du NFP qui demande à être hiérarchisé et amélioré, mais surtout inséré dans un « grand récit » cohérent. Un catalogue de mesures ne suffit pas. Le « socialisme » et le « communisme » n’incarnent plus une utopie mobilisatrice et n’ont pas été remplacés. Dans une société fracturée, un contexte de crises bioclimatiques, de bouleversements géostratégiques, de guerres criminelles qui mettent à mal le droit international et notre humanité commune, il est décisif de donner à voir un projet d’avenir, en rupture avec les politiques passées, qui réponde à la fois aux attentes sociales et aux paniques identitaires, pour rassembler dans une perspective commune une majorité de citoyen.es… dans leur diversité.
Les différentes forces qui prétendent à l’émancipation sont à la peine chacune de leur côté. Depuis quelques décennies les luttes sociales ont été plus souvent défensives que conquérantes face à l’offensive néolibérale et patronale. Et après un exercice du pouvoir qui avait trahi ses promesses la gauche politique a connu des défaites. Peut-on se satisfaire de ces impuissances parallèles ? Est-il raisonnable de combattre séparément quand l’essentiel est en jeu ? Lors de son dernier congrès en mai 2024, la LDH sonnait l’alarme par rapport à l’extrême droite et appelait au sursaut citoyen par « une nécessaire convergence entre, d’une part, ce que portent les mobilisations organisées par les syndicats, les associations, les mouvements sociaux et, d’autre part, une offre politique inscrite dans une perspective porteuse d’émancipation, d’égalité, de solidarité, d’une société inclusive, de démocratie, de libertés publiques ». Elle exhortait les mouvements et partis politiques à « travailler avec l’ensemble de la société civile pour construire des perspectives d’espoir ». Sage recommandation.
Pour entreprendre ce travail, il faut parvenir à dépasser la coupure entre le social et le politique sans recréer les errements du passé faits d’une croyance erronée de la soi-disant supériorité du politique qui débouchait sur la domination ou l’instrumentalisation par les partis des organisations syndicales ou associatives. C’est au contraire sur une base d’égalité que des échanges doivent s’établir, dans le respect de l’indépendance et des responsabilités propres à chaque organisation. Un travail commun d’élaboration autour de questions essentielles dessinant un projet d’émancipation — incluant les dimensions européennes et internationales — est nécessaire.
Les forces concernées vont-elles s’y engager ? Pourra-t-on sur ces bases créer une dynamique populaire suffisamment puissante pour ramener les partis de gauche et écologistes à la raison unitaire ? Le grand mouvement social contre la réforme des retraites, qui a illustré le rejet massif des politiques néo-libérales et l’aspiration à une autre politique, peut-il reprendre force si une perspective ambitieuse est proposée ? Cette dynamique populaire peut-elle faire surgir en son sein une candidature puissante et rassembleuse (pas nécessairement issue du champ politique) pour la présidentielle susceptible de dissuader des candidatures unilatérales de division ? Divers réseaux citoyens y travaillent déjà, d’autres s’y engagent. Des organisations s’interrogent sur la meilleure manière de créer un tel sursaut et une telle dynamique. C’est difficile, mais il faut persévérer si l’on ne veut pas qu’une multiplication de candidatures à gauche ne conduise à un deuxième tour des présidentielles entre l’extrême-droite et la droite extrême. Bon courage alors pour faire Front républicain !
Le 29 Mai 2025
Claude DEBONS
Ancien responsable syndical national
et coordinateur des collectifs du 29 mai 2005 !