Petite chronique de politique fictionLe monarque élyséen, le duc Philippe du Havre, le jeune comte d’Attal de Matignon, le chevalier de Wauquiez d’Auvergne, et quelques autres, chacun dans leur demeure plus ou moins fastueuse, avaient suivi attentivement l’élection des législateurs nationaux. Si le second tour les avait rassurés, ayant sauvé nombre de leurs candidats grâce aux généreux retraits des gueux du Nouveau Front Populaire, le premier tour ne cessait de les tourmenter. Ils avaient mesuré que forte d’un socle de soutien très consistant, la châtelaine de Montretout, Mme Le Pen, était assurée, sauf séisme judiciaire, d’accéder au second tour de l’élection du Monarque élyséen en 2027. Et ces gueux du Nouveau Front populaire, avec leur score et s’ils présentaient un candidat commun, étaient bien capable aussi de se hisser au second tour. Les troupes du Monarque élyséen et celles de M. de Wauquiez diminuées risquaient de devoir observer le duel qu’ils se livreraient sans eux. Et, horreur, les gueux leur demanderaient de faire Front républicain ! Comment éviter ce cauchemar ? Les troupes de Mme Le Pen étaient solidement installées dans le pays, il était difficile de les déloger d’ici trois ans d’autant qu’on partageait avec elles, sans le dire, nombre de leurs préoccupations. Restait à affaiblir ce Nouveau Front Populaire qui allait inutilement affoler les bourgeois, les patrons d’échoppes et les hobereaux agricoles.Comment faire ? Le Monarque élyséen dit : on va les ignorer et ne pas les appeler à Matignon où ils risqueraient d’abimer les tapis et les tentures. Et il se tourna, pour épaissir ses propres troupes, vers les troupes de M. de Wauquiez, allégées du remuant duc de la Côte d’Azur M. de Ciotti, qui était parti rejoindre Mme Le Pen en emportant les clés de leur commune demeure. M. de Wauquiez était méfiant, ambitionnant de se présenter à l’élection élyséenne il ne voulait pas risquer d’attraper la maladie du discrédit au contact du monarque. Mais pourrait-il résister longtemps à l’amicale pression de ses amis venu appuyer la démarche du monarque, au premier chef le vieux baron de Larcher du Sénat, l’ancien premier ministre M. de Raffarin spécialiste en chinoiseries, du jeune-vieux duc de Copé, du baron de Marleix qui préside les législateurs dits républicains, ou de l’ombrageux baron du Nord, M. de Bertrand, tous venus plaider un accord avec les troupes du Monarque, sans doute attirés par le fumet ministériel, pardon pour sauver la nation en danger.La manœuvre étant bien engagé de ce côté-ci, cela ne ferait pas mal dans le tableau si on pouvait l’agrémenter d’une aile gauche dit le Monarque. Par la même occasion si l’on pouvait diviser les gueux et faire éclater ce maudit Nouveau Front Populaire on se libèrerait de bien des angoisses pour 2027. On allait acheter des boîtes de chocolats belges et on enverrait des ambassades pour les soudoyer, pardon pour les convaincre de rejoindre le grand gouvernement d’union. Il semblait inutile d’aller voir l’ombrageux M. Mélenchon et les non moins ombrageux M. Bompard et Mme Panot, ils n’aimaient pas les chocolats ! M. Roussel fût approché, on craignit qu’il ne préféra les entrecôtes mais ayant sur l’estomac sa défaite récente, il les envoya promener. Ils allèrent à la rencontre de la souriante Mme Tondelier en se demandant avec inquiétude si d’aventure elle ne préférait pas le maroual. Par précaution on s’était muni de chocolat bio mais elle aussi les envoya paître dans les vertes prairies. Restait à voir M. Faure, discret mais tenace disait-on. Il était accompagné de M. Vallaud député des terres de Landes. L’ambassadeur s’inquiéta de cette présence, pourvu qu’il ne préfère pas les cèpes et le foie gras. Mais M. Faure non plus n’aimait pas les chocolats.Ils revinrent bredouilles de leurs ambassades. Le Monarque dit : il reste peut-être quelques vieux poissons à attraper. Ils pensèrent à un encore fringant hidalgo déchu de Barcelone toujours prêts à faire n’importe quoi. Ils pensèrent aussi à une dame du Poitou qui faisait la promotion du Chabichou et toujours frémissante à la perspective d’une promotion. Et puis il y avait cet ancien premier ministre austère toujours vêtu d’un loden anglais qui se disait en réserve, prêt à servir. On pensa aussi à ce promoteur de miel bien de chez nous et d’autres produits locaux. On envoya des boîtes de chocolat avec un numéro de téléphone pour répondre au cas ou on serait intéressé. Mais à la Poste, les chevaux étaient en grève et mangèrent les chocolats.Les gazetiers s’interrogeaient. Même si les troupes du monarque et des dits républicains étaient plus consistantes, elles ne faisaient pas la majorité de l’assemblée. Comment pourraient-elles éviter une motion de censure si les gueux du Nouveau Front Populaires et les lansquenets de Mme Le Pen se coalisaient ? La gazette Libération révéla qu’un nommé M. de Solère, tenancier d’une maison munie d’une grande cuisine et d’une bonne cave, organisait des rencontres, en tout bien tout honneur bien sûr, entre des dirigeants des lansquenets et des proches du Monarque. On apprit ainsi que le duc Philippe du Havre et la châtelaine de Montretout Mme Le Pen s’étaient entretenus en tête à tête dans cette accueillante demeure. De méchantes langues imaginèrent qu’un arrangement avait pu être conclu. Les troupes de Mme Le Pen avaient montré des lacunes avec des candidats fourbus avant l’heure et le capitaine de Bardella qui les commandait était lui aussi apparu moins fringant qu’annoncé. Elles avaient besoin de se réorganiser avant de repartir au combat. Trois ans avant 2027 ne seraient pas de trop pour préparer l’échéance majeure de l’élection élyséenne et si l’on pouvait éviter de provoquer une nouvelle dissolution prématurée des législateurs, ce ne serait pas plus mal. Se sont-ils ainsi bien compris ?Du côté des gueux du Nouveau Front Populaire on commençait sérieusement à s’impatienter. On soupçonnait le coup fourré. Dans les manufactures et dans les masures le peuple grondait. Mme Binet une dirigeante pugnace d’un syndicat de mécontents s’était félicitée de la victoire du Nouveau Front Populaire mais elle avait indiqué qu’il fallait agir pour obtenir satisfaction. Et elle n’était pas la seule. D’autres responsables d’associations en tous genres disaient de même. L’agitation gagnait, des manifestations se préparaient. Et s’ils nous refaisaient les jacqueries de juin 36 s’inquiéta le Monarque. En pleines Olympiades en plus ! Les lanciers de M. de Darmanin sont ils prêts ? Non, Sire, ils ont planté leurs lances dans la terre !Claude DEBONS – 10 juillet 2024 Petite chronique, peut-être plus sérieuse qu’il n’y paraît, en hommage à Patrick RAMBAUD, romancier qui a parodié avec talent les quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Billet de blog 10 juillet 2024
Petite chronique de politique fiction
Le monarque élyséen, le duc Philippe du Havre, le jeune comte d’Attal de Matignon, le chevalier de Wauquiez d’Auvergne, et quelques autres, chacun dans leur demeure plus ou moins fastueuse, avaient suivi attentivement l’élection des législateurs nationaux. Si le second tour les avait rassurés, le premier tour ne cessait de les tourmenter.
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