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Billet de blog 24 août 2025

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« Tout bloquer » ou libérer la réflexion

La France et le monde sont dans l’incertitude, en crise de gouvernance, en panne de réflexion et de vision positive pour l’avenir. Alors que la montée des extrémismes et de la violence témoignent de notre déshumanisation, ce « bloquons tout » sonne comme l’hallali.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un appel à bloquer la France le 10 septembre a été lancé pour protester contre le projet de budget 2026 qui focalise tous les esprits. Comme si cette démonstration de force allait conjurer pour un temps le processus de déshumanisation mondialisée en cours et la catastrophe climatique et environnementale planétaire qui en découlent.

Ce « bloquons tout » annonce en effet la ruine d’un système, la fin de la conception libérale de l’homme et de la Vie. Conception de l'un et de l'Autre selon que l'on est "puissant" ou non. Conception individualiste et matérialiste, mercantile et consumériste, qui a fait la preuve de son impuissance à tenir ses promesses, à répondre aux attentes des peuples qui croyaient que la démocratie libérale les ferait avancer vers un monde meilleur.

Mais, qu’elle se dise libérale, humaniste ou sociale, la démocratie s’avère être une forme de pouvoir parmi d’autres. Comme telle, elle se développe toujours aux dépens de qui y adhère, de gré ou de force, toujours aux dépens de l’Autre ! Comme toutes les formes de pouvoir, y compris religieuses, la démocratie est un système de Ponzi, une pyramide socioéconomique dont le fonctionnement est lié à l’adhésion de la base au projet porté. Mais voilà, malgré les promesses, le ruissellement vers la base des richesses produites est tari. Leur évaporation vers les poches des puissants, de plus en plus gourmands et insatiables, a réduit le ruissellement à peau de chagrin que les peuples assoiffés se disputent sans comprendre comment ils en sont arrivés là ; sans comprendre comment chacun et chacune, à son niveau est à la fois acteur, complice et victime de cette arnaque qui, en fin de compte, a conduit à notre déshumanisation et à la destruction de l’environnement planétaire, à l’alignement du miracle de la Vie sur notre niveau de conscience réduit à sa plus simple expression, à l'hypothèque de l'avenir de la jeunesse et de celui de toute l'humanité, avec en toile de fond très rapprochée la perspective d'un conflit armé majeur déjà bien avancé!

Tous y trouvant leur compte, les démocraties ont réussi à impliquer tous les autres systèmes de pouvoir dans son système mondialisé de prédation du Vivant et de déshumanisation de l’homme. Elles ont renforcé le règne du mensonge, celui de l’injustice et des inégalités, piétiné la fraternité universelle des humains. Elles ont poussé à l’exploitation effrénée de l’environnement planétaire ; elles ont délocalisé vers d'autres cieux les effets les plus pervers de leur développement. Elles ont forcé les jeunes à s’enrôler dans le système et à s’y adapter pour en porter le flambeau. De la guerre économique, l’humanité est entrée dans l’engrenage de la guerre armée qui accélère tous les processus d’autodestruction de l’Homme par l’homme ! Et plutôt qu’à élever son niveau de réflexion et de conscience pour sortir du blocage spirituel dans lequel le maintient sa conception de l’homme et de la Vie, cet homme aveugle et ignorant en appelle à tout bloquer. Il ne sait pas qu’en agissant ainsi il convoque les forces d’autodestruction et de mort !

Les Français, comme tous les peuples, ignorent « la nature de leurs chaînes » disait Condorcet. Ils ne veulent ou ne peuvent pas voir que « qui » contrôle les consciences, donc la réflexion, exploite l’ignorance qui en découle et les existences à son profit, au profit du pouvoir qu’il acquiert ainsi sur les esprits ! Parvenu à ses fins, ce « qui » exerce alors son pouvoir sur l’Autre. Il impose en vérité la raison du plus fort et non la Vérité. Se prenant pour le démiurge, il met en œuvre sa vérité, son récit de l’homme, sa conception de lui-même, dont découle sa conception de l’Autre, sa conception de l’Homme et de la Vie. Il impose avec celle-ci sa conception du bien et du mal. Il élimine ainsi ce qui fait obstacle à sa toute-puissance.  Il se prend pour l’Alpha et l’Omega, pour ce que nous appelons « Dieu ». Tout venant de lui devrait lui revenir ! C’est ce qui se passe aux USA, en Russie, en Chine et partout ailleurs où le processus est bien engagé.

Ce « bloquons tout » est l’expression de notre impuissance à changer nos vies ; l’expression de notre soumission au paradigme existentiel mensonger qui nous enchaîne à la pensée unique, à la raison du plus fort, au mensonge de plus en plus gros sur notre réalité et sur celle de l’Autre, sur la réalité de l’Homme et de la Vie.

Ce « bloquons tout » vient comme le prolongement normal du conditionnement et du blocage de notre pensée, de notre refus-incapacité-paresse de réfléchir par nous-mêmes pour élever, avec notre niveau de conscience, la « prise en main » de notre propre existence et notre capacité à peser ainsi, véritablement, sur le cours des évènements, à ne plus subir mais à agir de façon éclairée pour ramener la justice, l’égalité et la fraternité universelle des humains, la Vie.

Les Français, comme tous les peuples ignorent, parce qu’ils ne veulent pas le voir, où va leur travail, cette œuvre socioéconomique et humaine mondialisée, ce « marché » de dupes auquel ils consacrent leur existence et conforment leur quotidien, à l’instar de tous les autres peuples. Bloquer le pays souligne notre mécontentement coléreux contre les restrictions que le gouvernement prévoit de mettre à notre pouvoir de consommation en pressurant toujours davantage les travailleurs, le peuple. Et cela pour sauver un système de confiscation de la richesse produite et continuer de verser ainsi des dividendes à ceux qui sont eux aussi en capacité de bloquer le pays en délocalisant leurs investissements ! Or, notre pouvoir de consommer est tout ce qui nous reste pour avoir l’illusion d’exister puisque nous avons abandonné notre pouvoir de réflexion individuelle, seul à même de nous permettre de grandir en conscience de soi et de donner ainsi sens et responsabilité à notre existence!

Nous les Français ne voulons pas voir qu’à gober du prêt-à-penser et du mensonge de plus en plus gros, en libre-service sur nos écrans, nous sommes les victimes consentantes de la conception libérale de l’Homme et de la Vie. Esclaves de ce paradigme existentiel renforcé par des algorithmes qui lessivent les cerveaux et ne rapportent qu’aux puissants, nous nous comportons comme troupeau d’oies attendant de leurs chefs de file qu’ils leur donnent accès « au pain et aux jeux » en un clic ! Mais cette insouciante facilité a un coût humain exorbitant que nous ne voulons pas voir et surtout ne plus payer ! Nous qui attendons de l’orgie consumériste qu’elle masque notre vide existentiel, l’angoisse du néant de nos « vies », celle du non-sens de nos existences, commencerions-nous à réfléchir ? Ce « bloquons tout » montre que non !

Nous les Français, comme le reste de l’humanité, sommes captifs de l’idéologie libérale donc de ses conséquences humaines et environnementales planétaires. Nous sommes captifs de notre paresse à réfléchir et à remettre en cause la doxa, ses fondements qui nous échappent parce que nous ne voulons pas les regarder ni fournir l’effort de compréhension nécessaire. Nous sommes victime de notre idolâtrie du "veau d'or". Ainsi, la valeur de l’existence humaine, celle de l’Autre évidemment, mais ne sommes-nous pas, tous et toute, « l’autre » de notre prochain, n’a cessé de s’effondrer tandis que les dividendes de ce marché se sont accumulés dans les poches de milliardaires de plus en plus nombreux, de plus en plus riches et influents. À vouloir transmuter la Vie en or, les Français comme tous les autres peuples, ont œuvré à leur propre déshumanisation, à celle de l’humanité. Ils ont consenti des sacrifices pour que leurs entreprises gagnent des parts de marché, des parts d’un gâteau réservé à une petite partie de l’humanité. Ils se sont investis dans la guerre économique sans voir que, livrée contre l’Homme et la planète, cette guerre se retournait contre eux et l'humanité, faisant autant de victimes que la guerre armée sur laquelle elle débouche invariablement !

Mais les limites de l’illusion, celles de notre conception de l’Homme et de la Vie, celles du mensonge, sont atteintes. Le temps des désillusions, celui de la récolte est venu parce que nous avons dépassé les limites du supportable par notre environnement planétaire. Mais nos dirigeants restent dans le déni pour tenter un dernier coup, celui de la conquête du pouvoir ou de leur maintien au pouvoir. Les temps actuels pourraient-ils être ceux de la remise en cause et de la libération de la réflexion hors les chemins battus par les politiciens, économistes de tous bords et experts en tous genres? En effet, l’injustice galope, les inégalités atteignent des sommets, la fraternité est un paillasson sur lequel nous nous essuyons les pieds quand nous effectuons nos achats. La planète bleue brûle, les ressources en eau douce, de plus en plus polluées se raréfient, surexploitées et empoisonnées pour les profits de quelques-uns, grâce à notre irréflexion et à notre inintelligence individuelle et collective. Même l’IA ne pourra rien contre ce qui nous aveugle et nous dresse contre la Vie ! Les politiques menées, le matraquage publicitaire, la violence et les mensonges véhiculés par les réseaux dits "sociaux", violence banalisée et sacralisée par les jeux vidéo auxquels ont accès pratiquement tous les jeunes et moins jeunes, nous projettent hors de nous, hors de notre intériorité où palpite la Vie, où s'élabore la conscience de soi et de notre univers.

En rendant l’Autre responsable du naufrage de notre monde, nous continuons de nous dédouaner de toute responsabilité et nous évacuons la possibilité de nous remettre en cause. Nous alimentons ainsi la spirale du chaos en laissant libre cours à nos peurs, nos haines et à la violence qui en résulte. En tissant ce voile obscurantiste qui recouvre notre conscience et notre cœur, nous œuvrons à notre déshumanisation et à celle du monde que nous créons ! Nous nous retrouvons en effet séparés de ce qui fonde notre humanité en participant tous à la spirale du chaos !

Dans ce contexte, « bloquons tout » est en effet le mot d’ordre d’aveugles et d’ignorants qui veulent continuer de produire et de consommer comme avant en refusant de voir que les fortunes iniques résultent de l’exploitation des peuples d’ailleurs et de leurs richesses naturelles, mais aussi de l’exploitation de l’ignorance des peuples d’ici qui passent désormais à la casserole eux aussi ! « Bloquons tout » pour que se poursuive l’œuvre de mort quotidienne à laquelle la raison du plus fort enchaîne tous les peuples ! Est-ce vraiment ce que nous voulons ?

Ne serions-nous que des consommateurs-producteurs-pollueurs, destructeurs de l’environnement planétaire ? Des destructeurs du miracle de la Vie ? À y regarder de près, l’état et les évolutions de l’environnement planétaire sont indissociables de l’état et de l’évolution de notre niveau de réflexion et de conscience. La Vie reflue de la planète parce que la conscience de soi et de l’Autre, reflue ; parce que nos aspirations socioéconomiques, pour justifiées qu’elles nous paraissent, nous dressent toujours contre l'Autre, contre l’humain et contre la Vie. Nous ne voulons pas regarder où nous entrainent notre développement et notre progrès, ni ce qui, dans leur sillage, se développe et progresse dans les cœurs et les esprits ! Et cela parce que notre comportement, qui est l’expression de notre niveau de conscience de soi et de l’Autre, nie la réalité de l’Homme et le sens de la Vie. En notre for intérieur nous savons tout cela, mais notre paresse à changer, l’inertie de notre intellect abruti par les plaisirs consuméristes, sont l’opium des peuples qui attendent que la solution à notre problématique tienne dans l'éviction de l’Autre et sa disparition. Nous faisons l’autruche, mais nous ne pouvons empêcher que les conséquences de notre démission existentielle nous rattrapent !

La nation française, comme toutes les autres, en est à considérer tour à tour et selon les circonstances, les multiples facettes, économique, sociale, politique, environnementale, religieuse, identitaire donc culturelle d’une seule et même crise. Or cette crise a un dénominateur commun qui est la conscience de soi et de l’Autre ! Conscience qui grandit ou s’effondre selon ce que nous produisons et assimilons par notre « réflexion », de plus en plus manipulée et dictée de l’extérieur. La cause de cette crise existentielle est donc spirituelle car elle dépend de l’évolution de notre niveau de conscience dont découle directement la qualité de notre existence. Aussi, impuissante de son fait, l’humanité se dirige vers le « Big Crunch », vers l’effondrement de son univers, invalidé dans les esprits. L'humanité se dirige vers sa fin car si les peuples déboussolés se détournent de la conception libérale de l'homme et de la Vie, ils ne savent plus vers quel "saint" se tourner, à quel "sauveur" se vouer, à quel démiurge confier leur destinée: ils cherchent désespérément à se raccrocher à un autre mensonge ! Et ils s’en retournent vers ces conceptions de l’Homme, de l'Autre et de la Vie déjà expérimentées et invalidées par l’humanité ! « Heureux les réfléchis » nous dit Jésus !

En quelques années, les Français comme toute l’humanité, sont brusquement passés du temps des illusions à celui des désillusions. Est venu le temps de la récolte de ce que nous avons semé et cultivé dans les cœurs et les esprits derrière le faux-semblant de développement et de progrès, alors que les existences de plus en plus ennuyeuses, frustrantes et angoissantes, sans sel, sont occupées à donner le change en consommant toujours plus de réseaux sociaux, de jeux vidéo déstructurants, de drogues toujours plus destructrices qui font des ravages chez les jeunes mais pas que. « Bloquons tout ! » cela prêterait à rire si l’humanité n’était bloquée dans une impasse existentielle majeure. Impasse à laquelle elle a œuvré au quotidien en s’échinant à donner semblant de Vie à ce qui n’en a pas, c’est-à-dire à ses conceptions de l’Homme et de la Vie, à des systèmes de pouvoir sur l'Autre qui en sont la négation. « Bloquons tout », comme si le blocage était une voie de sortie par le haut ! Comme si la Vie était dans le blocage.

« Bloquons tout » est le mot d’ordre de ceux qui font du renversement du pouvoir en place et de sa conquête, la solution aux conséquences de notre croyance en la nécessité du pouvoir sur l’Autre pour pallier notre renoncement à assumer individuellement nos responsabilités vis-à-vis de l’Homme et du Vivant. C’est le mot d’ordre de ceux qui, incapable de changer de vie, de credo existentiel, ce qu’ils croient être, et d’utopie de demain, ce qu’ils aspirent à devenir, veulent changer de pouvoir en croyant que la liberté, l’égalité, la fraternité universelle des humains et la Vie pourraient sourdre du pouvoir que l’un exerce sur l’autre ! Considérer que de l’exercice du pouvoir sur l’Autre viendrait la solution aux problèmes insolubles que pose à l’homme l’existence de ce pouvoir, est l’impasse absolue. Le pouvoir est négation de l'Autre, négation de la conscience de Soi donc de la réalité de l'homme, le pouvoir sur l'Autre est la première des injustices, l'origine de toutes les injustices, la cause du rejet de l'Autre, de sa discrimination, les femmes en savent quelque chose! Le pouvoir sur l'Autre pose question à l'homme qui réfléchit, il est à l'origine de notre questionnement existentiel! Nous en sommes là! Irréfléchis, à comploter contre la Vie, contre notre propre réalité de semence de Vie !  La réflexion individuelle fonde la conscience de soi et elle en est l’expression. Grâce à elle l'individualité se libère de la conscience indifférenciée et manipulable qui caractérise les masses et les manifestations de masses!

La démocratie s’écroule et nous propulse dans la post-démocratie des super prédateurs. La démocratie était l’ultime concession que la raison du plus fort pouvait accorder à l’humain en attendant que la vérité éclate qui la démasque ! Il nous appartient de réfléchir à la réalité de notre problématique existentielle et à notre raison d’être sur cette planète, dans l’Univers, pour sortir de la virtualité où nous enferment nos conceptions de l’Homme et de la Vie et renouer enfin avec leur réalité, avec la Réalité !

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