Comment les médias « libres et indépendants » nourrissent les extrêmes
Qu’en démocratie des médias se déclarent « libres et indépendants » situe le contexte humain désormais très alarmant, et souligne la nature des menaces. Liberté et indépendance seraient en danger !
Mais une liberté garantie par un pouvoir n’est-elle pas toujours en danger, à la merci de ce pouvoir ? Et puis une telle liberté, conditionnelle, est-ce la Liberté ? N’est-ce pas plutôt une conception de la Liberté qui oblige vis-à-vis du système de pouvoir qui la concède et décide de la longueur de la longe et de l’étendue de son champ ? Quant à l’indépendance, sous-entendue financière, n’est-ce pas la règle qu’en démocratie libérale la parole, le discours, le récit, donc la conscience, fassent l’éloge de la religion du profit, de la réussite affairiste et de l’individualisme qui sont les piliers de la grandeur et de la puissance revendiquées ?
Aussi, et alors que les pouvoirs, politique, économique et religieux, n’oublions pas ces derniers, se radicalisent, plus que des esprits réellement libres, ce sont des lignes éditoriales qui, se définissant ainsi, tentent de s’opposer au fléau en braquant les projecteurs dessus. Ce qui reste inopérant. Ces lignes éditoriales auxquelles adhèrent des journalistes affichent une sensibilité politique qui les rend partie prenante des évolutions en cours. Et, bien qu’ils se croient à l’abri derrière des montages financiers, ceux-ci ne les protègent guère du changement d’état d’esprit profond en cours qui induit celui du pouvoir et de la loi. En réalité les faux-semblants qu’arborent ces médias bien intentionnés n’opposent qu’un bien faible rempart face à la cause réelle du danger que ces médias maintiennent hors de portée tout en l’alimentant à longueur d’articles.
Comme tous les journalistes, ceux qui se revendiquent « libres et indépendants » ne perçoivent que l’écume de la réalité humaine. Ils ne sondent que la superficialité du fait humain, celui des conséquences, toujours abordé sous l’angle fermé de leur conception politique, matérialiste et rationaliste, forcément réductrice, de l’homme et de la Vie ! Aussi, comme tous les partis politiques, comme tous ceux et celles qui sont en campagne pour la conquête ou la défense du pouvoir, ils invoquent « yakafokon » ! « Fokon s’unissent tous pour faire barrage à la montée de l’extrême droite » ! Incantation totalement inefficace qui souligne notre impuissance face à une problématique humaine qui est telle un iceberg. Et, à n'en considérer que la partie émergée, on l'alimente !
Pour traiter des problèmes que suscite notre ignorance du fait humain, tous proposent leurs conceptions de l’homme et de la Vie en guise de solutions. Ce qui, bien évidemment passe incontournablement par la case « conquête ou défense du pouvoir sur l’Autre ». Car ces solutions ne se discutent pas : derrière des thématiques circonstancielles, montées en épingle pour faire peur, ce sont des conceptions de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la justice et de la paix de plus en plus restrictives qui avancent en ordre de bataille ! Et derrière ces conceptions de l’homme et de la Vie s’impose toujours la raison du plus fort, à l’origine des problèmes en question ! D’où la montée inexorable de l’extrême droite alimentée par le bilan catastrophique, au plan humain et environnemental, de la démocratie libérale humaniste ! Les intentions à la manœuvre, derrière la collusion des pouvoirs économiques et politiques, ne sont pas celles que les peuples qui se bercent d’illusions sur leur prise en charge socio-économique, imaginaient ! Ainsi, les démocraties évoluent vers la démocrature et cette trajectoire n'évitera pas la confrontation directe avec les dictatures.
Même si certains médias affichent qu’ils ne sont pas à vendre, ils doivent vendre pour ne pas licencier voire disparaître ! Et pour vendre il leur faut faire la « une » avec des révélations, du sensationnel, de l’émotionnel, des dossiers solides si possible. Il leur faut dire la « vérité », leur vérité conforme à la morale manichéenne en vigueur car eux s’estiment du bon côté. Celui de l’idéal républicain et des promesses de la démocratie libérale humaniste. Ce que d’autres contestent ! Or, pour qui réfléchit un peu et prend de la hauteur, tant l’idéal républicain que les promesses libérales sont inatteignables : le pouvoir est toujours pouvoir sur l’Autre. Aussi il est, par essence, antinomique avec la liberté, l’égalité, la sécurité, la fraternité, la justice, la paix… Pour faire court, avec la Vie et la réalité de l’homme ! D’où l’état de crise chronique qui affecte toute société dite « développée » !
À partir de la réalité dynamique, vivante et globale de ce monde, les médias doivent chaque jour créer « l’actualité ». Pouvoir de démiurges qui créent l’info à partir d’une matière première : l’odyssée de l’humanité qui expérimente à ses dépens ses conceptions de l’homme et de la Vie ! L’info est un produit de consommation qui cible les consciences et influe les existences ! C’est un produit fini, purifié, transformé, manipulé, décontextualisé de la réalité humaine globale, qui sert à écrire, au quotidien, le récit de l’homme ; qui entretient le mythe de la croissance continue, celui du toujours plus et plus vite ! Récit qui ne doit pas sortir du cadre légal défini par le système de pouvoir en place. Récit qui, pour cette raison, celle du plus fort, empêche, la hauteur de vue et la prise de conscience salutaire du fait humain global et de ce qui se trame en ses profondeurs.
Les dangers de cette entreprise de gavage qui livre du prêt-à-penser, du prémâché prêt à être assimilé, comme un bien de consommation courante, ne sont pas mis en avant comme ceux du tabac et de l’alcool ! Or, à force de facilitation, la réflexion s’émousse et l’individu perd le peu de libre arbitre dont il dispose. Manipulable et conditionné il est. Manipulable et conditionné il reste et devient chaque jour davantage, condamné à mener une existence de plus en plus servile sous le joug d’un pouvoir et d’une société désormais confrontés aux limites de leurs mensonges, aux limites de leurs illusions, celles de leur conception libérale de l’homme et de la Vie ! Celle-ci est devenue insupportable puisque létale pour l’humain qui l’expérimente et pour son environnement planétaire qu’il massacre pour atteindre ses objectifs.
Faiseurs d’actualité, les médias parlent surtout de l’écume, des conséquences de processus humains souterrains. Certains enquêtent et s’efforcent de débusquer les causes quand d’autres les inventent pour leurrer les consciences et conquérir le pouvoir en les amenant à leurs vues. Mais aucun ne va au fond du problème en auscultant la réalité de l’humain qui est la cause première ! Aussi, les demi-vérités des uns et celles des autres ajoutent de l’écume à l’écume. Le traitement de l’info envoie de plus en plus de messages contradictoires qui enfument les esprits. Les médias qui essayent de surnager en gardant un cap qu’ils voudraient clair, sont eux aussi entrainés par l’évolution de la société qui leur impose ses divagations sous la houlette du mensonge et de la peur. Dans la guerre que se livrent le mensonge et ce qui voudrait être la vérité, les journalistes sont devenus des cibles à abattre comme tous les lanceurs d’alerte, les ONG, les scientifiques désormais. Comme dans les conflits armés et cyber, les hôpitaux, les femmes et les enfants sont redevenus des cibles ! La déshumanisation bat son plein.
Partout et depuis le début de l’histoire, le mensonge du monde cherche à abattre la Vérité, c'est-à-dire tout ce qui mène à la réalité de l’homme et de la Vie ! Le mensonge se trahit ainsi lui-même et finit par esquisser ce qu'il veut cacher ! Hélas, les médias « libres et indépendants » ne cherchent pas la Vérité ! Ils ne peuvent qu’appeler à la résistance et au réveil des consciences. En vain, car étaler le pourrissement du système au grand jour, c’est une vérité, ne fait que l’accélérer.
Seule la réflexion sur la réalité de l’homme et de la Vie pourra stopper le processus de déshumanisation en cours. L’info, même « libre et indépendante », est insécurisante! Elle fige notre conscience et l’empêche de s’élever, de prendre la hauteur de vue nécessaire pour relier les tenants et aboutissants humains de « l’actualité » et admettre la réalité sous-jacente.
À travers l’actualité, les médias « libres et indépendants », et les autres, dessinent en effet le tableau de notre déshumanisation, généralisée. Tous en jouent et l’exploitent, mais nul ne l’identifie, nul ne la nomme, nul ne donne ainsi la possibilité d’y remédier. Tous les médias empêchent les consciences d’établir le lien entre leur endormissement, notre déshumanisation, et le reflux de la Vie sur cette planète ! Endormissement des consciences qui va de pair avec l’asservissement des existences à l’œuvre globale de déshumanisation et de destruction de la planète en cours ! Directement ou indirectement, tous les médias prennent donc part à la montée des extrêmes, à celle du mensonge, de l’injustice et des discriminations, de l’obscurantisme !
Désabusés par la révélation des dessous mensongers et affairistes, voire mafieux, de la démocratie libérale humaniste, et ses conséquences dramatiques pour l’humain et la planète, des pans entiers des peuples l’ont invalidée et se radicalisent eux-aussi. Ils se sont mis en recherche de vérités alternatives sur les réseaux sociaux ; à la recherche d’autres formes de pouvoir plus « vertueuses », capables de faire le ménage, d’éradiquer les causes désignées, de laver « plus blanc que blanc » et surtout, de fournir une solution clé en main ! C’est ce qui s’est passé aux USA avec Trump et Musk qui abattent désormais, un à un, les piliers de la démocratie, les piliers de la puissance américaine qui les a hissés là où ils sont ! Preuve que, comme en Europe, le ver qui est dans le fruit et qui le mange finit par le faire pourrir !
Le processus de déshumanisation ne peut être arrêté qu’en lui substituant le processus d’humanisation, ce qui implique de dévoiler la réalité de l’homme ! Celle-ci n’est pas difficile à comprendre d’autant que la tragédie humaine l’esquisse : le bilan de la conception de l’homme et de la Vie portée par la démocratie libérale humaniste n’est pas reluisant dès lors qu’on se donne la peine d’en contempler la globalité, la mondialité de ce marché de dupes. Il est même catastrophique ! La démocratie libérale a transformé l’humanité et la planète en est vaste souk dont les puissants tiennent tous les guichets et toutes les caisses ! La valeur de l’existence humaine s’est effondrée tandis que les dividendes retirés de l’exploitation de l’humanité et de la planète ont explosé. La contrepartie de la fortune des ultra-riches et de tous ceux qui font passer l’économie et leur intérêt personnel avant l’humain, est la déshumanisation de l’humanité et la destruction du miracle de la Vie !
Dire la vérité sur les dessous des systèmes de pouvoir ne permet pas de sortir de leur orbite, ni de s’affranchir de ce qui est la source première de la discrimination, de l’injustice, des inégalités et de notre questionnement identitaire et existentiel ! L’existence d’un pouvoir passe obligatoirement par le contrôle des consciences quilequel permet l’exploitation de l’ignorance et des existences ! De plus, débusquer un aspect du mensonge du monde ne l’anéantit pas mais le rend plus agressif. Une tête coupée, il lui en repousse dix autres, plus mauvaises ! Seule la vérité sur l’humain et sur le sens de la Vie peut éveiller les consciences et raviver l’espérance !
En démocratie, les médias « libres et indépendants », comme la majorité des sociétés, considèrent que la séparation des pouvoirs neutralise leur dangerosité en empêchant leur concentration dans les mains d’un seul. De plus la « séparation », très poreuse, entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux a été actée, au moins en France, par le principe de laïcité. Mais il subsiste un gros trou dans la raquette ! En effet, sous l’égide de l’idéologie libérale la collusion entre le pouvoir politique et le monde économique, levier incontournable de la puissance des nations, a accordé à ce dernier d’abord une écoute privilégiée, un droit de conseil, puis un droit de regard, devenu droit d’ingérence dans la politique. Exactement comme la religion au temps des rois ! Les pouvoirs législatif et exécutif se sont rangés en ordre de bataille derrière le pouvoir économique dans l’intérêt supérieur de la nation, mais surtout dans l’intérêt de ceux qui en incarnent la puissance. Toujours contre l’intérêt des peuples qui, parce qu’ils se bercent d’illusions, restent les dindons de la farce, et bien sûr, toujours contre l’intérêt supérieur de l’humain et de la Vie ! Si les peuples et la planète payent le prix fort, au bout du compte c’est l’humain seul qui en fait les frais sans avoir obtenu de réponse satisfaisante à son questionnement existentiel, sans avoir rien compris de sa propre problématique existentielle !
Parler d’humanisation ou de déshumanisation revient à aborder la dimension spirituelle de l’homme. Or, elle a été évacuée par les idéologies et la science dont les conceptions rationalistes et matérialistes de l’homme et du Vivant ne permettent pas d'identifier le sens véritable de l'existence. Mais, quoique niée et trahie par toutes les religions, les idéologies et la science, notre dimension spirituelle n’en demeure pas moins bien réelle.
Aussi, l’abandonner aux pouvoirs religieux, qui montrent au monde ce qu’ils en font, est irrationnel et criminel. D’ailleurs, le silence des religions sur l’évolution actuelle de l’humanité, est assourdissant et révélateur de leur impuissance à œuvrer dans le sens de l’humanisation de l’homme ! Elles sont même au cœur de l’œuvre de déshumanisation en cours, comme aux USA, à attendre d’en toucher des dividendes en termes de pouvoir !
Parler de la dimension spirituelle de l’homme n’est pas irrationnel. Cette dimension de l’homme peut être abordée de façon très rationnelle. Toute l’espérance de l’humanité réside dans la suppression de la chape de plomb du mensonge et dans la prise en considération de cette dimension seule à même de réveiller les consciences en donnant âme et sens à l’existence humaine ! Nos conceptions de l’homme et de la Vie sont des prisons où la conscience s’éteint. Leur expérimentation, celle d’une réalité virtuelle, tourne toujours à l’enfer et devient désespérante pour les populations, pour les femmes invariablement et pour la jeunesse contrainte d’y inscrire son avenir. Pas étonnant que les écrans et les drogues aient autant de succès… et d’impact ! Et la société n'y peut rien sauf à identifier pour l'abandonner le paradigme existentiel qui la gouverne!