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Billet de blog 2 mai 2014

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Annie Ernaux double la mise

Ecrivain qui compte à chacune de ses publications, Annie Ernaux n’hésite pas à doubler la mise, avec la reprise d’un texte et un portrait, si l’on  peut dire de l’Hypermarché d’Auchan à Cergy-Pontoise.

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Ecrivain qui compte à chacune de ses publications, Annie Ernaux n’hésite pas à doubler la mise, avec la reprise d’un texte et un portrait, si l’on  peut dire de l’Hypermarché d’Auchan à Cergy-Pontoise. «Regarde les lumières mon amour»* ; la mère d’une fillette dans le brillant dédale du lieu impressionne l’enfant. Naguère on se proposait d’aller en ville, désormais c’est à l’hyper que l’on se rend. Pour les 130 nationalités de Cergy, le « monstre » ne compte pas moins de 50.000 articles. L’auteur écrit « souvent j’ai été accueillie par un sentiment d’impuissance et d’injustice » en sortant de l’hyper ; pour autant je n’ai cessé de ressentir l’attractivité de ce lieu  et de la vie collective qui s’y déroule. L’écriture élaborée d’A.Ernaux se prolonge souvent d’observations de sociologue.

De caddies en escalators, de caissières en vigiles, de la docilité des consommateurs à la manipulation d’un mélange de catégories sociales où l’on vise singulièrement les plus pauvres. La valse des prix affichés,  des discounts, la variété de produits, la sagacité du personnel , tout concourt à produire un certain vertige qu’A.Ernaux qualifie d’intime.Pour s’opposer à la coercition insidieuse de la grande distribution, A.Ernaux a déchiré sa carte d’Auchan.

  PASSION  SIMPLE,

 L’auteur reprend une nouvelle de 1991 qu’adapte  Jeanne Champagne, metteure en scène liée à la « Scène Nationale » de Chateauroux et par l’unique actrice Marie Matheron à l’émotion également simple,  amoureuse d’un homme invisible, mais pressenti lorsque souvent elle évoque ses coups de téléphone (ce qui fait songer à « La voix humaine » de Jean Cocteau qui s’effectuerait désormais grâce à un portable). - A - semble un homme actuel, peut-être diplomate d’Europe de l’Est ou bien un homme d’affaires, dans le vent, beau complet, grosse voiture.

 Une passion sexuellement dominante pour laquelle la femme s’abandonne aux schémas de l’amante désoeuvrée, vouée à sa proie pour laquelle elle s’efforce d’afficher un certain luxe. Les mots sont des émotions suscitées par l’attente et le désir de l’amant. Davantage qu’un attachement profond.  Là également A.Ernaux exerce un regard de sociologue en disséquant le temps de l’amour, avant, après. Si la voix et la gestuelle de Marie Matheron nous paraissent si adéquats et d’une rare délicatesse  c’est que l’on suit le son de ce soprano léger qui ne force pas sa voix au sein d’une acoustique parfaite et que la seule présence d’un lit et d’un fauteuil n’autorise guère de variété dans les attitudes. La pièce conclut par une inévitable rupture, en dépit d’un retour  de l’homme aussi brusque que court. La femme dit que l’homme lui a apporté une sorte de « don reversé ».

Claude Glayman.

- Annie Ernaux « Regarde les lumières mon amour » - Seuil, coll « Raconter la vie 72 p. 5,90E. -        «     «    : « Une passion simple » - Théâtre Le Lucernaire, jusqu’au 7 juin. 18h30.

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