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Billet de blog 2 juin 2013

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OPERA BASTILLE, NOUVELLE CONQUE ET « BABY YAR » DE CHOSTAKOVITCH

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra National de Paris, a souhaité l’installation d’une nouvelle « conque » dans la grande salle de Bastille pour améliorer la qualité sonore des concerts ; elle est ôtée pour les opéras. Cette conque d’un jolis bois foncé, d’une légère incandescence que le public a découvert le 28 mai, est modulable, les panneaux qui la constituent sont orientables selon la nature des sons. Elle a été financée par des « amis américains » de l’Opéra National de Paris et de son directeur musical. Ce concert inaugural,retransmis en direct sur « France Musique », comprenait notamment  l’« adagio » de la 10° Symphonie de Gustav Mahler, œuvre inachevée, à l’exception de certaines indications  de la main du compositeur peu avant  sa disparition.

Divers musiciens ont tenté un improbable achèvement, le principal, souvent retenu, en particulier ce soir là, est le britannique Deryck Cook interprété par l’Orchestre de l’Opéra. Il s’agit d‘une œuvre fortement pessimiste, hantée par la célèbre Alma Mahler la femme du maestro, par son propre état psychique, celui de la  fin d’une vie. L’orchestration mêle la puissance d’un gros orchestre et le retour d’une obsession thématique d’ordre fantastique qui hante, à son tour l’auditeur,  comme « l’adagietto » de la « 5°Symphonie », utilisée à plein par Luchino Visconti dans « Mort à Venise ». La perception, plutôt forte (la conque ?) qu’en a le chef d’orchestre nous est apparue comme insuffisamment intériorisée,  voire secrète au profit d’une clarté et d’un brillant excessifs. Pas tout à fait dans l’esprit viennois de l’époque, celui que l’on aime ayant admiré de multiples et diverses productions artistiques qualifiée ultérieurement de « joyeuse apocalypse ».

Cet univers change du tout au tout  avec la 13°Symphonie de Dimitri Chostakovitch qui date de 1962, dite « Baby Yar, pour basse, chœur de basses  et orchestre. 

 C’est une machine foudroyante, brutale qui illustre un poème, lui aussi foudroyant d’Evgueny Evtouchenko,  poète célèbre qui ne manie pas la langue de bois, sorte de coup de poing, qui en 1962, lors de la création dans l’ex URSS, suscita de nombreux remous parmi la nomenklatura de l’époque. Symphonie très rarement à l’affiche ; il est vrai exigeant un imposant personnel musical afin de célébrer, si l’on peut dire, « Baby Yar », un  ravin ukrainien où sévirent des commandos SS, spécialisés dans les massacres de victimes civiles, généralement juives. Ils s’appelaient  « einsatzgruppen, chargés de liquider les arrières du « front » ; ici parfois aidés, quoique ce soit controversé, par des supplétifs ukrainiens.

Doublée par les chœurs de l’opéra (direction Alexander Di Stefano) maniant d’autant mieux la langue russe qu’ils sont aidés par des chœurs tchèques  (direction Lukas Vasilek). L’oeuvre s’appuie également sur une basse russe réputée ; Alexander Vinogradov qui déclame le poème cité. Cependant il y a quelque chose de « fruste » dans cette partition de musique qui nous agresse et nous fouette. Le final de l’épisode s’achève sur une sorte de concert d’instruments à vents, d’une étonnante beauté mélodique, probablement apaisante et dans laquelle D.Chostakovitch excelle. Une esthétique très  personnelle comme souvent chez cet artiste courageux, mais selon les périodes ,obligé de ruser avec un pouvoir totalitaire dont il a finalement triomphé avec le temps mais sur le moment, d’un côté ou de l’autre, on n’a pas toujours compris, voire admis cette subtilité que l’on qualifiera de « dialectique ». Comme partout et dans les temps les plus divers.

Claude Glayman 

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