Les concerts complémentaires de la grande salle de Bastille, « Convergences à l’Amphi »attirent toujours plus la curiosité. Ce lieu « modeste » est souvent plein car ,on y donne des œuvres plutôt rares et passionnantes, plus ou moins en résonance avec les opéras à l’affiche.
J’ai eu le plaisir de retrouver la pianiste lithuanienne Muza Rubackyté, soliste de la soirée du 15 mai, je l’avais interviewée il y a plus d’une décennie. Depuis lors elle est devenue une musicienne internationale et a, notamment, créé le festival de piano de Vilnius, capitale de son pays.
Ce soir là elle proposait un concert de compositeurs peu fréquentés en France. Et tout d’abord quelques opus de son compatriote Mikalojus Konstantinas Ciurlonis (1875/1911). Nous avions découvert en l’an 2000, à Orsay, une exposition de ses peintures. Une pratique courante à cette époque « symboliste », mélanger différents arts, les faire se correspondre. Peu d’œuvres jouées, « Trois Préludes, Deux Nocturnes ». On entend le souvenir lointain de Chopin, mais sans excès comme si Ciurlonis connaissait aussi Claude Debussy, son contemporain et recherchait à l’évidence une esthétique personnelle, à confirmer par des œuvres ultérieures (*).
Karol Szymanovski (1882/1937) lui aussi « symboliste » d’origine polonaise est plus connu avec une œuvre plus vaste dont un opéra « Le Roi Roger » que le Festival de Salzbourg a inscrit à son répertoire, Il faisait partie du concert du 15 mai. En lisant l’indispensable ouvrage de Didier van Moere (Fayard 2008) sur K.Sszymanovski on remarquel que son empreinte pourrait être rapprochée de Bela Bartok ,intérêt accordé aux musiques extra européennes, arabes notamment. M. Rubackyté a interprété son opus 1 ; là aussi Chopin, Debussy, et la capacité de la pianiste à bien distinguer chacun de ces musiciens.
Alors que Serguei Taneiev (1856/1915) clôturant la soirée est moins méconnu, il a enseigné à P.I.Tchaïkovski (Scriabine est omis car les 5/6 juin sont consacrés à ses 10 Sonates dans le même lieu). Néanmoins la pianiste accomplit sa tâche de pionnière en révélant le « Quintette pour piano et cordes » avec le concours du jeune Quatuor Tadeo. Une vraie nouveauté mais plus classique dans la tradition pathétique et romantique qui a probablement influencé Tchaïkovski.
Cette période de l’avant première Guerre Mondiale n’a, musicalement pas manqué de technique ni de visions de l’avenir (sans compter nombre d’autres artistes d’autres origines). La conflit de 14/18 et ses lendemains constitueront bien des bouleversements en musique comme ailleurs : avant-gardes mais aussi retours en arrière. D’où l’importance de « piocher » un peu partout..
Claude Glayman.
* De M.K.Ciulionis 1 cd piano M.Rubackyté. Naxox (bas prix).