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Billet de blog 4 mars 2014

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Qu’entend-on par musique des Etats-Unis?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Approximativement, dès le 16° Siècle des missions chrétiennes espagnoles arpentaient le territoire nord américain, colportaient d’Europe des musiques savantes jusqu’au milieu du 19°Siècle,. Alors des millions d’esclaves noirs, côtoyés par des tribus indiennes, ont implanté, si l’on peut dire,  le Gospel, les Negros Spirituals, riches d’avenir. Cependant rien ne se passe de décisif dans le domaine d’une « musique nationale américaine ». La colonie blanche a gagné son indépendance et, du coup une ville-phare, telle que Boston pratique une sorte de commerce de la musique, de même on l’étudie et la pratique dans des Universités nouvelles. Et déjà des artistes européens séjournent ici : la célèbre chanteuse Pauline Viardot, le violoniste Henri Vieutemps, etc.

Selon le musicologue Nicolas Southon *, auteur d’un passionnant et exhaustif ouvrage récent, la musique Nord Américaine compterait de l’ordre de 250 compositeurs, pour plus de 500 pièces composées et, en 1842, New-York fonde le très prometteur « NewYork Philarmonic ». Retenons le nom de Louis Moreau Gottchalk, remarquable, et remarqué virtuose américain.

- La guerre de Sécession (1864-1865).

Après cet autre évènement fondateur, la musique, dit notre auteur, devient « bourgeoise ». En 1872 Johann Strauss dirige ses valses viennoises à Boston ; Hans von Bulow dirige des phalanges, plus ou moins de son rang et notre cher Jacques Offenbach visite le pays où les musiciens sont assimilés à des nomades ; l’industrie prime l’art , néanmoins une « Seconde Ecole de Musique » s’installe en Nouvelle Angleterre.

- Le baguette magique d’Antonin Dvorak et l’étrange Charles Ives.

A compter de 1891 le compositeur tchèque (cad austro-hongrois), dirige le « Conservatoire National » de New York, mesure décisive dans la mesure où l’auteur des « Danses Slaves » entend cultiver le folklore musical local et en user. Soit en 1893, la « Symphonie du Nouveau Monde », suivi du « 12°Quatuor » dit « Américain ».La greffe sera bénéfique et pourtant, dans le même temps, un inconnu, Charles Ives (1874/1954) rejette le folklore us ainsi que l’avant-garde européenne et bâtit une esthétique originale et personnelle, le tout incognito. Son métier est assureur ; ’c’est un « original » partisan de l’expérimentation. Choix logique, pas rare dans un pays qui ne dispose d’aucune tradition durable et profonde. C’est à partir des années 30 du 20°Siècle qu’on découvrira la complexité de la musique étrange de C.Ives et pratiquement indatable. Citons « Central Park in the Dark ; Three Places in New England » ou tout une programme ; « La question sans réponse ».

La civilisation industrielle.

Musique des « Roaring Twenties », d’inspiration urbaine. Une œuvre symbolique contexte « Le Ballet Mécanique » de George Antheil, extraordinaire melting pot musical avec un piano mécanique, des cordes classiques  et qui est aussi un spectacle de type surréaliste, admiré lors d’une retransmission récente, sur Mezzo, en version originale. N.Southon cite divers noms de compositeurs de ce moment :Walter Piston, Roger Sessions, Virgile Thomson …. Combinaison de musique savante et de jazz qui s’est désormais imposé, ô combien ! ce qui n’empêche pas de multiples leçons parisiennes auprès de Nadia Boulanger, à ces pseudo néophytes.

- George Gerschwin le génie

 « Rhapsodie in Blue » date de 1924, commande du chef d’orchestre de jazz, Paul Whiteman., et l’oeuvre ultime, « Porgy and Bess » date de 1935. Invention mélodique, intuition harmonique. On relève également les « musicals « Lady be Good » ; les standarts extraits d’une pièce, « The man I love » par exemple ; les Ballets et films ultérieurs, « Un Américain à Paris », etc. Bref une œuvre mondialement connue, de nature à s’ajouter aux grands de la musique savante européenne.

Une évocation de Broadway s’impose à ce niveau car c’est un lieu stratégique de la musique populaire américaine à laquelle l’ensemble des compositeurs souhaite appartenir même si ce n’est pas toujours le cas. Satisfaire le public tel  serait un objectif qui marque de fait un distinguo avec l’Europe. Plus savant, plus élitiste !

- Aaron Copland, père de la musique moderne.

Chronologiquement l’artiste couvre le 20°Siècle, Nadia Boulanger fut son professeur parisien, comme le pianiste Ricardo Vines. Il ‘agit du coup, d’un compositeur plutôt classique. Il se découvrit une vocation sociale lors de la Grande Dépression et de la politique « Rooseveltienne » en particulier dans la problématique des campagnes. On peut lorgner du côté des « Raisins de la Colère » de John Steinbeck ou de l’écrivain James Agee, parfois librettiste. L’opéra « Tender Land » monté récemment à l’Opéra de Lyon  appartient à cet horizon. Notons « Billy le Kid, 3°Symphonie créée par Serge Koussevitzky ou le Concerto pour clarinette destiné au jazzman Benny Goodman » A.Copland se sert du jazz plutôt qu’il ne le sert : il constitue un équilibre entre les diverses tendances du contexte de l’époque.

- Lyrisme toujours : l’Opéra, Barber, Menotti.

Le Metropolitan Opera ,et de multiples institutions opératiques, s’inspirent d’une tradition étroitement européenne. Samuel Barber, auteur d’un célèbre « Adagio »  (in « Platoon » d’Oliver Stone), mais avant tout mouvement d’un Quatuor), de « Koxville Summer 1915 » évocation nostalgique pour voix et orchestre. Naturellement voici conduit le musicien à s’attaquer à l’opéra, « Vanessa 1952/ Antoine et Cléopâtre ». Référence à Gian Carlo Menotti auteur   de grands succès  du «Medium à »Teléphone ». N.Souton s’attarde à cette occasion sur « Un siècle d’opéras américains » aveu d’une propension.

- Leonard Bernstein, l’icône.

Sans conteste Leonard Bernstein incarne le mieux diverses tentatives de rénovation de l’art lyrique américain. A la fois par des connotations sociales  plus actuelles que celles de Copland  et par le concours d’une palette de techniques et d’inspiration très riche : Symphonies – la seconde « Age de l’anxiété », sa « Sérénade pour violon » inspirée de Platon et par ses musicals universels, tel « West Side Story ». Egalement par une intense activité de chef d’orchestre (intégrale des Symphonies de G.Mahler) et un rôle pédagogique dans les médias en faveur de la musique.

L.Bernstein constitue l’un des plus emblématiques passeurs entre l’Europe et les Etats-Unis. Sans doute n’est-il pas étonnant que N.Southon accorde, en retour, une place importante aux exilés de l’Europe chassés par les événements politiques du 20°Siècle. Le mouvement des passeurs fonctionne dans les deux sens. Sans oublier les musiciens de films (la musique est aussi un business !) animés, dit l’auteur, par une « sorte d’imaginaire sonore américain » ce qu’il nomme par la formule « La son d’Hollywood. ».

- Expérimentateurs et Minimalistes.

 Edgar Varèse, d’origine française, naturalisé un temps américain comme si ce changement  lui avait permis de réaliser la part expérimentatrice de son œuvre musicale : « d’ Ariana »   à «  Déserts » ce dernier provoquant le scandale que l’on sait lors de son retour en France où il s’essaye à l’électronique ». Elliott Carter fut également un  iconoclaste, en abandonnant la musique tonale tandis que Lukas Foss y est revenu. L’essentiel de la musique américaine s’inscrit dans la tonalité et néanmoins, comme on le voit, elle compte !

-  Radicaux,George Crumb, John Cage réinventent la musique. 

John Cage (1912/92) invente le « piano préparé », s’attache aux musiques extra  occidentales, réfléchit sur le silence (4’33’’ de silence intégral sauf les bruits de la vie). A ses côtés esthétiques Morton Feldman, Stefan Wolpe, M.Kagel en Europe.

Du côté des minimalistes, Terry Riley et les musiques balinaises et  l’ une des œuvres fortes de Steve Reich « Different trains », analogie entre un train us traversant la campagne, et ceux qui conduisaient aux camps de la mort dans les années 40.

Parmi les minimalistes toujours en activité, Phil Glass et son célèbre « Einstein on the beach » qui poursuit l’adaptation musicale  de l’œuvre de Jean Cocteau tandis que John Adams, issu de la musique « répétitive », « Nixon in China » très systématique et l’intéressante « Harmonieliere » (1985) et le spectacle « Doctor Atomic ».

Après ce grand voyage, et de nombreux oublis, dans le sonore américain, d’où proviendront d’autres formes de renouveau. Tant de possibilités sont ouvertes là comme ailleurs …

Claude Glayman

* Nicolas Southon : « Les symphonies du Nouveau Monde : la musique aux

   Etats-Unis » - Fayard/Mirare, 180 p. 15E.

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