Amilcar Ponchielli (1834-1886) appartient à la génération qui suit celle de Giuseppe Verdi. Il est assez logique que son œuvre la plus importante et la plus notoire, encore que méconnue de nos jours (La Gioconda rentre au répertoire de l’Opéra National de Paris) s’inscrit esthétiquement entre Verdi, toujours prolixe et le « vérisme » qui pointe. Ponchielli, professeur, aura comme élèves, Pietro Mascagni et Giacomo Puccini qui se situe au-delà , parmi les « grands ».
« La Gioconda » créée en 1876 à la Scala de Milan n’échappera pas à certaines influences du « wagnérisme » à l’aube de Bayreuth alors que les autres productions du musicien ont sombré dans un oubli quasi total. Mais surtout, au-delà d’un talent inspiré par le modernisme du temps ; on remarque la présence d’Arrigo Boïto comme librettiste, connaît-on assez cet artiste exceptionnel, probablement l’un des plus marquants de son temps ? Librettiste ultérieur de Verdi ; après avoir révisé « Simon Bocanegra » (1881), il sera le collaborateur pour « Othello » et « Falstaff ». Très informé sur la vie culturelle de l’époque, lui même est compositeur d’opéras « Mephisophele, Neron posthume ». Pour « la Gioconda » il adapte « Angelo, tyran de padoue » pièce de jeunesse de Victor Hugo.
Venise, XVII° siècle, La Gioconda est une chanteuse de rues, au milieu de marins, de filles et de gondoles, face au Palais Ducal ; tentative de meurtre sur la vieille mère de Laura, luciana d’Intimo,. La « vieille », aveugle est sauvée, à la fois, par La Gioconda magnifique soprano, Violeta Urmana , diva omniprésente et un personnage, Enzo, réplique de héros romantique, l’extraordinaire ténor, Marcelo Alvarez, on croirait Placido Domingo doté d’un timbre plus jeune. Espion lugubre de l’Inquisition, le baryton Claudio Sgura a tout vu et entendu, image du futur Iago, Barnaba désire La Gioconda alors que le mari de Laura, Alvise est un des membres influents de la sinistre Compagnie.
Univers cruel de délation, d’écoutes et de mensonges. : Orlin Anastassov le moins familier de la langue italienne est le mari de Laura qui cherche à se venger de sa femme.
A l’inverse de ce chaudron infernal, La Gioconda, non dénuée elle aussi de passion (Enzo) assure le happy end de l’adultère de Laura et d’Enzo mais animée d’une compassion propre à son personnage original, il ne lui reste que le suicide et non la vengeance sur Laura
L’orchestration assez neuve de la partition qui compte un célèbre Ballet « La Ronde des Heures », filmée dans « Fantasia » de Walt Disney ; doublé du chœur d’enfants de Bastille et de celui de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, particulièrement en forme le soir de la première, tous dirigés par le chef Daniel Oren. Cette redécouverte inattendue modifie la donne d’un certain ronron des opéras avec également le retour à Paris du célèbre metteur en scène Pier Luigi Pizzi, créateur réputé d’un style et par la beauté de ses décors et costumes. Dans notre univers nostalgique et bien inégal , les soirées de ce type sont plutôt rares même si l’on n’est pas un inconditionnel des œuvres lyriques du 19°siècle et qui ont souvent disparu.
Claude Glayman,
Opéra National de Paris, jusqu’au 31 mai. Diffusé en direct au cinéma en France et en Europe (cf. Programmes)