L’Orchestre National du Capitole de Toulouse donnait le 5 juin, Salle Pleyel un concert aussi original que classique, sous la direction de Tugan Sokhiev, révélation récente de plus en plus marquante qui intronisait pour nous, du moins,un brillant violoncelliste Narek Hakhnazaryan, d’origine arménienne.
Débutant par une suite orchestrale d’après l’opéra « Katarina Ismaïlova », réplique du scandale sous Staline en 1936 de la fameuse et sulfureuse « Lady Macbeth de Mzensk ». Ensemble impressionnant pour une musique éclatante et sarcastique typique du jeune Chostakovitch. Sortes de fanfares auxquelles les instrumentistes de l’Orchestre donnent leur lustre, excepté de rares « boursoufflures » dans le Largo. Mine de rien, le compositeur ne poursuivait-il pas une sorte de « revanche » ironique à l’égard de l’oukase du dictateur ?
Et nous voici dans un Tchaïkovsky, les bien connues « Variations sur un thème rococo »
portées par l’excellent violoncelle de N.Hakhnazaryan ; ce dernier emboîte les pas dixhuitièmistes du compositeur tourné du côté d’un passé proche qui, visiblement l’obsédait. Se souvenir de l’opéra « La Dame de Pique » : au cours d’une nuit profonde une vielle dame fredonne un air d’André Gretry de 1784 , baroque reconstitution d’une époque imaginée. Le grand talent du violoncelliste, ferme et virtuose, lui confère une densité et une homogénéïté, s’agissant d’ une œuvre sans doute considérée comme secondaire, et cependant passionnante pour ce qu’elle révèle.
LA SYMPHONIE « PATHETIQUE »,
soit l’une des 3 ou 4 symphonies les plus jouées dans le monde. Elle baigne dans une mélancolie profonde que tentent de réduire quelques éclats plus ou moins optimisants.
Dernière partie de la vie du compositeur, brisée par un suicide imposé en relation avec une « histoire de mœurs » que tous les régimes russes, jusqu’à aujourd’hui, ont condamnée et réprimée. L’historiographie soviétique a censuré cet épisode. Dans sa riche biographie du compositeur, André Lischke (Fayard 1999), au terme d’une enquête-modèle fait justice de ce mensonge d’Etat.
Les premières mesures de l’œuvre imposent le sentiment d’une dépression existentielle, ce dès l’adagio initial . « La Pathétique » présente en outre la singularité de compter 4 mouvements, ce que semble ignorer une partie du public. La musique tente d’échapper à ce carcan , introduisant un mouvement de valse et une pseudo marche peut-être trop fortissimo ? (en raison, peut-être, d’un placement trop près de l’Orchestre) . Cela débouche sur « adagio lamentoso », inévitable et qui est admirablement intériorisée
Jusqu’à des sanglots d’orchestre. On comprend que Toulouse et son Capitole soit l’une des plaques tournantes de la musique (ainsi que du Ballet) dans l’hexagone.
Claude Glayman
Ecoute. De très nombreuses versions, notamment de Yevgeny Mavrinsky, un cd Melodia datant de1949, repris en 1996, plus authentique que le coffret des 3 dernières Symphonies. Par le même chef et la Philarmonie de Leningrad, aujourd’hui St-Petersbourg 1 coffret 2 CD DG