Intervention initiale en faveur du maintien du statut des intermittents du spectacle : calicots, applaudissements, sifflets des spectateurs. Qui en aurait douté ?
Le rideau se lève sur un beau et vaste lit « olympien », par trop solitaire ; pour l’essentiel mise en scène de l’excellent Benoît Jacquot , on n’oublie pas ses « Werther » in Loco. Le chef invité est l’Israélien Daniel Oren ; et voici Violetta Valery, Diana Damrau ; il y a eu des « fines bouches et oreilles bouchées » ; Diana Damrau pourtant quelle chanteuse possédant une ligne cantabile homogène, attachante, sensible, tout simplement belle. Alfredo est un bon ténor possédant le souffle de sa passion profonde ; dans ce premier acte, un rien statique, face au baron Douphol à l’exception du geste qui sauve tout. , Violetta lance son camélia comme un messager qui avoue ou presque sa réciprocité ; l’actrice se révèle, elle n’est pas uniquement une merveilleuse voix.
Cependant pour cette nième « Traviata », à la suite de décennies d’écoute, on éprouve un véritable choc, comme si on découvrait le génie musical de Verdi, inspiration inépuisable, sans cesse renouvelée, inventée, imaginée ; tant instrumentale, que vocale, avec des chœurs et des comparses qui tiennent le challenge ; bel orchestre de l’Opéra, notamment bois et cuivres aussi fermes que sonores, des cordes davantage diversifiées ; D. Oren est discret mais efficace.
Dépendance sociale contre l’amour
Second acte qui s’ouvre sur un magnifique arbre au feuillage envoûtant. On songe au dénouement de Falstaff, sans le ridicule du gros personnage ; c’est alors que se noue la vengeance sur Violetta, nimbée de questions financières ; Violetta prête au sacrifice suprême, phtisie incluse, pour s’acquitter de sa vie de « dévoyée », de courtisane proférant un discours qui invoque en permanence les cieux et dieu jusqu’à l’excès.
Il est vrai que le style du livret de F.M. Piave est d’une banalité désolante ; une société foncièrement injuste passe souvent par l’intrusion de la famille, en l’occurrence bourgeoise ; à la suite du sermon du père, notre irremplaçable Ludovic Tézier. Le marchandage impose à Violetta et les billets de banque jetés à la figure comme dans un polar d’Hollywood. La passion implique la raison, le respect du code de bienséance de cette société. Déjà moribonde, on retrouve Violetta dans une chambre quasi mortuaire, clin d’œil prospectif à la mort de Mélisande. Le rejeton en moins.
Certes nous sommes dans la pure tradition du mélo ! Assistent au dénouement la fidèle Annina (Cornelia Onciou), le médecin (Nicolas Testé), Giorgio Germont le Père, et Alfredo le fils : « humanité contre inhumanité ». Quant à la musique de Verdi, toujours aussi prestigieuse, elle reprend et développe les mesures qui inauguraient l’opéra. Le public ayant souvent marqué sa complicité achève par une longue ovation que nous partageons.
Claude Glayman – La Traviata de Giuseppe Verdi Opéra Bastille jusqu’au 20 juin 2014