Des cris d’Alexandre Scriabine, « mystérieux » compositeur russe (1872/1915) qui n’a jamais composé pour la voix humaine, à l’exception de rares chœurs insérés dans des œuvres pour orchestre.
Pas davantage il ne s’est référé au folklore de son pays contrairement à la plupart de ses confrères. Pianiste génial et d’une virtuosité extrême, connaissant la musique de R.Wagner, il se caractérise par le mysticisme et l’ésotérisme, il appartient à une certaine branche du « symbolisme » comme divers artiste de l’Ouest et de l’Est de l’Europe proche de peintres comme Wassily Kandinsky, Frantz Marc etc.
Pianiste, interprète applaudi dans de nombreuses capitales du continent, c’est surtout le compositeur/créateur qu’on retiendra, il écrit en majorité pour le clavier mais il faut y ajouter trois Symphonies et deux Poèmes, celui de « L’Extase » et « Prométhée ». D’une écriture très subtile, reflétant ses adhésions philosophiques et témoignant d’une virtuosité sans égal à une période où l’Ecole Russe de piano brille de tous ses feux Serguei Rachmaninov Heinrich Neuhaus, etc.
Soirées des 4/5 juin
Le principal corpus de A.Scriabine réside dans dix Sonates ainsi que dans des Etudes et autres pièces diverses. Dans le cadre de « Convergences » de l’Opéra de Paris, les 4/5 juin derniers, la pianiste arménienne Varduhi Yeritsyan présentait ces deux soirées les dix Sonates que nous connaissions pas le disque * entrecoupées par les lectures de grands écrivains russes via les deux acteurs/diseurs Pascal Gregory et Olivier Py.
la marque du « funèbre » est souvent présente dans les Sonates (cf.la n°1) mais également sous forme de « lento » ou d’«andante » où le musicien crée des plages de « piani », s’opposant, par ailleurs, à la vitalité , la superposition des rythmes, en un climat obsessionnel, une complexité harmonique. Et soit une certaine influence de Wagner, soit un souvenir de thèmes romantiques s’achevant dans une sorte d’amertume, de regret d’une « belle époque », hélas en voie de disparition, s’ouvrant sur ce qu’on allait appeler « modernité ». Une sorte d’atonalité apparaît dans le tournant de la 5°Sonate. On ne se débarrasse pas de ces hantises de sonorités. Dans la n°7 dite « Messe Blanche »
Comme dans la n°7 « Messe Noire ». Cette atonalité amorcée à peu près en même temps qu’Arnold Schoenberg. Ajoutons l’extraordinaire virtuosité du piano qui enveloppe littéralement l’auditeur et, à la limite le subjugue. La pianiste Varduhi Yeristsyan adhère avec grand talent à ce programme.
Nous sommes dans les années qui précèdent le conflit de 14/18. A.Scriabine a 43 ans lorsque la guerre éclate le 28 août 1914. Scriabine a croisé Igor Stravinsky en Suisse et influencera les débuts de Serguei Prokofiev. Assumant un figure qui demeure présente quasiment un siècle après sa disparition, étant de ceux qui ont initié la grande période russe qui ouvre le XX°Siècle.
Claude Glayman
Amphithéâtre Bastille, 4/5 juin.
Scriabine : Sonate au complet. Marc-André Hamelin Cof 2CD Hypèrion, 1995
Scriabine par Scriabine, Neuhaus ? etc. 1 cd Chant du Monde 1992.
Le Poème de l’Extase, Promethée, Concerto pour piano – Anatol Ugorsky et Orch Sym de Chicago dm Pierre Boulez 1 CD 1999.
. Manfred Kelkel : Alexandre Scriabine. Fayard, 412 p. 1999.