Les Anglais considèrent Henry Purcell (1659-1695) comme un « génie ». Ils le comparent volontiers à Mozart : même brève durée de vie, même père musicien, importante production, précoce et intense dans de nombreux domaines, si l’on excepte les genres qui n’existaient guère à l’époque, tels les concertos ou les quatuors à cordes. Les Anglais exagèrent-ils ? Néanmoins la vie et l’œuvre de ce maître insuffisamment honorées en Europe continentale demeurent plutôt méconnues. De nombreuses pièces autobiographiques ont disparu (musiques religieuses notamment), sans compter une conception plus ludique, plus « fantaisiste » (au meilleur sens du terme) de l’art musical comme si la prégnance de l’immense ancêtre, William Shakespeare (1564-1616) avait imprégné la culture de l’ Ile (ce qui demeure peut-être le cas jusqu’à nos jours ?).
« King Arhur » tout récemment présenté au Théâtre de l’Athénée (7/12 février) par une troupe d’Amsterdam, précisément s’intitule « semi opéra » et non « opéra » que seront les productions françaises du siècle suivant, voire la postérité du genre.Le « semi » opéra accorde plus de liberté au déroulement de l’œuvre, livret compris. John Dryden, le librettiste, étant catholique éprouve quelques difficultés dans un univers qui ne partageait pas ses convictions.
Le fil directeur de « King Arthur » suit le combat des Saxons et des Bretons dont sortit victorieuse la royale Ile Britannia.
A l’Opéra National de Montpellier, exactement à la « Comédie », lors d’une saison festivalière « Le Concert Spirituel d’Hervé Niquet » a présenté un « King Arthur » iconoclaste (il en existe un DVD *). Le livret étant mis en scène par Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley et Dino). A l’Athénée, en revanche, on se rapproche de la version initiale, elle oppose les Saxons aux Bretons dans la vision des musiciens de type baroque et des acteurs/chanteurs de l’Ensemble Barok Opera d’Amsterdam.
Quel que soit le point de vue sur la scène, ce qui domine c’est l’extraordinaire profusion mélodique, jusqu’à un certain vertige dans l’écoute ; le compositeur est la source infinie de cette profusion, renouvellement et caractère inépuisable du chant, du cantabile avec support instrumental en conséquence. Sensation déjà éprouvée dans la très célèbre et antérieur « Didon et Enée » (sans omettre The Fairy Queen, 1692, etc.) où se ressent l’influence du professeur John Blow, « Venus et Adonis ». Certains diront que cela nous mènera jusqu’à la « Lulu » d’Alban Berg..
Ici dans « King Arthur » qu’il s’agisse des « sacrifices humains » initiaux préludes aux combats ou encore aux sonorités du célèbre « pays du givre » ; ses trémolos des personnages atteints d’une soudaine froidure du type de catastrophe climatique qui ne nous est plus totalement inconnu (jusqu’à Vivaldi solfiant l’hiver dans l’une de ses « Quatre Saisons ». Ou qu’il s’agisse du réchauffement par l’amour (H.Purcell est un indéfectible poète de l’amour, notoirement dans la scène presque finale des sirènes).
L’on est confronté à ce nous appelons le « vertige mélodique » qui annonce volontiers l’ami Mozart (décortiquez les multiples séquences, airs, ensembles variables de « Don Giovanni » l’un des aboutissements du chant).
Après Henry Purcell viendra Georg Friedrich Haendel, œuvre considérable mais qui ne procure pas la même profonde pureté du chant que chez Purcell. Les cinq chanteurs d’ « Arthur » sur les planches de l’Athénée expriment une sorte d’insatiable sublimation vocale. Secondé par un jeu habile, drôle souvent, facétieux des chanteurs, excellents musiciens de l’Ensemble d’Amsterdam.
Claude Glayman
« Le Roi Arthur » d’Henry Purcell, « Ensemble Barok Opera Amsterdam »
- 1 DVD Glossa 2009par « Le Concert Spirituel » d’Hervé Niquet
- Purcell Edition : « Didon et Enée / King Arthur » / « The fairy Queen »
William Christie/ Nikolaus Harnoncourt 4 CD Warner Classics Jazz.