Jules César a bien eu son « opéra », et « Salomé et Néron » et je ne sais plus quelle Reine d’Angleterre ; bref nombre de grands de ce monde ! Alors pourquoi faire la fine bouche (oreille) comme certains critiques de l’élite musicale , maugréant à qui mieux mieux, à la sortie, l’autre soir, des "Alliés", « Margaret Thatcher et Auguste Pinochet » à propos du conflit des Malouines (« The Falklands » en anglais opposant l’Argentine du général Videla à la Grande-Bretagne).
Sebastian Rivas (prochainement pensionnaire à la Villa Médicis), en a tiré un spectacle de « théâtre/musique », livret d’Esteban Buch, mise en scène d’Antoine Gindt, longtemps collaborateur des compositeurs Georges Aperghis et Pascal Dusapin.
Le scénario est simple, A.Pïnochet, devenu vieux, languit à Londres captif d’une mesure judiciaire internationale. Margaret Thatcher, âgée elle aussi,et retirée des affaires, lui rend une visite amicale, de bon voisinage. En marge, Richard Dubelski, silhouette bien connue, conscrit il a participé aux Malouines, il survit en agonisant, l’invective antimilitariste à la bouche. Ce spectacle est joué et filmé/projeté dans le même temps : c’est devenu une habitude ! il est chanté, parlé, chuchoté, bafouillé par les trois personnages indiqués mais également par l’aide soignante de Maggie, la belle soprano canadienne Mélanie Boisvert, veillant sur la Dame de Fer devenue fragile. La mezzo lithuanienne Nora Petrocenko possède une voix d’une grande plénitude émanant d’une dame qui fut plutôt belle dans sa jeunesse (cf documents de la BBC). L’interprète en a hérité une manière souveraine de chanter des paroles, il est vrai, d’une banalité certaine. Via l’aide de camp Thill Mantero, raide comme un soldat de plomb, en face c’est le baryton minutieusement désarticulé, Lionel Peintre, naguère nous l’avons souvent entendu à Paris, du côté de la Péniche Opéra. Son jeu est assez fabuleux dans son uniforme jaune-caca (costumes Fanny Brouste) pseudo jeune premier mais qui tient à peine debout, entre deux assoupissements et son fauteuil roulant.
L’âge et ses bobos n’épargne pas les « grands hommes, Pascal le notait déjà à propos de Cromwell ! Petits pas de danse, avec musique appropriée dont quelques mesures de « L’histoire du soldat » de Stravinsky. Regards en douce, les deux tourtereaux ont juste le temps de crier haut et fort leur haine des dictatures, d’Allende à Hitler, Staline, Saddam etc. C’est grotesque, drôle, cocasse ! C’est le mérite de ce spectacle finement mis en scène. Le procédé de la caméra qui filme pendant que ça joue n’est plus nouveau et on s’en passerait sauf s’il nous montrait davantage l’orchestre. Du reste y-a-t-il suffisamment de musique se sont interrogés les déçus ; il est vrai qu’on entend par à coups les voix ou le trombone ; tout cela demeure lointain même si l’Ensemble Multilatérale mené par le jeune Léo Warinsky, vif, esquissant une musique néo-populaire et des sautes de rythme en relation avec les solistes.
D’un côté le répertoire à gogo comble bien des vides et des oublis mais pas assez de créations. Si vous voyez mentionné « Les Alliés, ne le manquez pas», fût-ce pas conservatisme, mauvais goût, ou snobisme.
Claude Glayman
Théâtre de Gennevilliers, 14 juin jusqu’au 19 inclus.