L’Amphithéâtre Bastille, dans le cadre de ses « Convergences », a eu l’heureuse idée de consacrer un concert de son « Atelier Lyrique » à des mélodies polonaises, en hommage au compositeur Witold Lutoslawski, disparu il y a deux décennies. Chopin n’y a droit qu’à une seule mélodie, c’est dire qu’il s’agit essentiellement de musiciens du XXe siècle. Si, toutefois l’on excepte aussi Claude Debussy, né au 19° et qui a influencé nombre de ces artistes et crée une confrontation redoutable pour les chanteurs originaires de divers pays européens (sans oublier les différences profondes entre le Français et le Polonais). La soprano Elodie Hache s’en sort avec élégance dans les magnifiques « Chansons de Bilitis » sur des poèmes de Pierre Louys, l’ami de Debussy ; roumaine, elle ne rencontre pas d’énormes difficultés à prononcer le français, à la différence du baryton portugais Tiago Matos dans « Le Promenoir des deux Amants » (textes de Tristan l’Hermite).Dans d’autres titres individualisés de C.Debussy, la soprano Armelle Khourdoïan paraît exagérer les aigus. Les pianistes sont différents selon les interprètes mais tous ont paru d’excellente facture.
- Du côté des réussites.
Pour sa part, Witold Lutoslawski, a relativement peu écrit pour la voix, surtout chantant des poètes français : Robert Desnos, in « Chantefleurs et Chantefables » qui étaient du programme, avec la précise et bonne soprano Andreea Soare. Les mélodies de W.Lutoslawski sur des texte d’Henri Michaux ont été écrits pour chœurs donc absents de ce concert. « Les Deux chansons pour enfant » dont l’une est signée du compositeur, témoignent d’un développement attachant selon la mezzo-soprano Agatha Schmidt, véritable révélation féminine de cette soirée, la voix se confond avec sa tessiture pour notre plus grand plaisir (dans le privé W.Lutoslawski parlait un français impeccable).
Nombre de ces jeunes artistes, souvent confirmés, ont, à maintes reprises, chanté en France ou en Europe ; soit sur des scènes, soit dans des stages.
Il ne serait pas surprenant qu’on retrouve certains de ces noms, ultérieurement, sur des affiches prometteuses.
W.Lutoslawski a également chanté l’une des poétesses renommées en Pologne, en adaptant, « Cinq Mélodies de Kazimiera Illakokowicz. Poèmes en prose qui, comme souvent, frappent plus par le sens et l’architecture que par les potentialités sonores, .La soprano Lona Krzywicka leur rend justice, en entamant le programme (des traductions de tous les textes figurent en fin des documents disponibles). Cependant il y eut une autre révélation, le baryton Michal Partyra, à la tessiture impressionnante et qui chante Mieczyslaw Karlowicz, disparu trop jeune en 1909, suivi d’une des personnalités les plus illustres du pays, Ignacy Jan Paderewski, à la fois célèbre pianiste, compositeur et homme politique dont les mélodies ne manquent pas d’humour. Il conviendrait également d’honorer le grand compositeur Karol Szymanowski dont la forte personnalité s’impose puissamment avec les voix de M. Partyra baryton et à nouveau la mezzo-soprano A.Schmidt. K.Szymanowski est hélas ! peu présent dans les concerts en France mais l’est davantage sur la chaîne Mezzo de télévision.
- W.Lutoslawski Remember.
C’était au temps du Général Jaruzelski, Walesa et les grèves aux Chantiers de Gdansk : le fond de l’air était « polonais ». Maître d’œuvre de la collection « Musique » chez Stock, sur proposition d’un musicologue, Jean-Couchoud, attaché culturel à l’Ambassade de France à Varsovie, nous avons publié ses « Entretiens avec Witold Lutoslawski (en langue française). Ce nom nous était connu par l’illustre, disque EMI de 1975, comportant le célèbre « Tout un Monde lointain » désignant le « Concerto pour Violoncelle » d’Henri Dutilleux sous l’archet de Mitislav Rostropovitch, direction Serge Baudo et l’Orchestre de Paris. A la suite se retrouvait le « Concerto pour Violoncelle » de Witold Lutoslawski avec les mêmes.
A propos de ce compositeur mal connu en France, l’ami Maurice Fleuret, alors directeur de la musique au cabinet de Jack Lang disait, « Admirer son Expressionnisme Supérieur ». W.Lutoslawski, grand orchestrateur, auteur de Deux Symphonies, de Concertos, et de diverses pièces orchestrales ou non, d’un « Quatuor » etc. C’était également un important chef d’orchestre, recherché. Influencé par Bela Bartok, Igor Stravinsky, Serge Prokofiev, moins par Arnold Schoenberg mais également par le folklore de son pays, par John Cage, l’inattendu. En ce temps, encore féru d’expérimentation, W.Lutoslawski considérait « l’aléatoire », le hasard en musique. Aux côté de Kryzstof Penderecki, Henryk Gorecki, Tadeusz Baird, Zygmunt Krause plus récent, etc. ils forment « L’Ecole Polonaise », comme il y a une « Hongroise, Tchèque, Roumaine » avec ses Festivals, ses Automnes de Varsovie etc. En somme il n’y a pas que les « plombiers polonais » !
Claude Glayman
(1) – Amphithéâtre Bastille, 16 décembre 2013
(2) – Didier van Moere : « Karol Szymanowski » Fayard, 2008. Livre de
(3) – référence.
(4) – Henri Dutilleux : « Tout un monde lointain/Concerto pour Violoncelle » » et Witold Lutoslawski « Concerto pour Violoncelle » - Orchestre de Paris, dir Serge Baudo. 1 cd EMI, 1974 et 198
(5) – Maurice Fleuret ; « Chroniques pour la musique d’aujourd’hui » - Editions Bernard Coutaz, 1992.
(6) – La Musique Polonaise et Witold Lutoslawski – présentation et entretiens par Jean-Paul Couchoud »Stock Musique