Henry Purcell (I659/1695) né après les disparitions de William Shakespeare et de Claudio Monteverdi, a souvent été comparé à Wolfgang Amadeus Mozart. Tous deux disparus dans la fleur de l’âge, parrainés par des pères excellents musiciens, et devenus rapidement des compositeurs d’œuvres conséquentes et marquantes. Cependant, comme le souligne le sociologue Norbert Elias dans son essai sur Mozart, l’oeuvre d’un compositeur dépend de son inspiration, de son talent mais également du contexte social au sein duquel s’exercent ces facteurs individuels. La gloire les a accompagnés presque totalement durant leur courte vie et dans la postérité.
Néanmoins dans l’hexagone on connaît mal H.Purcell à l’exception de quelques opéras, le génial « Didon et Enée », « King Arthur », « The Fairy Queen ». Un jourrnaliste british de l’époque affirmait : « Le génie anglais n’apprécie pas le chant ininterrompu qui se pratique sur le continent ». D’où des masks semi-opéras, dont « King Arthur » fournit un exemple avec une séquence parlée.
Claveciniste, organiste du Roi Charles II , Purcell est l’auteur d’un grand nombre d’ « anthems » (compositions chorales sur des textes bibliques ) , également d’hymnes ; on en compterait 500. N’oublions pas qu’au temps de Purcell, l’Angleterre sortait d’une période très trouble : rupture avec le Pape au bénéfice de la religion « anglicane », guerre civile, décapitation d’un roi, république « puritaine », bien lointaine splendeur elizabethaine, etc...
Le retour dans la stabilité s’accomplit pratiquement lorsque H .Purcell naissait, avec la royauté de Charles II, lequel revenait d’un exil en France où il avait notamment apprécié la musique française dont les 24 violons de Lully.
- HEAR MY PRAYER, PIECES SACREES DE PURCELL PAR LES ARTS FLORISSANTS ;
La Cité de la Musique, le 2 avril dernier, présentait « The Tempest » d’après Shakespeare musique de scène, pour partie, de Purcell, et du même le samedi 19 avril avait lieu Salle Pleyel un concert de pièces sacrées d’H.Purcell par les Arts Florissants, fondé et animé par William Christie ; avec récemment, à ses côtés le ténor et contre-ténor Paul Agnew exerçant la direction d’un ensemble instrumental et choral.
Pleyel ne se présentait pas comme à l’ordinaire. Sur le plateau une modeste estrade comprenant notamment un orgue, un archiluth et des cordes. Et derrière, surélevés se tenaient les chanteurs, femmes et hommes et face à eux Paul Agnew dans son rituel de chef, très expert ; et si l’on peut dire de l’intérieur mais avec une grande discrétion.
Quelques sonates purement instrumentales parsèment le programme laissant la plus grande place et le plus d’intérêt aux anthems.dont le plus poignant et le plus attachant est un « canon » « miserere mei » s’adressant à Jesus, violente tension des voix comme si le compositeur se punissait lui-même afin que le Seigneur oublie nos offenses. Un des moments les plus forts et les plus bouleversants repris en bis. Une autre pièce évoquant la fragilité de la vie et l’inquiétude s’adresse à Dieu et au Roi. Dans « Rejouissez-vous » trois voix d’homme dont une basse très puissante demandent sa paix à Dieu ; que «le Seigneur oublie nos offenses. » Le chant de l’anthem est diversifié, il s’exprime sur plusieurs plans. Autre demande à Dieu « épargne ton peuple ». L’anthem s’entend sur plusieurs plans « Et pourquoi dans ce pays, dirait-on, où est leur Dieu ? ». Lorsque ruissellent les larmes c’est que tout est ravagé ; la guerre sans doute, la famine.
Puis un anthem nettement plus long où notre écoute s’est un peu égarée. D’autant que le suivant évoque « Les affreuses souffrances de la mort éternelle ». L’homme né d’une femme surgit puis est coupé comme une fleur. Mais que « Dieu demeure notre juge éternel. » Fort opportunément « Mon cœur bouillonne d’une bonne parole car je dis mon oeuvre pour le Roi et à sa droite se tient la Reine ».
Tout cela dans un jeu local, comme les mailles d’un chant ininterrompu comblé d’échanges
Dans une suprême beauté vocale où domine celle du phrasé anglais si distinct d’autres sources de langues que nous connaissons mieux ou du moins fréquentons davantage. Et pour conclure plus joyeusement il semble que parfois les voix paraissent danser gaiement et pas seulement le menuet mais tout un florilège de figures plus ou moins folkloriques
Claude Glayman
- « Hear my prayer » Trésors de la musique sacrée de Henry Purcell
Les Arts Florissants, chœur et ensemble instrumental.. Paul Agnew.
Salle Pleyel, 19 avril- 20H.
Concert diffusé le 14 mai sur France Musique.