Crier dans le désert, nul ne répond, sauf une petite poignée de public, dans une antique petite salle de peu mais d’un grand charme, avec tout ce que décline la vétusté. Jacques Kraemer, metteur en scène d’un unique acteur, lui, rend hommage à Benjamin Fondane, poète roumain, juif, exilé en France dans les années 30 ; essayiste d’un « Baudelaire face au gouffre », d’un Rimbaud, de poètes français traduits dans sa langue.
Il achève sa vie au Camp de Drancy et définitivement à Auschwitz en mai 1944. Lié aux Surréalistes, sauf à André Breton, philosophe, proche d’Emmanuel Levinas,il découvre la « phénémonologie » d’Edmund Husserl. En correspondance avec le sculpteur Brancusi jusqu’en 1940. Mais également proche du photographe Man Ray et, lui-même, s’essayant au cinéma, ce qu’illustre bien J.Kraemer ; le temps d’un clin d’oeil il incarne la silhouette de Charlot et de sa canne. Rappelons que J.Kraemer est le fondateur, dès 1963, du Théâtre Populaire de Lorraine, il rejoint celui de Chartres en 1993.
UN PERSONNAGE ET SON VISAGE ;
Dans son adaptation J.Kraemer nous parle surtout de l’émigrant traqué. D’où le titre de « Fantôme de Benjamin Fondane » ce titre du recueil apparemment complet de ses poésies que le spectacle ne décortique guère, tout en parsemant des citations. Et hop ! une autre pirouette sur des planches, face à une série d’écrans enchassés les uns dans les autres. Danse sur du jazz.C’est petit ici ! Pas vraiment avec la diction, quelle finesse la voix de l’acteur incroyablement posée, de cent métres on l’entendrait, parfaitement articuléé, jamais il ne faudrait tendre l’oreille, une projection qui n’est pas celle du chant mais de la belle diction. Rare ce son de nos jours lorsque les médias ont tendance à gonfler leurs décibels (l’audimat mal compris vous dis-je !).
Une relative parenté avec Robert Desnos vient immédiatement à l’esprit, spécialement pour la fin mais non pour les origines. On voit B.Fondane participer aux cercles des exilés roumains de Paris, proche notamment d’un certain Claude Sernet , nom d’emprunt, également plutôt inconnu de nos jours mais avec qui j’ai eu l’occasion de discuter très jeune, me croyant poète !q C’était le frère de Colomba, compagne d’Ilarie Voronca, personnalité roumaine dont nous ignorons tout sauf qu’il y avait là des liens d’amitié avec certains membre plus âgés des ma famille.
De temps en temps J.Kraemer fait appel à de la musique, celle des camps, en l’occurrence Guidéon Klein enfermé à Thérézienstadt.
Il y a chez B.Fondane une humanité qui scelle l’alliance de l’affectif poétique au conceptuel philosophique.
Il existe une revue « Cahiers de Benjamin Fondane *» et un recueil de ses poèmes paru sous le nom « Le mal des fantômes » Verdier/Poche ; Préface d’Henri Meschonic.
Nous avons glané :
Les émigrants ne cessent d’escalader la nuit, ils grimpent dans le secret jusqu’à la fin du monde. //A la fin on n’était plus qu’une seule personne immense qui fuyait. // Dieu est mort mais n’est-ce pas notre tâche de le réinventer.//Un visage qui avait servi à tout le monde de crachoir qui revient à un visage d’homme.
Claude Glayman
Société d’Etudes B.Fondane. www.fondane.org
Prochain spectacle « Méliès Cabaret MagiqueVu 2O/31 décembre 2014// Tel :01470722II.
« Le fantôme de Benjamin Fondane » « La Vieille Grille » 23.11. 2014