En cet an de grâce 2014 nous avons eu comme d’ordinaire le défilé du14 juillet ; ses fidèles ont profité d’une étonnante coïncidence : le centenaire de la Guerre de 14/18.
Désormais point de poilus vivant, mais le souvenir demeure d’autan, et personnellement on a profité de quelques vacances pour fouler le terrain, Verdun et alentours dont l’extraordinaire Forêt d’Argonne. Une terre meurtrie qui vous laisse un goût atroce, unique à notre connaissance. Des livres, des films, des chants, beaux-arts, poèmes, guides… ont certes plus ou moins révélé cette atrocité, singulière telle une blessure qui serait encore et semble-t-il, pour toujours, ouverte, inguérissable. Une foule de monuments aux morts, il en est dans toutes les localités du pays ; mais ici partout : rappelant tel soldat de seconde classe terrassé à l’endroit de sa petite stèle ; ou tel sous-officier abattu dans la « tranchée dite aux baïonnettes »; ou bien encore ce qui paraît être une « Alhambra », à proximité du « Fort de Douaumont » (cf. « La Grande Illusion » de Jean Renoir) et désignée par quelques lettres arabes ; sans oublier de véritables nécropoles ; notamment allemandes.
Nous sommes dans un secteur intitulé sur la carte géographique « Le mort homme » (sic)
Cette terre est vallonnée, un trou d’obus, multiples, recouvert par la terre éjectée et qui avec le temps a muté en herbe, voire en fleurs sauvages ou arbustes : un monticule.
La « Butte de Vauquois, « La Côte 301 » : prises, reprises, un rituel d’opérations perpétuelles.
Du reste, les routes touristiques, vallonnent, également, anciennement chemins de terre stratégiques foulés par les attelages, les engins ou le piétinement des soldats et de leurs équipements.
Une multitude, un envahissement au cœur de la forêt d’Argonne, omniprésente tant elle est immense. Forêt, épaisse, touffue, sans aucun autre signe distinctif que des arbres magnifiques, immenses, que l’on imagine impénétrables semblant à la fois distribuer et accumuler des repaires guerriers et qui creusées dans le sol figurent les fameuses tranchées. Autrefois on édifiait des châteaux forts très hauts, apparemment imprenables et en 14/18 on a quasiment inventé ou réinventé la tranchée où des hommes, des soldats se terrent, vivent, se battent, rêvent , sont soignés. Y meurent gazés aussi, souvent incognito, déboulant sur leurs voisins immédiats lesquels font basculer le cadavre nouveau sur un tas de cadavres précédents, en attendant de s’en débarrasser. Car c’est exactement cela cette guerre.
La découvrir ainsi sous ses oripeaux ordinaires n’a rien de bien glorieux, ni de distinctif mais on y puise une bonne raison supplémentaire de haïr la ravageuse qui, de nos jours s’appelle Gaza, les Ukraines… », etc. Sortons de cet enfer en signalant l’existence sous terre d’un repaire de luxe, celui du « Kronprinz », chef royal qui codirigeait les armées d’en face. On le disait sans égal ; du point de vue du confort, notamment pour sa salle d’opérations médicales , sauver les restes humains après les avoir massacrés…
A VERDUN COULE LA MEUSE VERS L’ALLEMAGNE ; NON LOIN DE L’ARGONNE INFINIE.
Là où il n’y a pas que, la forêt l’horizon pointe la terre également meurtrie, vallonnée aussi, tant par la géographie que par la guerre, à la place de villages disparus, parfois, reconstruits et des champs à perte de vue (blé, orge, maïs), plus élevage. Ailleurs c’est moins anonyme et plus individualisé comme ce double buste de deux descendants de Garibaldi avec, en face, l’Abbaye cistercienne de La Chalade datant du 11e siècle, rude et spacieuse ogive, détruite durant la Première guerre et bombardée en 1940, flanquée d’un maigre cimetière de sépultures de soldats du « Commonwealth ».
Ici aujourd’hui travaillent des agriculteurs, juchés sur leur haut tracteur et dotés, semble-t-il, d’un fort matériel agricole. Tant de nationalités se sont croisées, affrontées ici, si l’on en juge par le nombre faramineux de documents photographiques disponibles comme ceux de ces malheureux Portugais prisonniers des Allemands qu’on n’imaginait guère retrouver dans ces lieux.
Pour un peu on se croirait dans une station balnéaire, à Verdun, quai de Londres, sous le soleil, face aux yachts qui manœuvrent sur la Meuse, tandis que le foule déambule poussant des enfants en poucettes ou trottinant devant les terrasses de cafés, de brasseries.
Verdun peut rivaliser avec les havres de détente et de connaissance ! On y visite un Centre Mondial pour la Paix et les Droits de l’Homme : copieux. Une citadelle souterraine, mystérieuse.
Ce devait être un autre spectacle à l’arrivée des Américains dont un million d'hommes ont rejoint le front durant l’an 1917. Requérant la poursuite de l’effort allemand bien que la fin de la guerre avec la Russie en pleine Révolution avait permis à nombre de divisions du Kronprinz de rejoindre le front de l’Ouest. Les Américains ont souvent laissé pour traces de véritables monuments témoignant de leur présence combattante comme les colonnes de la Pennsylvanie à Varennes.
*
De même que l’on prétend qu’il existe la bonne et la mauvaise finance ; de même il y a la bonne et la mauvais guerre de 14/18, ici l’une des pires ; même s’il est des guerres que l’on ne saurait éviter et qui se justifient selon certains points de vue, toutes les esquives ayant été épuisées On y songeait en foulant le terrain de Valmy et de son Moulin bien conservé depuis 1792 ! Une autre Histoire, encore plus ancienne ; Goethe y a vu un événement majeur, sans oublier le fameux 14 juillet 1789 ! A Varennes nous avons pris des repas au restaurant « Le Grand Monarque » ; c’est là que Le Roi Louis XVI et les siens furent coincés, on connaît la suite…
Les noms des généraux Dumouriez, Kellermann venaient à l’esprit, en tête des fameux soldats de l’an II. Sur cette colline d’où l’on observe une plaine illimitée, gigantesque ; l’idéal pour des défenseurs, nous avons croisé un couple de touristes nantais ; ils nous ont évoqué les crimes perpétrés en Vendée et de citer Dumouriez, voire Kellerman. Nous aimerions renvoyer à l’écrivain Michel Ragon, croisé naguère, et qui a défendu la guerre des Vendéens, celle des Chouans, comme une guerre populaire, de résistance, de défense de ses croyances et de ses choix politiques.
Débat terrible que l’on ne saurait ignorer, ni clore à coups d’assertions idéologiques.
La guerre est la pire invention humaine !
Claude Glayman
Very en Argonne – Lorraine / 13/25 juillet 2014 ;