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Billet de blog 3 novembre 2012

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Sur les pas de la Longue Marche (5): la dimension du mythe

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26 août (1993). Pour une surprise! Ruijin, ce nom magique, capitale des "rouges" de 1931 à 1934, Ruijin s'étend dans la plaine. Les montagnes visibles par temps clair, forment un anneau lointain. Le bourg hérissé de HLM manque de grâce mais les lieux historiques qui égrènent la campagne alentour ont la dimension du mythe. 

Le site le plus fort est certainement celui du "Gouvernement central provisoire du soviet". 

Dans une ancienne demeure clanique à tympan, les "rouges" avaient installé leur salle de réunion ordinaire, avec estrade, portraits de Marx et de Lénine sur fond rouge. Une gigantesque étoile rouge comme une épée de Damoclès. Des bancs et tout autour des cellules pour potaches révolutionnaires qui refaisaient le monde au fin fond de la Chine du Sud-Est.

Les chefs logeaient dans une maison traditionnelle avec cour intérieure, boiserie sculptée et chambres monacales. Au mur, la photo d'époque, retouchée - Mao, Zhu De, Zhou Enlaï, - un grand chapeau de paille accroché à la paroi, quelques effets et, sur la petite table, des pinceaux.

Plus loin, un petit théâtre de plein air où les leaders prenaient la parole. Plus loin encore, le monument dédié aux martyrs de l'armée rouge.

Etrange cérémonie: une rangée d'une vingtaine d'hommes en civil s'incline trois fois devant l'obus géant. Qui saluent-ils? Les héros disparus pendant la Longue Marche? Mystère et recueillement.

Visite, à quelques kilomètres de là, du "puits de Mao". La légende veut qu'il creusa lui-même celui-ci à deux pas du siège du "Comité exécutif du gouvernement central provisoire". En fait, une vieille ferme charmante avec, au coeur de la maison, un au-ciel moussu où coulent les eaux de pluie. La lumière zénithale effleure les vieilles poutres humides. 

27 août. Au sommet d'une colline boisée dominant la plaine, une maison isolée, vide, repeinte de neuf, naguère le siège du "gouvernement provisoire". Le mythe semble très proche. C'est dit-on dans cette maison que Mao Zedong convainquit Zhang Wentian, l'un des vingt-huit bolchéviques, de prendre son parti. 

Cette conversation - et peut-on dire cette conversion - se tint quelques semaines avant la départ de la Longue Marche, à l'un des moments les plus critiques de la carrière de Mao. 

Taxé de droitisme par ces "Jeunes Turcs" revenus d'URSS avec un brevet d'orthodoxie, il vient de perdre la direction du Soviet acquise de haute lutte entre les expériences du maquis et l'intervention d'une théorie hétérodoxe sinon hérétique. Non seulement ce fils de paysan appelle ceux-ci à se soulever mais, en cette période d'encerclement il ne rejette pas systématiquement les alliances avec la petite-bourgeoisie rurale. Un vrait marxiste y perdrait son Capital

Ruijin. 21 heures. Orage de mousson. Veillée aux chandelles, faute d'éléctricité, dans cette grande maison d'hôte construite en prévision d'une visite présidentielle qui n'eut jamais lieu.

Il est bien vivant, le vieillard souriant entre les chandelles qui s'exprime avet tant de volubilité dans son dialecte local. 

Ancien garde du corps de Zhou Enlaï, il est ravi de confier son aventures et ses précieux souvenirs.

Il se souvient d'abord du moment où il s'enfonça dans les marécages et de son sauvetage in extremis par un compagnon à qui il doit la vie. Puis de la ceinture qu'il fallut bien manger après l'épuisement total des maigres rations. Mais surtout, il ne tarit pas d'éloges à propos de son chef:      " Très simple, très calme, très facile à vivre, très occupé, très..."

Sur les "écarts de ligne" du futur premier ministre de la République Populaire de Chine? Il répond en souriant que la piétaille ne pouvait savoir. Et il dit sûrement vrai. "De même, ajoute-t-il, nous ignorions tout de la destination finale" (leitmotiv). 

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