Pendant des décennies, l’art fut quasiment absent de Hong Kong. Il y est désormais omniprésent, tant dans les musées, les galeries que lors de la Hong Kong Art Fair qui s’intitule maintenant la Art Basel HK Fair, désormais placée dans la mouvance de sa grande aînée bâloise, tout en gardant à sa tête son directeur-fondateur, le très discret Magnus Renfrew.
Cette foire est en passe de devenir l’un des plus importantes au monde, grâce à la synergie avec Bâle et grâce aux conditions exceptionnelles qui sont faites tant aux acheteurs qu’aux vendeurs, exonérés de taxes qui pèsent à l’étranger mais aussi en Chine continentale.
Installée dans le superbe Convention Center, situé sur une pointe de l’île Victoria, au bord de la baie, la foire avait donné l’année dernière carte blanche à plusieurs grands artistes internationaux sous la houlette de Yuko Hasegawa. Ceux-ci avaient conçu des créations à la dimension de ce magnifique volume. Il en sera de même cette année.
Surtout, la présence des plus grands galleries européennes, nord-américaines et surtout asiatiques, la qualité des oeuvres avaient agréablement surpris. Résultat: la plupart des exposants s’étaient dits très satisfaits des ventes. Avec la nouvelle formule, le succès devrait être à nouveau au rendez-vous, du 22 au26 mai prochains, d’autant que les galeries new yorkaises viennent cette année en force.
En revanche, peu de galeries françaises: Templon, Yvon Lambert, Thaddaeus Ropac, Nathalie Obadia, Chantal Crousel. Et Emmanuel Perrotin bien-sûr, devenu depuis l'année dernière un "local".
Les nouvelles galeries, situées à Central, notamment dans Pedder Building, 12 Pedder Street, où se situent celles de Pearl Lam, Gagosian, Simon Lee et Johnson Chang – Hanart TZ Gallery – et au 50, Connaught Road, avec White Cube et Perrotin – qui occupe un espace de 650 m2 au 17ème étage avec une vue somptueuse! -, ont trouvé leur rythme de croisière.
Dirigée par la Shanghaienne Laura Zhou – ex Shanghart, galerie leader à Shanghai et en Chine, où elle était l'adjointe de Lorenz Helbling -, White Cube présente actuellement une exposition remarquable de Damien Hirst intitulée “Entomology Cabinets and Paintings”, tandis que chez Perrotin Wim Delvoye côtoie Ronald Ventura.
Le Hong Kong Museum of Art, à Tsim Sha Tsui, demeure le navire amiral ouvert à l’art classique occidental et asiatique comme à l’art contemporain. (Actuellement l’exposition Andy Warhol que l’on a pu voir récemment à Londres).
En attendant l’ouverture, d’ici quatre ou cinq ans, d’un ensemble considerable – non de code M + - à West Kowloon sur plusieurs dizaines de millliers de m2, orchestré dit-on par Norman Foster…
Il est une autre manière d’aborder l’art à HK: en parcourant la rue des antiquaires, Hollywood Road.
Là, chacun pourra découvrir à son rythme des pièces le plus souvent authentiques, avec certificats d’origine à l’appui, de sculptures des grandes dynasties chinoises, Han, Tang, Song.
Des meubles aussi, de toute beauté datant des Ming et des Qing. Et ces fameux objets tant prisés jadis par les lettrés, comme ces pots à pinceaux admirablement travaillés, sculptés dans des bois nobles tel que le huang huali ou plus ordinaires, comme le bambou. Les prix sont à l’avenant.
Le lieu le plus magique, concernant l’art contemporain chinois, est le mythique China Club, créé par Sir David Tang.
Installé tout en haut de l’ancienne China Bank, un bâtiment datant de 1949 écrasé par ses voisins, ce club privé – droit d’entrée: 15.000 £ par an - occupe trois niveaux: au 8ème étage, la salle principale du restaurant et plusieurs cabinets attenants; au 9ème d’autres salons; enfin, tout en haut, une bibliothèque à l’ancienne, au charme fou, avec ses 8.000 volumes portant essentiellement sur la Chine et la musique classique occidentale, et une terrasse avec une vue stupéfiante sur le Rocher, la Cathédrale St Paul, la Bank of China de I.M Pei...
L’escalier d’honneur, dont la rampe d’acier noir est ornée de motifs chinois, fait le lien entre les trois étages. S’y déploie une collection de peintures où l’on peut découvrir des oeuvres de jeunesse de Zhang Xiaogang, Liu Wei, Li Shan, Wang Guangyi, Zeng Fangzhi, Yu Youhan…aujourd’hui au firmament des ventes, plusieurs d’entre eux étant présents dans le top 10 mondial.
David Tang, dont tout le monde connaît l’humour pince-sans-rire, et son compère Johnson Chang ont complété cette collection avec des oeuvres de propagande communiste, ce qui a fait jaser. Le bar “Longue Marche” en est couvert.
Ils avaient devancé la mode: en Chine continentale, ce style très particulier, lié au culte de la personnalité du Président Mao, que l’on nomme “art rouge”, fait désormais fureur. Un musée privé lui est d’ailleurs entièrement consacré depuis peu à Shanghai.
Le tout baigne dans une déco kitsch et art nouveau. Ah, les ventilateurs de plafond noirs, les vieilles horloges, les fauteuils club, les banquettes en acajou, les douches Czech & Speake, les appliques chantournées en chrome, copies de celles d’un café de Budapest, les mappemondes et autres machines à écrire qui semblent prêtes à crépiter comme au “bon vieux temps”…
Si vous avec la chance d’y être invité, choisissez de vous y rendre avec votre hôte un matin, pour pouvoir y goûter de délicieux dim sum accompagnés d’un thé Longting ou Pu’er.
Mais attention: ici, tenue correcte de rigueur. Ni shorts, ni sandales, ni chemisettes!
Mieux vaut être sur son trente-et-un, avec un je ne sais quoi “relax” et “sport”, tropiques obligent.
Et si, sur les murs du club, tout rappelle la Chine mao et post-mao, avec plusieurs portraits du Grand Timonier, parfois accompagné des ses acolytes, le maréchal Lin Biao, le Premier Ministre Zhou Enlaï et les inévitables Marx-Engels-Lénine-Staline -, il y rêgne une atmosphère outrageusement coloniale. Un cocktail à la fois délicieux et pernicieux, comme il se doit.