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Billet de blog 6 octobre 2012

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Sur les pas de la Longue Marche (3): sauvé grâce à son talent de calligraphe!

22 août (1993)Jinggangshan. A 400 kilomètres au sud-est de Nanchang. C'est ici, dans ces montagnes vert pâle, que tout a commencé. La première base, les premières victoires, l'application de recettes qui allaient faire fortune en Chine, avant le Vietnam, l'Algérie...

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22 août (1993)

Jinggangshan. A 400 kilomètres au sud-est de Nanchang. C'est ici, dans ces montagnes vert pâle, que tout a commencé. La première base, les premières victoires, l'application de recettes qui allaient faire fortune en Chine, avant le Vietnam, l'Algérie...

1927. Les communistes tentent d'échapper aux troupes du Kuomintang. Une poignée d'entre eux se réfugient au fond d'une vallée perdue. Quelques révolutionnaires, des déclassés, paysans sans terre, bandits de grand chemin.

Ici, Mao commence à mener de front pratique et théorie. Restent la maison paysanne où il vécut au village de Dajing, un musée à Ciping, un monument au col de Huang Yangjie, lieu de la première victoire. A voir cette vallée encaissée, on comprend mieux le choix du sanctuaire.

L'un des rares survivants de cette époque mythique, lui-même originaire du Hunan du Sud, a rejoint le maquis en 1928. Histoire d'un fils de paysan pauvre qui, fait rare, ira à l'école payée par un oncle lettré. L'influence de son maître, proche des révolutionnaires, les conditions de vie - où l'on retrouve les patates douces - propulsent l'adolescent vers Jinggangshan.

Premiers meetings avec Mao: sa force de persuasion, son magnétisme, son accent hunanais du Nord, l'humour souvent au rendez-vous, les formules qui pleuvent, parfois inspirées des aphorismes écrits par Sun Zi dans l'Art de la guerre quelque deux mille cinq cents ans avant.

Une discipline de fer, des escarmouches avec l'ennemi, l'enseignement des bases du marxisme forgent peu à peu cette armée rouge dont Zhu De deviendra le chef et Mao le leader charismatique.

Le vieil homme n'a pas oublié les ordres contradictoires venant des villes, le refus de Mao d'obtempérer, le départ pour le Sud-Est, au carrefour de quatre provinces: Guangdong, Hunan, Guangxi, Jiangxi. Loin, très loin des grandes métropoles provinciales. Vieille tactique de hors-la-loi qui a fait ses preuves.

Quant à la Longue Marche, elle fut d'autant plus éprouvante qu'il se perdit en chemin. Il doit son salut...à son talent de calligraphe! 

Du Sichuan, où il s'égare, jusqu'au Shaanxi où retrouve les siens, il va proposer ses services et gagner gîte et couvert en maniant ses pinceaux.

A Yan'an, Mao lui-même le félicitera publiquement d'avoir réussi un tel exploit. Ce qui l'a sauvé? Sa jeunesse, la foi dans la Révolution. "Bu pa". Lui non plus ne craignait rien. ( Voir Sur les pas de la Longue Marche (1)). Et sa résistance au sommeil. Car, dit-il, "les pauses étaient courtes, longues les étapes". 

On dormait dans le fossé, parfois chez l'habitant ou appuyé contre un arbre. Les uns sur les autres souvent. L'épuisement guettait. La malnutrition vous coupait les jambes. Le sel surtout manquait. 

Le petit homme ferme les yeux quelques secondes, goûte une pastèque et revoit les rares bons moments: les chants tout en marchant, les petits spectacles à la veillée...

Au village de Dajing, une quinzaine de serres à champignons viennent détruire l'harmonie du lieu. Capitaux taïwanais. 

Il faut dire que les touristes ne se bousculent pas au portillon de la maison de Mao. Ils ont tort. Découverte fortuite de la pièce principale de la ferme. L'oeil est attiré par un "autel" où se mêlent allègrement dieux, ancêtres, Mao qui préside et, sur les deux murs, face à face, tous les anciens maréchaux de l'armée rouge en costume d'apparat, chevauchant des montures bondissantes. Cavaliers de l'Empire ou de l'Apocalypse? 

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