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Souvenez-vous. Hier, nous étions là-haut dans la montagne sur un ubac vertigineux, devisant avec un couple paysans « très pauvres » comme aurait dit le Président Mao.
Beaucoup plus bas, la vallée se fait plus douce, plus féminine. J’aperçois une maison couverte de bougainvilliers somptueux, panachés avec trois, parfois quatre couleurs. Petite causette avec le patron. Il s’amuse de l’origine du mot, de l’histoire – sommaire, question de vocabulaire ! – du Comte de Bougainville et de mon amour avéré pour les bunga kertas (les fleurs de papier), la preuve, Pak, la maison où j’habite de l’autre côté de la montagne, sous le temple de Lempuyang, je l’ai baptisée « Villa Bunga Kertas »…
Puis je file…trop vite, aperçois une gamine superbe qui me sourit, maquillée outrageusement et belle comme le jour, ce jour qui n’en finit pas d’être beau. Quelques centaines de mètres plus bas, je regrette déjà de ne pas avoir tiré son portrait.
Mais bon, que vois-je sur fond de la même montagne dentelée et d’un « hénaurme » banian, nommés ici waringin, arbre sacré entre tous ? Deux équipes de jeunes hommes, des ados parfois, jouant au volley, le sport préféré de Bali et j’imagine de toute l’Indonésie.
Eux aussi sont beaux, superbes, des corps élancés, affûtés, élastiques, tatoués. Et ils jouent bien !
Ils « jouent ». Ils s’amusent. Un trait très balinais que le jeu, ce plaisir sans partage ou avec partage, bermain, oui, c’est jouer, peut-être l’une des clés de cette éternelle bonne humeur qui vous transporte, vous chavire à tout instant. Comme j’aimerais percer ce mystère.
Juste ceci : main, bermain, c’est jouer. Et s’amuser, juste à côté, c’est bersenang-senang. Toujours cet art de redoubler les mots, un plaisir en soi. Et senang tout court ? Senang, c’est le plaisir, le ravissement, c’est être heureux. Ah oui me direz-vous, mais pourquoi sont-ils ou semblent-ils heureux ?
Me voici donc m’approchant, voix de stentor, Selamat sore – quelque chose comme « bonsoir » - , fuse la première question, comme d’hab, dari mana ? Vous êtes / tu es d’où ? A vrai dire : « D’où ? ». Admirable concision de la langue indonésienne, qui vaut bien celle du mandarin.
Il a suffi que je réponde et déjà me voici admis, pas encore intrônisé mais pas loin. Et invité à m’approcher. Nous nous amusons à évoquer les J.O…dont ils se tapent. Bermain di sini, jouer ici, c’est tellement mieux.