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Billet de blog 12 mai 2012

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"Montagnes célestes", une exposition de Jocelyne Barbas

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Hier, 11 mai, s'est ouverte à La Rochelle, dans la Chapelle des Dames Blanches, l'exposition de Jocelyne Barbas et d'Annabelle Joussaume, tandis que nous dînions avec des amis artistes au Lotus Eatery, une de ces petites gargotes dont Shanghai regorge, avant de déguster un "Château Brown" ( Graves, 2003) tout en refaisant le monde. 

Jocelyne Barbas, une artiste dont j'aime de plus en plus le travail, tisse sa toile en développant depuis plusieurs années le thème des "montagnes célestes". Elle a souhaité que je rédige un texte accompagnant son parcours. Le voici. Cette exposition est visible jusqu'à la fin du mois de mai. 

Pour découvrir ses oeuvres: www.jocelynebarbas.joussaume.com

MONTAGNES CELESTES ET PAYSAGES INTERIEURS

 « La règle des ascètes interdit de révéler les mystères de cette montagne.                                                                                                              C’est pourquoi j’arrête mon pinceau et n’en peins pas plus. »

Bashô, XVIIe s. (5)

 L’émotion tient Jocelyne Barbas face à sa toile et face au monde. Et l’émotion saisit celle ou celui dont le regard plonge longuement dans chacune de ses toiles. Visiteur pressé, passe ton chemin. Car le temps nous commande de pénétrer, d’errer au coeur de ces montagnes célestes empreintes d’épaisseurs, de mystère, de vibrations, de nous arrêter devant certains « pins torturés par le vent et qui persistent à durer contre toute raison à flanc d’abîme ». (2)

Un mot « colle » plus que tout autre au travail de celle-ci, c’est celui de matière. Jocelyne ne cesse de couvrir encore et encore sa toile, de l’enrichir, de jouer sur la superposition de couches et de teintes, de mêler plusieurs techniques, parmi lesquelles le dripping cher à Jackson Pollock, et ce, jusqu’au dernier repentir. D’où ce sentiment de profondeur.

La voici - et nous voici - entre équilibre et flottement, entre figuration et abstraction, entre l’éclat de l’univers et une nuit bleutée, entre des couleurs parfois sourdes, parfois violentes, entre silence profond et tonnerre assourdissant. Entre une structure se confondant avec la masse des pics d’éternité, des gorges, des failles, des cataractes et le chaos, tous nés de son imaginaire. (3)

Telle est sa peinture : foisonnante, mouvante et cependant propice à une méditation que n’auraient pas renié les grands maîtres du Tao. Pourquoi ? Et pourquoi ces oeuvres recèlent-elles, l’une après l’autre, l’une à côté de l’autre, une telle acuité, une telle singularité ? Parce qu’elles dépeignent les paysages intérieurs et les états d’âme d’une artiste recréant instinctivement l’essence de ces « shanshui » 山水 (4) apparus jadis dans une contrée lointaine et mythique qu’elle ne connaît pas encore.

« Voulez-vous savoir où est la route des nuages ?                                                                                                                                              Elle est là, au milieu du vide ».

Han Shan, VIIe s. (1)

Claude Hudelot

鱼得乐

(1) in G. Jeager, Han Shan, Bruxelles, Editions Thamh-Long.

(2) in François Cheng, Shi Tao, la saveur du monde. Phébus.

(3) « Dans la peinture chinoise, dégagée de la représentation du réel,

tout se fonde sur l’imaginaire et les représentations qui lui sont propres.

» Yu Hui, L’esprit des montagnes et des fleuves d’orient, in Montagnes

célestes, trésors des musées de Chine, Réunions des musées

nationaux, Paris, 2004.

(4) « Shanshui », littéralement : « montagne et eau » ou « montagnes et

rivières». Paysage (au sens pictural du terme).

(5) in René Sieffert, Bashô : journaux de voyage. Publications

Orientalistes de France.

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