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Billet de blog 13 avril 2014

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Thalassa Shanghai, entre tromperie et justesse...

Une justesse passagère au demeurant. Avouons-le: devant tant d'approximations, d'erreurs, de pur racolage, j'ai craqué. Et éteint mon poste lorsque le personnage du Français de service, le restaurateur Paul Pairet, a fait son come back. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une justesse passagère au demeurant. Avouons-le: devant tant d'approximations, d'erreurs, de pur racolage, j'ai craqué. Et éteint mon poste lorsque le personnage du Français de service, le restaurateur Paul Pairet, a fait son come back

A son propos, Perrine Dutreuil, de Télérama - lequel avait de mon point de vue, à tort, sélectionné ce Thalassa: "Shanghai, voyage   au centre du monde" avec un T s'il vous plait - évoque "une belle page de pub". 

Doux euphémisme. Le plus confondant, dans ces séquences  à répétition, ce  fut l'indigence des propos de ce chef à casquette de base-ball vissée sur le crâne...

Ah "l'énergie de Shanghai et des Shanghaiens", oh, "les prix très élevés - mais justifiés de sa carte"...Et toutes ces louanges - comment faire autrement lorsque l'on est l'adjointe du chef vénéré? -, ces connivences de pacotille tout autour. Pub, mauvaise pub, clandestine ou pas, au détriment d'un reportage sans unité, se voulant à la fois historique - avec quelques jolies archives et la voix enjoleuse de la divine Zhou Xuan -  et plongeant donc, comme le titre nous l'indiquait, "au centre du monde".

De l'Histoire, parlons-en.

Lorsque le commentaire nous montre la villa où vécut  Zhou Enlai - son nom a-t-il été seulement prononcé? - le commentaire, trompeur et maladroit, nous précise que ce bâtiment accueillit le premier congrès du Parti Communiste chinois! Faux. Archifaux. Tout le monde sait que celui-ci se tint d'abord dans une maison du quarttier voisin relooké aujourd'hui et renommé "Xin Tiandi" (le nouveau paradis, chanté naguère par Zhou Xuan justement). 

Autre tromperie: les voix off, l'une féminine, l'autre masculine, écorchent tellement les mots et les noms chinois que ceux-ci deviennent tout simplement incompréhensibles. Ainsi d'une province de l'ouest (?), ou du passeport intérieur, le "hu kou" (littéralement: livret de famille, "hu": la porte, la famille, "kou": la bouche. Document indispensable à tout déménagement de province à province, celui-ci pouvant être refusé par l'administration, permettant de plus de contrôler les populations. Une des armes les plus contraignantes de la bureaucratie communiste). 

Soyons juste: deux séquences au moins méritaient une mention: la première évoquait justement des "mingong", ces paysans migrants venus vendre leur force de travail pour bâtir ces milliers de tours, ces villes satellites entrevues. (A ce propos, il était dit qu'ils étaient, à Shanghai, un million. La plupart des sources mentionnent le double, voire le triple.) 

L'incursion dans une école pour enfants de migrants, les recommandations de l'institutrice à ceux-ci - comment adopter "les bonnes manières de la grande ville" et effacer vite fait leur origine "arriérée" - et surtout ses confidences sur son propre statut...de migrante, les barrières qu'il faut franchir, l'attente de dix ans pour obtenir le droit à un logement décent, toutes ces informations prouvaient qu'une autre émission, moins superficielle, était possible.

L'autre séquence est celle où l'on voit une jeune milliardaire autodidacte évoquer le fulgurant enrichissement de nombre de millionnaires, milliardaires, leur psychologie. La comparaison avec l'occident, les mots choisis faisaient mouche, comme le cadre choisi: une limousine blanche, - sièges de cuir tout aussi immaculés - roulant sur l'une des autoroutes urbaines qui traversent Shanghai de part en part, en l'occurrence la fameuse Yanan lu .

Les petits malins du zapping de Canal ne s'y sont d'ailleurs pas trompés qui ont choisi de rediffuser ce moment de bravoure en boucle. 

Malheureusement, ces éclairs de lucidité n'ont pas suffi à redresser la barre. L'histoire de la station balnéaire-pâle-copie-de-Venise nous laisse sur notre faim et le leit-motiv ressassé de "la terre de tous les possibles" provoque l'overdose. 

Le style enfin, rutilant, très mouvant, les effets de tournoiements à répétition -, le côté déjà vu, cent fois vu - bonjour l'inévitable séance de taichichuan - ont fini par m'avoir à l'usure. Dommage. Il eût suffi de bâtir une vraie trame - trop de coq à l'âne, c'est trop - quitte à abandonner des séquences douteuses et sans consistance -, à pousser plus loin certains portraits - par exemple celui de l'institutrice - à veiller à la vérité historique et à une prononciation correcte des mots chinois, la moindre des politesses envers les téléspectateurs. Et plus généralement, dans le commentaire, à éviter tous ces clichés qui gangrènent l'émission de bout en bout. 

Dans son très bref "chapeau", l'inoxydable Georges Pernoud disait, pour lancer ce trop long reportage  que Shanghai voulait dire "sur la mer". Nous traduirions plutôt "au-dessus de la mer". Ne chipotons pas.

Justement, pour paraphraser Jacques Chancel,: "Et la mer dans tout çà?" "Thalassa", vous avez dit "Thalassa"? 

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