A l’instant, je viens de revoir « Pina, dance dance otherwise we are lost » de Wim Wenders, l’émotion au ventre. L’émotion des souvenirs, mais pas seulement.
La première fois que j’ai vu une pièce de Pina, c’était au festival de Nancy que dirigeait Jack Lang. Années 70. Café Muller. Elle-même dansait, aveuglement. Je crois que j’ai pensé à la folie. A l’érotisme aussi, au désespoir. Café Muller, je l’ai revu plus tard. Et ce soir, j’ai l’impression que je n’ai rien oublié, aucun geste, aucune étreinte.
Mon second souvenir : Pina passe devant l’entrée des Trottoirs de Buenos Aires avec son second mari, leur bébé dans les bras, et son agent, Thomas Erdoz, ce grand bipède au crâne chauve. Ce soir-là, je tiens la caisse. Elle hésite à entrer. Ils hésitent. Je m’avance et les invite à assister au spectacle. Ils s’asseyent. Sur la petite scène, joue le mythique Sexteto Mayor, avec ses deux vieux bandonéonistes inspirés, José Libertella et Luis Stazo. Ils jouent Gardel, Piazolla, Mores y Discépolo. Les yeux de Pina ne les quittent pas. Tous quatre écoutent, silencieusment. Puis ils se lèvent et s'en vont. Elle me fait un signe de la main.
Avignon, années 80 : la nuit n’est pas encore tombée, nous dînons avec Daniel Dobbels et Dominique Mercy à l’ombre du Palais des Papes. Les voix douces de Daniel et de Dominique, leur complicité. La compagnie de Pina va danser « Nelken » au Théâtre municipal.
Des années plus tard, je déjeune avec Thomas Erdoz, qui accompagne Carolyn Carlson au Japon, au restaurant le Foujita, à l’Institut Franco-Japonais du Kansaï, à Kyoto. Nous reparlons de la soirée aux trottoirs et Thomas me confie que c’est après celle-ci que Pina a commencé à concevoir « Bandoneon ».
Les mots qui me reviennent. De Pina : « dance is love », d’une de ses danseuses : « elle voyait tout les yeux fermés », de Pina encore : « A quoi aspirons-nous ? », « Quel est ce désir ardent ? » ( les derniers mots du films de Wim Wenders.)
J’ai beaucoup aimé les danses de Susan Buirge, de Merce Cunningham, d'Odile Duboc. j’ai adoré voir, revoir et revoir encore Einstein on the beach de Bob Wilson et Phil Glass, certaines chorégraphies de Dominique Bagouet et de Mark Tompkins. Les lignes tracées par Lucinda Childs m'ont enchanté. Mais je crois que rien ne peut se comparer à la danse de Pina Bausch. Rien.