Odalan du 10.07.21, Patan Nyuh, suite
Les deux pedanda qui officient et règlent la cérémonie de l'odalan du village de Patan Nyuh se tiennent sur une scène dominant le temple, face au sanctuaire principal. Ils vont alterner prières, récits mythologiques et instructions adressées aux croyants. Les pedanda, contrairement aux pemangku qui officient eux dans un habit blanc dénués de toute parure, sont engoncés dans un incroyable attirail de vêtements superposés, couverts de bijoux, colliers, bracelets aux poignets mais aussi aux oreilles et coiffés de cette haute tiare richement brodée de pierres, factices je suppose, des pierre qui brillent. Les pedanda ne cachent rien de leur "richesse", de leur pouvoir. Ils sont tout en haut de la hiérarchie religieuse et sociale et vous le prouvent! Néanmoins, je l'ai encore vérifié l'autre jour, ils apparaissent sinon comme des saints du moins comme les représentants des plus hautes divinités, qu'il s'agisse de Siwa ou de Bouddha.
Leur position élevée - personne ne doit jamais se placer au-dessus d'eux -, leur aspect quasi surréel, qui n'est pas sans rappeler celui du pape catholique y compris la tiare, leur gestuelle lente, théâtrale, le fait aussi qu'ils déroulent pendant une bonne heure un cérémonial que les croyants sont incapables de comprendre, dans une langue qu'ils ignorent, le sanskrit, tout concourt à les situer au pinacle. Néanmoins, une fois dévêtus de tout leur attirail grâce à leurs aides, qui sont aussi leurs épouses, ils font preuve de la plus grande humanité, tout en étant conscients de leur altérité car ils sont de la caste des brahmanes, une conscience partagée par les croyants qui sont le plus souvent, comme ici, le caste des sudra, la plus basse, celle des paysans. ( Pas d'intouchables à Bali).
A la fin de la cérémonie, le pedanda qui aura mené l'office, pedanda dit Siwa, viendra, en tenue "civile", livrer un discours dépouillé de toute la mystique précédente. C'est semble-t-il moins un prêche, qu'une suite de propos d'espoir, de bon sens, de recommandations, voire d'anecdotes. Comme si le vieil homme voulait ramener ses ouailles sur terre après les avoir élevé, les avoir conduits auprès des divinités qu'il représente. C'est mon sentiment. Sur son trône, partagé avec le pedanda Bodda, il semblait inaccessible, planant au-dessus du monde des mortels que nous sommes. Plus tard, il était revenu parmi nous, comme un père bienveillant.
Cependant, ne nous leurrons pas : les pedanda ont un réel pouvoir sur le peuple balinais, un pouvoir certes occulte, certes diffus pour toujours puissant, sans pour autant qu'il n'y ait de concurrence avec les autres prêtres. Je rappelle ici leur nombre - une estimation - ils seraient tout au plus 300 ou 400, pour une population de près de 4,5 millions de Balinais.
Ci-dessous une citation d'une présentation parfois maladroite mais assez juste dressant un portrait historique des pedanda, puisée sur le site de Bali authentique :
Le Pedanda
Le Pedanda est toujours un Brahmane, c’est le prêtre des milieux princiers, hindo-javanisés. Il doit passer une initiation dans sa jeunesse. Généralement, il est le fils de la première épouse par le rang d’un Pedanda. Dès l’enfance, on le prépare à ses fonctions par des études et une conduite exemplaire, sous la conduite d’un maître dont la parole est loi et vérité. C’est lui qui procède à l’initiation et à l’ordination. Trois mois après cette dernière, le jeune prêtre passe une sorte d’examen portant sur “les textes et le rituel”. C’est seulement après coup qu’il a le droit d’exercer ses fonctions, avec les prérogatives qui y sont attachées. Sa fonction était primitivement celle d’un brahmane indien à la cour: prêtre, enseignant et médiateur des bénédictions. Son rôle principal consiste à préparer l’eau bénite (“Tirta”), qui a un rôle capital dans la religion balinaise, au point que celle-ci est appelée “Agama Tirta”, la religion de l’eau bénite. Apres avoir pris un bain et revêtu certains vêtements, le Pedanda s’assied, jambes croisées, devant une table basse sur laquelle se trouvent les accessoires suivants: fleurs, grains de riz, poudre de bois de santal, cloche à prière, récipient à eau bénite, lampe à huile et encensoir.
Il commence par se laver les mains en prononçant des mantras (invocation de Siwa), puis pratique un certain temps les respirations yogiques. Il consacre l’eau une première fois en écrivant dessus, avec une touche d’herbe consacrée, la syllabe “a-u-m”, et jette des fleurs dans l’eau, invitant Siwa et sa force sanctifiante à la pénétrer. Il consacre ensuite la cloche à prières, qu’il agitera des lors en permanence. Suit une deuxième bénédiction de l’eau, marquée par une union du prêtre et de Siwa. Apres avoir encore longuement pratiqué le yoga et la méditation tout en récitant des prières, le Dieu fini par le quitter. Le pedanda vit avant tout de la vente d’eau bénite. En cas de participation à une cérémonie sudra, il montre symboliquement sa position par rapport à la religion populaire: c’est un invité d’honneur traité avec égard mais qui reste, pour l’essentiel, extérieur à ce culte. Sa présence est en revanche absolument nécessaire lors des cérémonies princières, où il est le véritable officiant.
Les deux catégories de Pedanda
- Le Pedanda Siwa (siwaique)
- Le Pedanda Boda (bouddhique).
Il s’agit toujours de la même religion, les différences portant sur le rituel uniquement, les objets sacrés et les Dieux invoqués dans les mantras. Contrairement au Pedanda Siwa, le Pedanda Boda est au-dessus des questions extérieures du jeune et de l’alimentation: il préfère manifester sa sainteté, son union avec le divin, par sa domination de soi. Représentants de deux mondes complémentaires, ils sont aussi indispensables les uns que les autres, et les deux groupes interviennent pendant les cérémonies de cour."
Agrandissement : Illustration 1