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Billet de blog 20 novembre 2012

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Sur les pas de la Longue Marche (9): mineur et paysan

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

2 septembre (1993). Passage éclair dans la province du Guangdong ( Canton). Gigantesque bouchon en pleine campagne. 

Camions par centaines à la queue leu leu, puis sur deux, voire trois files. Motos, voitures, vélos, charrettes avec chevaux, cohortes de voyageurs avançant avec leurs baluchons sous l'écrasante chaleur. Une autre Longue Marche? Non.

Ce n'était pas un accident. Plus haut, les camions chargés jusqu'à la gueule s'embourbent. Moyennant quelques billets, un bull-dozer les tire de ce mauvais pas. Et la route continue. Shaoguan, tout au nord du Guangdong. Une ville qui semble énorme, moderne, chaotique.

Loin, très loin des vieux bourgs du Jiangxi. Restaurants clinquants digne de Canton ou de Belleville. Hôtel avec ascenseur et eau chaude! Premiers étrangers. Des Hong-Kongais. Mais toujours pas de "long nez" depuis notre départ de Nanchang.

3 septembre. Remontée vers le Hunan. Chapelets de prisons - ou de "maisons de rééducation"- avec prisonniers travaillant aux champs. Grands chapeaux de paille et habits bleus. Est-ce-à-dire que toutes les prisons de la province s'échelonnent dans cette vallée excentrée, barrée au nord par une chaîne de montagnes abruptes? 

Puis viennent des champs de théiers avec "miradors" de brique. Pour surveiller la croissance? 

Kyrielle de camions. Au nord, au sud, la Chine est devenue une sorte de dragon-serpentin de camions. Au point qu'un simple accident peut bloquer la circulation des dizaines d'heures. 

Au-delà du col, sur l'ubac, les terrasses s'échelonnent. Théiers, forêts de bambous, rizières. De la nature à la culture et à la sculpture "Land Art". Comme souvent en Chine, le paysage est modelé par l'homme.

Délicieux déjeuner avec aubergines, poisson, riz gluant, poulet, dans un bouiboui du bord de route. La cuisinière officie dans une antre noirâtre et manie avec dextérité une grande poële. Cuisine au feu de bois! 

Arrêt dans un village au superbe portique. Feng shui remarquable et maisons hautes, très serrées. Certaines ruelles ne mesurent pas plus de deux mètres de large. Intérieurs sombres presque vides de meubles. Dans la pièce principale, la récolte du riz. Des femmes assises à même la terre battue préparent le dîner. Non pas la misère mais la pauvreté.

A Yizheng, au sud du Hunan, province natale de Mao Zedong, nous retrouvons le parcours de la Longue Marche. Point d'ancien, mais un historien à l'air intello, incollable sur le troisième barrage franchi ici même. Au point que l'on n'ose le contredire lorsqu'il affirme que "Mao Zedong, Zhou Enlai..." Déjà? Si tôt la réconciliation entre les deux hommes et le retour en grâce de Mao? 

Pourtant, les faits sont avérés. Celui-ci ne reprendra la direction des opérations qu'au Guizhou, deux provinces plus loin. Très précisément et très officiellement à Zunyi.

4 septembre. Yizheng-Ningyuan. Dès le départ, apparaissent des dizaines de petites mines de charbon à ciel ouvert entre rizières et vallons. Source de revenus non négligeables puisqu'on estime le revenu annuel à 1.000 yuans, soit le double de la plupart des zones rurales traversées jusqu'à présent. 

Habitat de brique semi-urbain qui rappelle étrangement nos villes minières. D'une butte de charbon exploitée par une poignée d'hommes descend en sautillant un gaillard tout noir portant un licou. Il traverse la route, descend vers la rizière, harnache un buffle et commence allègrement à labourer, les pieds dans l'eau. Mineur et paysan. 

Le soir, à Ningyuan, promenade nocturne et découverte d'une vieille ville de bois lovée autour d'une rivière. Pièce maîtresse, un pont "florentin" couvert aux nombreuses arches. Quelques coiffeurs maniant tondeuses et rasoirs y officient à la lune montante. Des vendeurs de plantes médicinales plient bagages.

Les maisons qui surplombent l'eau dateraient des Ming ou des Qing. Allez savoir. Quelques dalles dessinent un bel opus incertum qui pénètre doucement dans l'eau. 

C'est l'heure des dîners à la fraîche. Un vieux calligraphe travaille sous une grande affiche de Mao, elle-même encadrée de caractères noirs cursifs. Un autre poster lui fait face. Où l'on reconnaît Zhu De, Liu Shaoqi, Zhou Enlai et Mao vers qui tous les regards se tournent. Et quels regards! Sur un autre mur, le portrait des ancêtres, mi-peinture, mi-photo. Icônes que l'on retrouve ici dans presque toutes les demeures.

Plus loin, verrerie, jarres brunes par dizaines, théières noires au long bec. Un homme alangui sur son lit de bambou relève un temps la tête. 

Dans plusieurs rues, se succèdent des salles de billard, sortis parfois sur le trottoir. Les hommes jouent entre eux, passionnément. 

Dans une grande pharmacie, deux dames en blouse blanche finissent de préparer leurs décoctions. Senteurs. 

PS. Bientôt le dixième et ultime épisode de ce feuilleton rétro...

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