Et nature: à l’évidence les architectes ont été stimulés par la contrainte de ce fameux “Rocher” qui surplombe la baie du “Port Parfumé”, par la verticalité du site.
Car si depuis la suppression du vieil aéroport de Kai Tak, à Kowloon (2) des gratte-ciel de plus en plus élevés se dressent sur la terre ferme, c’est sur l’île de Victoria que se déploie ce magnifique hérissement de tours à nul autre pareil.
Toutes ne sont pas remarquables, loin s’en faut. Mais la construction depuis une trentaine d’années de plusieurs chefs-d’oeuvre a provoqué l’élaboration de ce qui est aujourd’hui l’un des plus beaux paysages urbains au monde.
Trois projets ont fait basculé Victoria dans une nouvelle ère, avant même que la Grande Bretagne ne laisse le champ libre à la République Populaire de Chine. (30 juin 1997).
Ce furent la Hong Kong and Shanghai Bank, conçue par Sir Norman Foster (1985), les deux tours du Lippo Centre (1988) de Paul Rudolph et La Bank of China (1990) imaginée par I.M Pei.
Si le Lego de Rudolph semble déjà daté, le vis-à-vis entre l’oeuvre de l’architecte anglais et celle du sino-américain garde toute sa puissance. Du haut de ses 363 mètres, la Banque de Chine continue de défier sa célèbre concurrente, laquelle distille avec grâce un futurisme qui la place définitivement hors concours.
“Bâtiment robot”, “cintre à vêtements”, ce temple de la transparence qui n’est pas sans rappeler le Centre Georges Pompidou, n’a pas pris une ride. Et l’immense esplanade du rez-de-chaussée ouverte aux piétons, qui passent devant les deux lions de bronze montant la garde, reste, aujourd’hui comme hier, un concept révolutionnaire à ma connaissance unique.
Depuis lors, une seconde génération de gratte-ciel volés sur la baie, de plus en plus poldérisée, a transfiguré “Central”, avec la construction de l’ IFC – International Finance Center – et ses deux tours très épurées, élaborées par Cesar Pelli. La plus grande, IFC 2 mesure 445 mètres.Toutes deux font désormais corps avec Exchange Square, mêlant avec bonheur des bureaux, des magasins, des restaurants, des cafés haut de gamme, le luxe suprême étant de prendre un verre ou de dîner en soirée sur l’immense terrasse-promenade qui fait face à Kowloon, où vient d’être érigé le nouveau champion, l’International Commerce Center. Ses 484 mètres le place en 5ème position dans le livre des records. Les matériaux? Verre et acier.
IFC 2 et ICC comme deux grands sabres luisant au soleil ou comme les deux montants d’un portail cosmique laissant passer le dragon chinois. ICC est signé par Kohn, Pedersen, Fox Associates et Wong & Ouyang (HK). Chapeau!
La verticalité de HK se voit encore accentuée par une nuée d’escaliers mécaniques, tant intérieurs qu’extérieurs. Les commerces de détail “montent” allègrement dans les étages. Ce charivari provoque un sentiment de tournis.
Si l’on y ajoute les passages piétons surelevés toujours couverts où les gens marchent à grands pas sans jamais se toucher – contrairement à la bousculade caractéristique de la Mainland - et les immenses atriums, les reflets, les éblouissements, la profusion invraisemblable de marchandises à vendre, il est facile d’imaginer que les visiteurs se sentent déréalisés, transportés dans une fiction futuriste vertigineuse.
Effet garanti lorsque vous empruntez l’escalator qui vous fait grimper pendant une vingtaine de minutes jusqu’à Hollywood Road, entre tous ces immeubles juchés sur la pente, ces bistrots, ces boutiques parmi les plus in de HK!
L’architecture se déguste de nuit comme de jour, d’autant que la plupart des bâtiments restent éclairés et les rues électrisées par des milliers de panneaux lumineux où dominent les caractères chinois…verticaux. Elle se vit aussi dans les ruelles encombrées de stands ou de petites gargotes, dans les petits temples qui essaiment dans chaque quartier. Ne pas prier ou méditer un instant sous les immenses spirales d’encens du temple de Man Mo serait sacrilège!
Je suggère un autre sport: avancer le nez en l’air, à Kowloon, à North Point ou à Happy Valley, pour repérer ces “façades sauvages” que les habitants ont réussi à s’approprier pour gagner quelques mètres carrés, sous forme de véranda, de balcon/porche, voire de cabane, et ce, dans une belle anarchie. Ajoutez-y des auvents, des espaces encagés, des plantes, sans oublier le linge en guirlande accroché à des cordes ou à des bambous, plus une armée hétéroclite d’air conditioners et vous aurez très exactement le revers malicieux d’un Hong Kong futuriste et parfois trop lisse.
Reste une réussite totale: l’aéroport de Chek Lap Kok sur l’île de Lantau, conçu par Sir Norman Foster.
Lorsque vous quittez HK, commencez par enregistrer vos bagages dès Central.
Il vous suffit ensuite de prendre l’Airport Express, puis 25 minutes après, à l’arrivée, d’opter, porte de droite du train, pour le Terminal 1 ou porte de gauche pour le Terminal 2. Rien de plus simple.
Un train navette vous rapproche ensuite de votre porte d’embarquement. La circulation entre les boutiques duty free, les restaurants, les hôtels, est d’une fluidité remarquable. Tout ici concourt à déstresser le voyageur: les couleurs, la douceur des matériaux, le relatif silence. Et l’amabilité souriante du personnel au sol.
Et si vous souhaitez vous reposer un moment, des chaises longues métalliques vous tendent les bras…
(1) Ici commence une série de billets inspirés par mon tout récent séjour à Macao, où j’étais invité au festival The Script Road, puis à Hong-Kong, sous la forme d’un abécédaire comportant une quinzaine d’entrées.
(2) Les avions passaient si près des immeubles que les voyageurs pouvaient vraiment jeter un oeil dans les appartements, apercevoir des gens faisant leur toilette!