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Billet de blog 10 mars 2022

Claude Laeuffer

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Sur quelles bases lutter  aujourd’hui pour l’arrêt de l’invasion russe en Ukraine ?

Ce billet est encore un billet de grande colère, mais il faut dépasser ce sentiment de rage qui nous étreint . L'action des Etats, de l'Union européenne, de l'ONU, des ONG est évidemment fondamentale, mais avons nous un rôle à jouer en tant que simple citoyen au delà de l'accueil des réfugiés ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce billet est encore un billet de grande colère, mais il faut dépasser ce sentiment de rage qui nous étreint pour tenter de définir ce que doit être aujourd’hui un combat pour le peuple ukrainien mais aussi pour le peuple russe, pour nous mêmes et disons-le, même si cela paraît tellement prétentieux pour la sauvegarde de ce qui peut encore être sauvé au niveau de l’humanité.

- le réchauffement climatique menace toute l’humanité sans exception

- les scenarios que nous imaginons (montée des mers, sécheresses, tempêtes, …) sont sans doute largement sous-évalués du fait des interactions entre les différents phénomènes, largement inconnues à l’heure actuelle

- le dernier rapport du GIEC montre combien nous sommes loin des objectifs qui permettraient d’enrayer la course vers des bouleversements que nos sociétés seront bien incapables de traiter

- le manque d’eau, de terres, de nourriture vont constituer (constituent déjà) des sujets de conflit qu’il faudra résoudre par la coopération

- les solutions qui devront être trouvées ne pourront reposer que sur l’accord plein et entier des peuples sous peine de guerres fratricides sans fin

- elles devront prendre en compte de manière massive et résoudre autant que faire se peut les inégalités criantes entre les peuples et au sein d’un peuple, entre les individus

- elles devront déterminer ce qui peut être qualifié de bien commun de l ’humanité et sera donc inaliénable par des individus ou des états, et devra faire l’objet de règles d’exploitation et de partage strictes

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- Dans ce contexte, l’invasion d’une violence inouïe d’un pays souverain - l’Ukraine - reconnu par la communauté internationale (dont la Russie) et dont les frontières sont garanties par la charte des Nations Unies ne peut trouver aucune justification

- L’extrème violence de cette attaque : bombardements des populations civiles avec des armes à spectre large non ciblé, attaque de centrales nucléaires avec tous les risques que celà comporte, bombardement d’hôpitaux, de maternités, d’écoles,.. traduisent un acharnement et une haine qui n’a rien à voir avec une « opération spéciale » de défense d’enclaves « russophones » ,

- Cette opération est en tout point semblable à l’invasion de la Tchécoslovaquie par les nazis pour soit disant protéger les sudètes, population de langue allemande au sein de ce pays. Rappelons nous que cette annexion d’une partie de territoire d’une nation reconnue a entraîné le début de la seconde guerre mondiale .

- Rappelons nous aussi que cette opération spéciale a été précédée de deux autres annexions de territoire au détriment de la Géorgie (Abkhasie et Ossétie) et de la Moldavie (Transnitrie) par le même état – la Russie par ailleurs membre du conseil de sécurité détenteur d’un droit de veto, ce qui fait de cette entreprise une entreprise doublement criminelle d’une part parce qu’elle n’a aucune justification, d’autre part parce qu’elle viole l’obligation morale qui lui est faite par son droit de veto de s’engager à ne pas l’utiliser pour son propre intérêt personnel.

- L’ensemble des destructions massives consécutives à cette invasion constituent une aberration, voire un crime contre l’humanité alors même que toutes nos ressources et nos énergies devraient être mobilisées pour la lutte contre le réchauffement climatique et le droit de chaque être humain à vivre dignement. Un autre effet est d'entraîner une nouvelle course à l'armement à nouveau démentielle tellement la peur engendrée par cette agression est forte pour les autres pays et ceci va diminuer d'autant l'affectation de ressources à la lutte contre le changement climatique.

- Il nous faut rappeler combien les justifications géopolitiques faisant fi du droit des peuples à disposer d’eux-même, combien les pseudo explications par la « psychologie » des peuples, tantôt ayant le sentiment d’être encerclé pour l’un, pour l’autre d’être déclassé et de vouloir garder son rang finissent par être obscènes au regard des enjeux actuels, des destructions opérées, des morts , hommes, femmes, enfants, des estropiés qui constitueront un fardeau supplémentaire pour des sociétés ruinées par la guerre et qui subiront de plein fouet les changements climatiques.

- Il nous faut rappeler que les dirigeants russes par leur acte insensé privent leur pays de tous les jeunes morts au combat ou estropiés qui constituaient la force vive du pays, et devaient assurer son renouvellement au moment même où le déclin démographique de ce pays comme de beaucoup d’autres est avéré depuis de nombreuses années.

- Il nous faut rappeler sans cesse et à toute occasion que les manquements, les crimes des uns ne peuvent en aucun cas servir de prétexte aux autres pour mettre en péril la vie de l’humanité toute entière.

- Il nous faut rappeler sans cesse que l’accès à une information diversifiée, vérifiable est un droit fondamental de tout individu ; cet accès conditionne la valeur d’acceptation ou de refus par une population d’une décision ; en ce sens, il est inacceptable qu’une chape de plomb puisse s’étendre sur les zones prétendument libérées des « néo-nazis » en Ukraine ; il est tout autant inacceptable qu’une télévision d’état, comme actuellement c’est le cas en Russie, puisse, au mépris des évidences et de tous les témoignages, prétendre par exemple que ce sont les ukrainiens eux-mêmes qui bombardent la seconde ville d’Ukraine, c’est-à-dire Kharkiv.

- Il faut nous convaincre que nous ne gagnons rien à faire comme si de rien n’était, au nom de la non-ingérence, ou d’une sorte de difficulté à mettre en cause la Russie au nom des crimes commis par l’"impérialisme" américain (que l'on soit ou non d'accord sur ce qualificatif). L’intervention injustifiée et non autorisée par l’ONU des Etats Unis en Irak au nom de l’existence de prétendues armes de destruction massive, si elle doit être condamnée, ne peut en aucun cas aujourd’hui, servir de justification ou d’excuse à une autre super puissance surarmée d’envahir un autre pays souverain au nom de prétextes qui deviennent chaque jour plus invraisemblables . L’expérience passée, les souffrances engendrées, les impasses créées doivent bien au contraire nous renforcer dans notre détermination à refuser cette nouvelle invasion d’un pays souverain, comme toute autre nouvelle invasion qui surgirait ailleurs.

Comment peut on prétendre libérer un peuple asservi quand celui-ci se bat avec une détermination farouche contre ces soit disant libérateurs ? Comment peut-on prétendre que ce peuple aspire à ne faire qu’un avec la Russie quand des millions de personnes votent avec leurs pieds en s’enfuyant quand ils le peuvent encore vers l’Ouest et pas vers la Russie ou la Biélorussie  ?

- Si la solution est affaire de diplomates, qui auront à tenir compte des inquiétudes de chaque partie, et qui devront mettre en place des dispositifs de surveillance et de garantie pour chaque partie, avec des contrôles effectifs, constants, documentés et effectués par des parties non belligérantes , il appartient à tous les peuples au niveau de la planète entière de se mobiliser de façon unitaire et massive avec leurs organisations représentatives, syndicats, ONG,... sur des mots d’ordre simple :

- Cessez le feu immédiat

- Retrait des troupes russes sur leurs frontières

- rétablissement des observateurs de l'OSCE aux frontières des républiques auto-proclamées de Donetsk et Lougansk

- Accès libre de la presse mondiale, des ONG aux zones concernées par le conflit

- Libre circulation dans toutes les zones concernées d’observateurs de l’ONU, et de l’OSCE

- Possibilité pour les populations d’apporter leur témoignage aux observateurs, à la presse, aux ONG hors de la présence des autorités constituées ou occupantes de la zone et sans subir de pression quelle qu’elle soit

Les mobilisations doivent être à la hauteur des enjeux; nous nous devons de retrouver l’ampleur des manifestations partout dans le monde où cela est possible que nous avions connue contre la guerre du Viet Nam .

Il appartient, dans notre pays, aux grandes organisations syndicales, aux associations agissant pour garantir les droits de l’homme, aux partis politiques attachés à la paix entre les peuples de servir de cadre à ces mobilisations qui doivent être rapides, massives, répétitives jusqu’à ce qu’enfin s’arrête cette spirale de la violence qui nous mène au bord du gouffre ; ce ne sont pas quelques milliers de militants défilant qui vont faire bouger les lignes, mais des millions de personnes partout dans le monde beaucoup plus sûrement.

Si, dans notre pays, les revendications pour plus d’égalité et une meilleure répartition sont essentielles, il faut se souvenir que l’arrêt de cette invasion de l’Ukraine par un pays tiers est quant à elle l’urgence absolue, sans quoi toute autre revendication, aussi légitime soit elle, sera compromise.

Encore une fois, que toutes les organisations syndicales, associations, partis, conscientes de l’horreur, de l’injustice et du danger de cette invasion et de ses conséquences se réunissent au plus vite, décident ensemble de manifestations géantes dans les principales villes de France  sur des mots d’ordre simples et non ambigus uniquement centrés sur l'Ukraine ; 

Et ceci simplement parce que si nous gagnons sur ce combat , nous gagnerons aussi sur les autres conflits en cours ou à venir si nous nous donnons sur chacun d’entre eux la même exigence de mobilisation avec la même force dans des temps distincts pour chacun d’eux.

Et ceci nous appartient.

Et dans le cas de l’Ukraine :

- cessez le feu immédiat

- retour de l’armée russe dans son pays

- liberté de l’information

- place aux diplomates

sont des slogans simples , précis , adaptables aux différentes situations et agresseurs et qui ne demandent qu’à se transformer en réalités sur le terrain, et qui demain constitueront le terreau sur lequel toutes les autres luttes pour la paix dans le monde pourront désormais s’appuyer

Il est encore temps, mais chaque seconde perdue nous coûtera cher à toutes et tous

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