Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 5 avril 2009

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Il neige en abondance sur mon jardin des bords de Loire...

Il neige sur mon jardin des bords de Loire, neige de pétales de cerisiers, de pêchers, de merisiers, d’abricotiers et surtout, tant il est fantastique cette année, de mon cerisier de Sibérie.

Claude-Marie Vadrot

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Il neige sur mon jardin des bords de Loire, neige de pétales de cerisiers, de pêchers, de merisiers, d’abricotiers et surtout, tant il est fantastique cette année, de mon cerisier de Sibérie.

Un cerisier proche des prunus du Caucase et du Pamir et qui me fournit depuis trois ans, dix ans après avoir été rapporté des rives du lac Baïkal, des cerises jaunes qui ne mûrissent qu’au mois de septembre, comme celles qu’adorent mes amis d’Irkoutsk. Il est d’ailleurs possible d’en trouver des milliers de ces cerisiers sur les premières pentes du Tadjikistan où leurs fruits font les délices des ours bruns qui survivent dans cette région. On y rencontre aussi ces pommiers sauvages dont les fruits sont immangeables, ce qui réduit à bien peu de choses la légende de cette pauvre Eve chassée du jardin de l’Eden pour en avoir grignoté une au paradis. La compagne d’Adam en aurait été fortement malade si la légende disait vrai.

Nos cerisiers et nos pommiers sont le résultat de milliers d’années de croisements et d’améliorations pendant lesquelles, transportés par les voyageurs-naturalistes, ils ont voyagé progressivement vers l’Ouest. C’était au temps où il n’était pas encore « nécessaire » d’avoir recours aux manipulations génétiques pour inventer de nouvelles variétés : le génie des jardiniers suffisait.

Sur tous ces arbres en fleurs volètent depuis quelques jours des milliers d’insectes et une dizaine d’espèces de papillons que l’obstination agricole détruit à coups d’insecticides. Un usage que les promesses du Grenelle de l’environnement ont promis de réduire. Mais la mise en oeuvre laisse à désirer car le FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), avec l’aide des industriels de la chimie, s’efforce de retarder l’arrivée d’un recul nécessaire des traitements chimiques qui font des pommes (23 à 27 traitements par an) et des fraises hors saison (d’Espagne et de France) des bombes chimiques à retardement pour nos organismes comme l’expliquent régulièrement des cancérologues comme le Professeur Belpomme de l’hôpital Georges Pompidou.

Si mon jardin reste un havre pour les insectes et les papillons, c’est évidemment parce qu’il ne fait l’objet d’aucun usage de traitement de synthèse en vente hélas libre dans les grandes jardineries dont le chiffre d’affaires a dépassé les six milliards d’euros en 2008. Je me contente en général de relâcher des coccinelles qui aident les oiseaux à stabiliser les populations de pucerons noirs ou verts et de badigeonner les troncs avec de la chaux éteinte.

La disparition pour l’instant programmée de ces insectes aura pour conséquence de diminuer la pollinisation naturelle des fruits et des légumes, ce qui représente à terme une menace pour la biodiversité et pour notre alimentation. Car on ne voit pas les jardiniers, les maraîchers ou les arboriculteurs effectuer la pollinisation de chaque fleur à la main. Cette menace a incité le Muséum national d’histoire naturelle, avec l’aide de l’association Noé Conservation, a lancer il y a deux ans, un inventaire des papillons sur tout le territoire français en faisant appel à des centaines (pour l’instant) de bénévoles qui sont invités à noter la présence de 28 espèces dans leurs jardins et dans les jardins publics. Tout simplement parce que nos responsables politiques ont décidé que l’étude des insectes n’était pas « rentable » et donc qu’en France, la patrie d’Henri Fabre, qui vécut entre le XIX et le XX ème siécle, on ne formerait plus d’entomologistes.

Depuis 2006, les centaines de volontaires recensent, avec l’aide de planches photographiques diffusées sur internet, les papillons qui résistent encore aux poisons agricoles. Comme la « petite tortue », le « Tircis », la « Belle dame », la petite « Ecaille cramoisie » ou le « Paon du jour » qui se saoulent de pollen depuis quelques jours dans mon jardin. En compagnie des abeilles qui, pour les mêmes raisons, sont en voie de disparition depuis quelques années. Et les « gendarmes » qui défilent au pied de mes deux tilleuls, en adoptant parfois des poses acrobatiques ou scabreuses, ne sont pas là pour me mettre en garde à vue parce que j’ai récemment assiégé le Jardin des Plantes avec des étudiants, mais des Pyrrhocoris apterus (rouge et noir) qui partent à l’assaut des pucerons et d’autres insectes microscopiques.

Tous utiles, tous indispensables pour le maintient des équilibres naturels. Puisque dans un milieu naturel, même anthropisé, il n’existe pas plus d’espèces nuisibles que de « mauvaises » herbes. Ce que les fanatiques de la chimie industrielle et agricole ont une fâcheuse tendance à oublier, mais que l’immense bourdonnement qui anime mon cerisier de Sibérie me rappelle.