Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 5 juin 2009

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Le loup victime de l'élection européenne et d'un arrêté discret...

Les campagnes électorales ne sont jamais favorables à la faune sauvage, les ministres de l’écologie profitent toujours de ces périodes politiques tendues pour faire plaisir aux chasseurs, à Chasse Pêche Nature et Tradition et aux organisations agricoles nationales ou locales rattachés à la FNSEA. Une voix est une voix, surtout quand elle traîne tout prés de sa tendance politique, les fédérations de chasseurs et les syndicats agricoles dominant ne faisant guère mystère de leur proximité avec la droite, mais sont souvent tentés par l’extrême de la droite.

Claude-Marie Vadrot

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Journaliste à Mediapart

Les campagnes électorales ne sont jamais favorables à la faune sauvage, les ministres de l’écologie profitent toujours de ces périodes politiques tendues pour faire plaisir aux chasseurs, à Chasse Pêche Nature et Tradition et aux organisations agricoles nationales ou locales rattachés à la FNSEA. Une voix est une voix, surtout quand elle traîne tout prés de sa tendance politique, les fédérations de chasseurs et les syndicats agricoles dominant ne faisant guère mystère de leur proximité avec la droite, mais sont souvent tentés par l’extrême de la droite. Et comment faire plaisir à ces gens qui ne mesurent trop souvent la biodiversité qu’à l’aune des quantités de gibier à tuer ou de la concurrence de quelques oiseaux ? Tout simplement en annonçant l’élimination de quelques prédateurs offerts à la vindicte publique ; ou en annonçant des prolongations d’ouverture de chasse et des dérogations sur les espèces interdites aux tirs des chasseurs. Un grand classique électoral, même si pour cela il faut se mettre en contradiction avec les textes européens.

Les élections européennes n’échappent donc pas à cette règle qui fait de la protection de la nature une variable d’ajustement politique de la protection de la nature : le ministère de l’Ecologie vient de publier discrètement (sauf en direction des électeurs potentiels à satisfaire qui ont été soigneusement informés par courriers) un arrêté daté du 27 mai retirant « le loup de la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d’extinction en France ». Le ministère de l’écologie, au cas où chasseurs et éleveurs n’auraient pas compris tout de suite, leur explique la décision dans son commentaire: « cet arrêté permet une plus grande autonomie au plan local pour la défense des troupeaux domestiques ». Autrement dit, avec une vague bénédiction du Préfet d’un département et sans que les associations de protection de la nature soient consultées, il sera possible d’abattre un loup s’en prenant à un troupeau. C’est ce que le ministère de l’Ecologie et le ministère de l’agriculture appellent « des prélèvements exceptionnels de loup ».

Pour justifier cette position, le ministère de l’écologie, après avoir assuré pendant des années que les populations de loups étaient peu fournies en France (ils sont arrivés d’Italie par le Mercantour en 1992) vient de découvrir qu’il existe « 26 zones de présence sédentarisée du loup constituant une population d’au moins 180 individus répartis en 19 meutes ». Pour justifier sa décision démagogique le ministère de l’écologie crie donc au loup. Une vieille tactique qui remontre au Moyen-âge. Résultat hélas prévisible : chasseurs et agriculteurs vont désormais se sentir autorisés à tirer sur le loup à tout bout de champ. Comme cela se produit déjà de plus en plus souvent sans que les autorités s’émeuvent vraiment alors que tuer une espèce protégée reste (pour combien de temps ?) un délit. Ainsi le jeudi 12 février, parce qu’il a aperçu au loin un loup en train de déguster un chamois, un chasseur du Petit Bornand, non loin de La Clusaz en Haute- Savoie, a tiré et tué ce loup. Sans avoir été le moins du monde menacé. Sans qu’un troupeau de moutons soit en cause, puisqu’en cette saison de neige, ces animaux n’étaient évidemment pas sur les pentes de la montagne. Comme ses amis chasseurs, ce jeune Nemrod, s’est étonné d’avoir été placé en garde à vue et ensuite mis en examen pour destruction d’une espèce protégée. Et toute la communauté chasseuse de la région, a fait chorus avec lui, évoquant, ne craignant pas l’outrance et de ridicule, l’esprit de résistance du Plateau des Glières tout proche comme symbole de refus du « loup relâche par les écologistes ». En oubliant que ce sont les naturalistes qui ont permis et organisé dans les Alpes le retour des chamois et des bouquetins qui furent au bord de l’extinction...
Depuis que le loup est revenu naturellement en France, depuis le massif de Abruzzes italien où il est normalement accepté comme un prédateur utile et touristiquement exploité, les chasseurs fous de France, les bergers du Mercantour (et d’ailleurs) qui ne vont voir leurs troupeaux qu’une fois par semaine, et les politiques de l’UMP menés par Christian Estrosi, Ladislas Poniatowski et quelques autres, reprennent l’antienne du loup prêt à manger les chamois, les bouquetins, les enfants et les touristes. Sans le moindre respect pour la loi française et européenne et la Convention de Berne qui assurent la protection de cet animal qui a, fort heureusement, décidé de revenir sur le territoire français. Etant bien entendu qu’il n’est pas question de négliger les difficultés, et la dureté du travail, des bergers et des éleveurs de brebis. Ce qui n’empêche pas de rappeler que si en 2008 et 2009, leurs revenus ont été proches de zéro, ce n’est pas la faute des prédateurs sauvages, mais notamment celle d’une application particulière de la PAC en France et celle d’un fameux accord conclu avec la Nouvelle-Zélande permettrant, après l’attentat contre le Rainbow Warrior en 1985 à Auckland, à ce pays (à titre de réparation morale) d’exporter librement des carcasses de moutons congelés qui inondent aujourd’hui 80 % du marché français. Mais les chasseurs qui excitent les bergers, obsédés par les loups ne réfléchissent pas si loin. Pas plus qu’ils ne se posent de questions sur les 700 000 sangliers qu’ils ne sont pas fichus d’éliminer alors qu’ils ont contribué à les multiplier en relâchant ce que les spécialistes appellent des « cochongliers » qui dévorent les cultures et envahissent les routes et les villages.
Le chasseur du Petit Bornand n’est pas le premier à s’affranchir de la loi, à tuer ou empoisonner plus ou moins discrètement des loups et à ignorer leur utilité lorsqu’ils s’attaquent aux autres animaux sauvages les plus faibles, ou malades, contribuant ainsi à l’amélioration de la santé des troupeaux de chamois ou de bouquetins. Les mêmes Tartarins s’attaquent aux ours dans les Pyrénées. Des ours auxquels les Espagnols, qui en comptent une bonne centaine foutent la paix. Comme ils laissent tranquilles les quelques 2000 loups qui vivent en Espagne.
Extraordinaire exception française que cette chasse aux dernières espèces sauvages à laquelle se livre une part, heureusement minoritaire mais malheureusement efficace, des chasseurs français que les membres de la majorité soutiennent depuis des années. Ils ont fait du loup, de l’ours et du lynx des « objets politiques » qu’ils utilisent un peu contre la gauche (pas toujours bien nette sur ce thème) et surtout contre les écologistes. Dans le seul espoir de récupérer les voix des fachos- ruralistes de « Chasse pêche nature et tradition ». Plus celles du vicomte de Villiers
N’en déplaise à cette minorité de cons (un faible pourcentage des 1, 2 millions de chasseurs français), le loup n’a pas été « réintroduit » en France et il est utile. Quoi qu’ils en pensent et quoi qu’ils fassent, ce superbe animal dont il faut quand même rappeler qu’il s’attaque jamais à l’homme, est donc en train de reconquérir le territoire français. Tout ce que la majorité compte d’imbéciles n’ayant rien compris à la protection de la nature et à l’écologie, s’est dressée pour défendre le chasseur de Haute Savoie et applaudi le nouvel arrêté. A des années lumières, du Grenelle de l’Environnement dans un pays qui n’est pas capable de supporter quelques animaux sauvages, qu’il s’agisse du loup, de l’aigle, des vautours fauves (également fustigés par les chasseurs et les éleveurs), du lynx, de la fouine, de la belette ou de l’ours.