Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 9 janvier 2010

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Le froid réjouit mon jardin, pénalise les «précaires énergétiques» et souligne les mensonges d'EDF

Bon, c’est l’hiver, il fait froid. Cela n’a rien de très nouveau, cela rien de vraiment surprenant, cela n’a rien à voir avec le dérèglement climatique et pour être franc, s’il n’y avait pas la tragique situation des SDF (et pas seulement au Bois de Vincennes à portée de caméras) et la situation très difficile des « précaires énergétiques », ceux qui n’ont pas ou plus les moyens de se chauffer correctement, je me réjouirais sans arrière-pensée

Claude-Marie Vadrot

JOURNALISTE PROFESSIONNEL

Journaliste à Mediapart

Bon, c’est l’hiver, il fait froid. Cela n’a rien de très nouveau, cela rien de vraiment surprenant, cela n’a rien à voir avec le dérèglement climatique et pour être franc, s’il n’y avait pas la tragique situation des SDF (et pas seulement au Bois de Vincennes à portée de caméras) et la situation très difficile des « précaires énergétiques », ceux qui n’ont pas ou plus les moyens de se chauffer correctement, je me réjouirais sans arrière-pensée de ce petit coup d’hiver, du froid temporaire et de la neige. Je suis malgré tout étonné que notre hyper président, celui qui commande au Monde et aux éléments, ne soit pas parti en guerre contre cette « dérive climatique » en lançant à ce froid un « casse toi, pauv’con » ferme et résolu. D’autant plus qu’a l’Elysée, c’est plutôt mal chauffé.

Donc au jardin ce froid est une bénédiction. Car le froid élimine efficacement depuis quelques jours un surplus de parasites, de larves, de pucerons endormis et de réservoirs moisissures champignonesques qui importunent nos légumes et nos arbres fruitiers dés le printemps. Donc je ne peux que me féliciter de ce bon coup de froid qui, de ce point de vue, tombe à pic. Pour nous les jardiniers, c’est comme un coup de karcher. L’un des effets du réchauffement climatique réside justement dans la multiplication insidieuse des pestes et des ravageurs dont Brice Hortefeux ne peut pas réclamer les papiers et qu’il ne peut pas expulser.

La neige sur les jardins constitue également une autre bénédiction qui « engraisse » la terre : elle destructure, en accélérant ainsi la décomposition, les hachis d’engrais verts et surtout les lits de feuilles mortes qu’un jardinier conséquent étend sur ses plantes bandes plutôt que de les brûler ou de des livrer à la déchetterie voisine qui n’en fait que trop rarement du compost. Même sur la pelouse, la décomposition des feuilles qu’il faut laisser plutôt que de « faire propre » ne peut être que bénéfique. Donc, au jardin et dans les champs, vive la neige-engrais et le froid !

Et quand j’entends ou que je lis mes chers confrères expliquant que le froid et la neige vont « gêner les récoltes », je me demande depuis combien de siècles ils ne sont pas allés visiter une ferme...Car seuls les producteurs de lait pour qui la neige gêne la collecte quotidienne peuvent se plaindre. Mais, il est vrai que déplorer le froid ou mettre en scène les difficultés d’un pays qui se « paralyse » pour quelques centimètres de neige parce qu’il a désormais peur (entretenue ??) de tout, cela permet de beaux titres et de belles images. Avec glorification des facteurs de la poste dont la majeure partie des journaux accepte d’ordinaire la diminution et le passage au privé ou à la précarité. Le froid vient d’autant plus « intelligemment » de prendre le relais de la grippe que ce n’est pas faute du pouvoir, ce qui permet d’en remettre une couche matin et soir. Avec, par exemple, le spectre agité de la pénurie de produits frais dans les grandes surface, de sel ( ???) et du manque d’électricité

Côté EDF, on assiste depuis le début du mois de novembre à une préparation psychologique à la « grande panne ». Celle qui résulterait, parait-il, de l’insuffisance de la production d’électricité en France. Alors que depuis des lustres, EDF et les pouvoirs publics nous expliquent que, grâce au nucléaire, la France jouit d’une grande indépendance énergétique et peut vendre son courant à l’étranger. Problème, comme une bonne part des 58 réacteurs français (dans 19 centrales) est vieillissante et que leur durée de vie a été artificiellement (et probablement imprudemment) prolongée au delà de la date de péremption, ils tombent en panne. Ils sont actuellement douze à l’arrêt pour une durée indéterminée. Chiffre auquel il faut ajouter ceux qui ne fonctionnent pas à leur pleine puissance pour des raisons de sécurité. EDF a d’ailleurs expliqué qu’elle ne souhaitait pas communiquer sur ce thème et que les Français sauraient tout sur le taux de disponibilité des réacteurs au début de 2011. On peut toujours rêver...

EDF agite donc la menace de la pénurie ou de la grande panne. Parce que des millions de Français rentrent chez eux et allument (bêtement) leurs radiateurs électriques qui leur ont été imposés. EDF rappelle hypocritement que 3 foyers du 10 sont exclusivement chauffés avec de l’électricité. Ce qui autorise trois remarques : d’abord ce chiffre est faux car basé sur le seul habitat collectif et le nombre exact de logements électrifiés pour le chauffage est proche d’un foyer sur deux ; ensuite c’est bien EDF qui depuis des années a incité les promoteurs et les installateurs à privilégier le chauffage électrique parce que cela coûtait (et coûte encore) moins cher à l’installation et que cela justifie la nucléarisation de la France ; et enfin si les réacteurs sont à l’arrêt, c’est qu’ils sont pratiquement en bout de course et présentent de plus en plus de dangers pour les populations. On peut ajouter qu’hélas, sous la pression d’EDF, les pouvoirs publics ont laissé se construire des pavillons et des immeubles mal isolés bien que chauffés par des radiateurs électriques. Y compris les fameuses maisons Borloo ou Boutin dont les dépenses énergétiques sont ou seront supérieurs à la charge de remboursement. Conséquence : dans ces maisons et dans de nombreux HLM, des millions de Français se ruinent avec des radiateurs électriques qui chauffent aussi bien les maisons et les appartements que l’extérieur. Tous les diagnostics par mesures aériennes infrarouges le montrent. Résultat : des centaine de milliers de personnes sont désormais des « précaires du chauffage » parce qu’ils redoutent les factures pharamineuses qu’ils ont reçues ou vont recevoir. Ils ont froid et se trouvent financièrement étranglés « grâce » à EDF qui leur conseille gentiment, avec le concours d’une partie de la presse, d’éteindre leurs téléviseurs ou leurs appareils électroniques comme si ce n’était pas le seul chauffage qui entraînait des tensions sur le réseau. Un réseau trop centralisé parce que EDF a fait tout ce qu’elle a pu depuis une trentaine d’années pour freiner la production décentralisée d’électricité.

Mais au delà de cette réalité qui pénalise des millions de gens et devrait contraindre EDF à importer de l’électricité alors qu’elle vante depuis des années le « modèle » énergétique français, il faut se souvenir que Electricité de France nous fait régulièrement le coup de la panne hivernale à venir depuis une trentaine d’années, histoire de convaincre l’opinion publique d’accepter encore plus de nouvelles centrales nucléaires. En instant sur les Bretons qui ont commis un crime de lèse-EDF en réussissant à refuser le centrale de Plogoff à la fin des années 70. Or, que je sache, l’Allemagne qui a programmé il y a des années « l’extinction » progressive de ses réacteurs nucléaires, n’est en aucun cas menacée par une pénurie électrique alors qu’il y fait, en moyenne, plus froid qu’en France. Même remarque pour l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark. Mais il est vrai que ces pays ne comptent pas d’associations d’écolos rétrogrades s’opposant à la mise en place de parcs d’éoliennes au nom du respect du paysage et de leurs résidences secondaires (ou autres) qui perdraient de leur valeur à cause des nouveaux moulins à vent qui ne gênent pas, autre exemple, les Espagnols de Navarre ou de Galice. Tous ces pays ont fait le pari, réussi, de la diversification énergétique.

Pour ceux qui douteraient de la manipulation lancée régulièrement par EDF, voici la couverture d’un numéro de la Gueule Ouverte (journal écolo des années de 70 vendu à 100 000 exemplaires) daté de 1978. Déjà EDF nous disait : vous avez le choix entre les bougies et les centrales.