Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 13 février 2009

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Ignorant le froid, les oiseaux font confiance au réchauffement climatique et sont de retour

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Dans ce monde de brutes, pour oublier Sarkozy, Jego, Mélenchon, Buffet, Besson (surtout lui), Darcos (lui aussi qui s’efforce de démanteler le Muséum National d’Histoire Naturelle) et tous les autres, un peu de douceur et retour au jardin avec les oiseaux, tandis que les canons à neige inonde les pistes du championnat du monde de ski, contribuant à assécher les torrents et les lacs de montagne.

Peu à peu, même désorientés par un hiver plus froid que les précédents, les oiseaux migrateurs, les minuscules comme les gros, reviennent dans les jardins et le milieu dit « naturel ». Prisonniers des habitudes prises avec le changement climatiques, ils commencent à peupler des campagnes où la nourriture est encore rare. Ce qui va poser des problèmes à la Cigogne Max dont j’ai évoqué il y a quelques semaines les dix années de parcours suivies par satellite : il y a deux jours, après avoir hésité dans la région de Lyon, elle a retrouvé son nid de à Tüfingen, au nord du lac de Constance. Aidée par un vent de 30 à 40 kilomètres heures, elle a couvert une dernière étape de 400 kilomètres en une seule après-midi. Elle confirme ainsi que la douceur globale du climat l’incite à revenir chez elle bien plus tôt qu’il y a dix ans. Elle n’est pas la seule à prendre de l’avance sur des centaines d’années d’habitude. La migration des oiseaux a toujours été une adaptation aux modifications climatiques et ces habitudes dateraient au minimum d’une quinzaine de milliers d’années, c’est à dire de la dernière glaciation, la plupart des espèces ne fuyant pas des température qu’ils peuvent facilement supporter, mais cherchant simplement des contrées pouvant leur fournir l’alimentation dont ils ont besoin. L’histoire des grues cendrées est sur ce point exemplaire puisqu’au cours de leur grande migrations qui les amène à traverser la France sur un couloir immuable, du Nord-est au Sud-ouest, elles sont désormais des dizaines de milliers à s’arrêter pour l’hiver sur le lac de Der, en Champagne, au lieu de poursuivre leur route vers l’Espagne, parce qu’elles y trouvent sur les bords de ce lac à la fois protection et alimentation.

Pour certains, les oies cendrées par exemple, ce voyage annuel s’apprend en famille alors que d’autres, comme le coucou, la cigogne et la fauvette à tête noire trouvent seuls et d’instinct leur route après avoir acquit au cours des premières semaines d leur vie, la connaissance des étoiles qui les guident, leur départ étant conditionnés par une sorte d’horloge interne en partie basée sur le raccourcissement de la durée de l’ensoleillement. Ceux qui voyagent en groupes comme les spatules, les grues ou les oies sont guidées par des « chefs » de vol qui se relaient fréquemment. Solitaires ou groupés, les oiseaux parcourent parfois des distances extraordinaires puisque, par exemple, la sterne arctique avale jusqu’à 30 000 kilomètres aller et retour alors que l’hirondelle commune se contente d’une quinzaine de milliers de kilomètres entre la France et des pays de l’Afrique équatoriale où elle passe l’hiver. Aucune espèce ne migre à moins de deux cents ou trois cent mètres d’altitude, ce qui réduit à néant les arguments des contempteurs des éoliennes qui prétendent qu’elles constituent des « hachoirs à oiseaux ».

Cette année, comme les années précédentes, en cette moitié du mois de février, non seulement des hirondelles et de nombreux passereaux sont déjà en attente dans le sud de la France mais d’autres petits oiseaux sont déjà à l’oeuvre dans mon jardin du Loiret pour picorer sur les branches les larves d’insectes qui vont leur permettre de prendre des forces pour construire leurs nids et nourrir ensuite leurs nichées. Activité prédatrice bien plus efficaces que tous les pesticides que trop d’agriculteurs et hélas de jardiniers, s’obstinent à répandre dans la nature. D’ailleurs, dans les premiers temps de la protection de la nature, à la fin du XIX éme siècle, les scientifiques du Muséum National d’Histoire Naturelle, ont commencé à plaider pour « les oiseaux utiles à l’agriculture ». Ce qui, malheureusement, a entraîné la publication de liste d’oiseaux « nuisibles à l’agriculture », démarche qui abandonnait à une destruction systématique qui a duré des dizaines d’années les oiseaux granivores. Alors que beaucoup d’entre eux, notamment chez les passereaux, sont opportunistes et se nourrissent aussi bien d’insectes que de graines. Ce qui justifie en cette fin d’hiver, le geste des jardiniers qui mettent à la disposition des oiseaux, des graines et des boules de graisse. Ce qui permet aussi aux migrateurs qui arrivent épuisés par leur périple, de reconstituer plus rapidement leurs réserves. D’autant plus que si les migrateurs ont l’habitude de musarder lors de leurs voyages d’automne, ils reviennent à tire-d’aile avant le printemps ou au début, par le littoral méditerranéen ou le long de la côte atlantique.

Dans mon jardin, tandis que les troglodytes, sédentaires, commencent à s’agiter dans mes haies, la semaine dernière, j’ai déjà identifié des pouillots, une bergeronnette grise, deux rouges-queues à front blanc, plusieurs grives, un serin cini et entendu un coucou chanter. Sur la Loire une échasse blanche a choisi de passer l’hiver sur les bancs de sable. Tout comme un rouge-gorge, deux pinsons et une volée de mésanges bleu, de mésanges charbonnières, de mésanges à longues queues et de mésanges huppées qui n’ont pas quitté mes deux tilleuls de l’hiver, tilleuls dont ils picorent en permanence la mousse recouvrant les plus grosses branches. Une mousse qu’il est idiot de gratter ou d’éliminer avec des produits puisque c’est dans ces coussins verts que se cachent les larves d’insectes.

Attirer les oiseaux dans son jardin, quelle que soit sa surface, un geste qui les aide à résister aux conséquences des variations climatiques mais aussi un geste « égoïste » du jardinier car plus il en attire sur son verger et son potager, plus il augmente la prédation sur les insectes s’attaquant aux arbres, aux fruits et aux légumes. Et puis les uns et les autres sont tellement jolis que leur présence est un réconfort permanent pour le jardinier dont ils vont bientôt suivre la motobineuse pour récupérer toutes les bestioles et les vers déterrées par un binage qui doit rester léger pour ne pas bouleverser la structure du sol.

Et bientôt tous ces oiseaux commenceront à chanter...

PS Le 14 mars prochain, la Ligue pour la Protection des Oiseaux organise sa huitième « Nuit de la Chouette » destinée à faire mieux connaître tous les petits et grands rapaces nocturnes qui souffrent encore à la fois des préjugés stupides et des pesticides qui stérilisent leurs oeufs.