Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 15 mai 2009

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Pour chasser les effluves délétères de la politique organisons des jardins d'aromates et de simples

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Au balcon, sur la fenêtre, en terrasse et bien entendu au jardin, le mois de mai est idéalement celui de l’installation d’un grand plaisir des sens avec les aromates fraternellement réunies en quelques jardinières ou sur quelques métres carrés : des odeurs délicatement mêlées au gout en passant par le ravissement des yeux car la plupart offrent des fleurs et des feuilles minuscules mais ravissantes. J’ai ainsi redécouvert récemment toutes les vertus de la sauge que ma famille du Morvan utilisait aussi bien pour soigner, en les frottant avec des feuilles fraiches, mes piqures de moustiques ou de guépes, que pour assaisonner les viandes rouges et la soupe aux légumes. D’ailleurs, le nom générique latin de la sauge, Salvia, c'est-à-dire guérir, rappelle que cette plante fut d’abord officinale avant d’entrer en gastronomie. Les cuisiniers de Louis XIV, ce roi qui se tua lentement à manger comme un ogre, assaisonnaient ses rôts royaux avec de la sauge, à la fois pour en relever le goût et faciliter la digestion des graisses. Elle parfume aussi très agréablement le vinaigre de vin dans lequel il est possible de la mettre à macérer avec des fines herbes et de l’estragon, ce qui évite d’avoir recours aux préparations plutot approximatives et surtout ruineuses du commerce. Cette Salvia officinalis, la variété la plus commune en nos jardins avec ses feuilles velues et vert sombre, nous est venue il y a longtemps des plaines d’Asie et du Caucase où, allez savoir pourquoi, les chevaux à demi-sauvages l’adorent. Elle se cultive d’autant plus facilement qu’elle est vivace pourvu qu’on lui offre de vivre dans un sol plutôt léger et au soleil.

Un soleil qui convient parfaitement au thym qui fut étroitement mêlé à l’histoire des dieux grecs après avoir été l’herbe royale des princes régnants de la Mésopotamie, là où se situe généralement le paradis. Mais, bien qu’ayant fréquenté les dieux et les cours royales, thymus vulgaris, est resté très simple et se cultive très facilement si on ne commet pas l’erreur de trop l’arroser. D’ailleurs, aussi bien en Argentine qu’en Kalmoukie, je me souviens d’avoir cotoyé des déserts parfumés de thym sur des kilomètres. Preuve du don d’ubiquité d’une plante qui soigne, parfume et assaisonne. Donc, sur un balcon comme au jardin, il ne faudra pas planter le thym, commun ou citron, dans la même jardinière que le persil et les fines herbes comme on le voit souvent sur les belles photos de magazines chics qui pensent encore que le jardinage est une décoration. Mais cette plante que les Provençaux appellent la farigoule fera excellent ménage, de pousse et d’effluves, avec la sarriette des jardins, Satureia hortensis, qui se séme chaque année ou la sarriette vivace, Satureia montana, qui furent toutes deux mêlées aux histoires des dieux romains avant d’être des héroïnes discrétes de quelques romans de Giono, mêlées aux herbes dans lesquelles se roulaient quelques uns de ces héros. Tout comme le serpolet, Thymus serpyllum, pour lequel il existe de nombreuses variétés que l’on confond souvent avec le thym mais qu’adorent, La Fontaine nous l’a dit depuis longtemps, les lapins qui réussissent à échapper aux chasseurs

D’autres vivaces qui font rêver les nez dés que tombe une goutte aprés un ensoleillement, peuvent fréquenter le carré plutot provencal et ensoleillé : le romarin, l’estragon qui s’efface à l’automne pour renaitre au printemps, l’origan, version sauvage de la marjolaine et dont les Italiens assurent qu’il est indispensable à la pizza napolitaine, le laurier qui résistera au balcon s’il est régulièrement taillé et s’il est planté dans un pot d’au moins 40 centimètres de diamètre.

Dans une exposition un peu moins ensoleillée il faudra installer l’Allium schoenoprasum, plus connue dans les campagnes sous le nom d’ « appétit » ou de civette et dans les villes sous celui de ciboulette. Plus on coupe cette plante venue de Chine, plus elle repousse : dans quelques jours elle offrira sa plus délicieuse friandise, ses fleurs violettes qui se mangent avec de la salade et qu’il faut de toute façon couper pour que la touffe ne s’épuise pas. Autour, ou dans d’autres jardinières, il faut réserver de la place au persil (le géant d’Italie, le plus gouteux) à semer après avoir fait tremper les graines, au cerfeuil qui se sème tous les ans et évidemment au basilic, à petites ou grandes feuilles, à feuilles vertes ou violettes. Venu des Indes et d’Asie, connu aussi sous le nom provençal de pistou, cet Ocimum basilicum a trouvé son nom en Grèce comme herbe royale puisqu’elle ne pouvait y être cueillie que par des personnages de rang princiers ; elle reste aussi une plante sacrée que l’on dépose au pied des statues de Krishna. Cette plante subtropicale aime toujours la chaleur mais elle s’est assez bien adaptée à nos climats depuis qu’elle a été rapportée en France par les Croisés et elle passe bien l’été ; quand on n’oublie pas de l’arroser et si on supprime au fur et à mesure ses petites fleurs blanches. Toujours dans l’exotisme, la coriandre fait partie des aromates qui se sont accoutumés depuis longtemps à nos climats et pousse très vite au soleil. Trop vite souvent ; et mieux vaut espacer les semis pour en avoir tout l’été, d’autant plus que dans le carré des simples elle se ressème souvent toute seule. Ce qui n’est pas le cas de l’aneth, une autre indispensable au carré des aromatiques pouvant à la fois soulager des petits maux et agrémenter la cuisine. Toutes peuvent vivre au balcon. Y compris la menthe dont il faudra, au jardin, surveiller la progression en coupant les racines souterraines pour qu’elle n’envahisse pas tout.

Depuis quelques années, alors que le commerce des épices frelatées et éventées les avait peu à peu chassé des jardins et des cuisines, alors que l’on trouve toute l’année trop d’aromates venues de loin et sorties de cultures industrialisées, israéliennes ou turques par exemple, toutes les plantes aromatiques sont partout revenues en grâce auprès des jardiniers. Elles offrent toutes l’immense avantage, au jardin et en pots, de pouvoir pousser sans la moindre engrais et sans le moindre pesticide. Du plaisir nature sans le moindre risque, cela devient rare.