Il y aurait mieux à faire, pour les élus socialistes, que de se quereller pour savoir qui aura la chance ( ?) d’essayer d’être le calife à la place du calife. Ils devraient prêter plus attention, c’est à dire avec autre chose que des mots creux, à la demande exprimée il y a une semaine dans les urnes et à celle qui a été que négativement signifiée par l’abstention : une autre France, un autre Monde. Une partie importante de la population française aspire à l’écologie au quotidien que leur refusent les élus locaux, généraux et régionaux trop souvent prisonniers de schémas qui datent d’avant la création du Parti socialiste. Ils devraient enfin comprendre que ces Français là ne supportent plus de les regarder inaugurer des tronçons d’autoroutes, des déviations à quatre voies, des voies piétonnes ouvertes aux voitures, des ronds-points, des usines baladeuses et des fausses pistes cyclables balayées par le flot automobile. Des Français, collectivement et même si cela est paradoxal, aspirent à l’autonomie. Celles qu’ils organisent ou veulent vivre et organiser. Sans ces élus qui vivent sur Mars ou sur la Lune.
Ces Français là ne veulent pas le bonheur pour demain mais le plaisir, le bien-être et l’écologie pour aujourd’hui. Plutôt que de construire des incinérateurs à tout va au point de faire de la France le champion d’Europe de la destruction (parfois dangereuse) des déchets, ils devraient consacrer une part importante des subventions qu’ils distribuent à une geste simple et bien moins coûteux : leur offrir des jardins potagers. En municipalisant ou en préemptant des terrains à cet effet. Des jardins dont des Français ont tellement besoin que les listes d’attentes des associations qui les distribuent s’allongent démesurément et que les AMAP, Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne se multiplient. Au point que les paysans proches des villes peinent à faire face à la demande : car les avantages de la PAC ne sont pas pour eux mais pour les agro-industriels du maïs, de la betterave ou du blé. Autour des maisons individuelles les plus bourgeoises, le gazon est de plus en plus souvent défoncé pour faire de la place aux légumes. Pour ceux là, le jardinage devient un plaisir autant qu’un défi à une consommation élevée à la hauteur d’une solution de crise ou de civilisation à laquelle ils ne croient plus vraiment.
Et puis il y a tous les nouveaux pauvres, les exclus, les licenciés, les chômeurs partiels, les chômeurs techniques, ceux qui sont lassés de ruser avec les minimum sociaux, ceux qui rêvent de pouvoir améliorer leurs ordinaires avec des légumes et quelques fruits tout en faisant la nique aux grandes surfaces qui grugent à la fois les agriculteurs et les consommateurs. Pour ces millions de gens, comme pendant les guerres (celle qu’ils vivent est économique), se pose la question de la survie et de l’autonomie face à un système qui les broient. Ceux là aussi, à leur façon, disent non au type de consommation qui leur est imposée. Les bourgeois (bohème) font semblant d’être à la recherche d’une nouvelle éthique alors qu’ils réagissent pareillement à cette crise qui dure.
Il y a urgence à répondre à cette demande : en installant ces jardins autour de toutes les villes comme une ceinture de protection contre l’urbanisation galopante. Pas pour un illusoire et trouble « retour à la terre » qui n’est plus de saison, mais pour satisfaire un besoin d’autonomie. Et aussi pour survivre car, pour les plus pauvres et aussi pour les classes moyennes (au moins) l’économie de subsistance, l’autoproduction devient une nécessité. Combien des nouveaux jardiniers, comme les plus anciens dans la pratique, ne pourraient plus boucler leurs fins de mois sans l’apport de ces jardins ? Combien de ces jardiniers que je rencontre ne pourraient plus offrir des fraises, des framboises ou des haricots verts frais à leurs enfants sans les cultiver ? Ce n'est pas par hasard que les chomeurs de Détroit et d'autres villes américaines s'emparent des friches industrielles pour y installer des potagers. Comme une insurrection pour l'autonomie.
Il y a urgence à installer sur le territoire français des dizaines, voire des centaines de milliers de nouveaux jardins potagers. Ce sera plus efficace que le Revenu de Solidarité Active qui ne vise guère à autre chose qu’à habituer les salariés à être encore plus mal et de plus en plus épisodiquement payés.
Il y a urgence à offrir à tous ceux qui le souhaitent, cette autonomie relative. Pour sauver les uns et désintoxiquer les autres. C’est aussi une façon de renvoyer notre nain de jardin à ses promesses stériles.
Affirmation faite après avoir cueilli les fraises, les framboises, les groseilles et les cerises du jardin que j’entretiens depuis quelques dizaines d’années. En vivant au moins un peu à l’écart des pesticides et fongicides contenus dans la plus grande part des « beaux » fruits et légumes qui s’entassent dans les grandes surfaces.