Un peu plus de 16 degrés ce dimanche en fin de matinée au jardin. Moins d’un mois à Copenhague et de ses parlottes climatiques, à des années lumières des âneries que Claude Allègre continue de proférer mécaniquement victime de ses envies de gloire crépusculaire, l’automne hésite à se transformer lentement en hiver. Ce n’est pas la première fois. Une petite rose rouge en profite pour éclore, surprise de son audace. Les soucis jaune vif poursuivent tranquillement leurs floraisons et des perce-neiges pointent déjà discrètement dans l’herbe, sous un tilleul. Quant aux fouines, elles ne se décident hélas pas à s’endormir au grenier et, hier en fin au crépuscule, deux hérissons ont fait un tour dans les salades pour vérifier qu’ils ne se trompaient pas et que leurs limaces favorites continuaient à circuler ; et ni les mésanges, ni les verdiers, ni les tarins ou ni les rouges-gorges ne viennent mendier de nourriture, occupés qu’ils sont à picorer les larves et les insectes qui pullulent beaucoup trop sur les troncs et les branches. Comment expliquer à un jeune cerisier récemment greffé qu’il doit poursuivre sa dormance et que la petite pousse verte qui jette un coup d’oeil imprudent juste au dessus de la greffe résulte d’un leurre climatique et non pas du printemps, à un poirier d’une dizaine d’années qu’il ne faut pas que ses bourgeons gonflent et aux fraisiers qu’il est trop tôt pour que leurs coeurs vert tendre se développent.
Combien de présidents, ceux qui boivent du vin et ceux qui n’en boivent pas, combien de ministres, combien d’experts auto désignés oracles planétaires tardifs du climat prennent le temps de se pencher sur les détails de la nature pour y discerner les indices irréfutables des modifications que vivent déjà nos territoires. Celles qui ne sont pas des tempêtes destructrices et médiatiques, mais des (r)évolutions douces, celles auxquelles chacun s’habitue d’une année sur l’autre. Combien de politiques regardent la nature faire doucement mais sûrement son évolution et la biodiversité se dégrader ou se modifier inexorablement? Combien se demandent pourquoi des abricotiers fournissent désormais depuis quelques années des fruits succulents à 140 kilomètres de Paris ; et ailleurs plus au nord encore. Combien de politiques s’inquiètent vraiment sur les raisons qui poussent de grandes sociétés vinicoles du Bordelais à acheter des terres en Lituanie, en Chine et dans le Sud de la Grande-Bretagne ? Combien de ceux qui vont discourir, après avoir papoté et chipoté dans les rencontres préliminaires, se demandent pourquoi les chênes fuient vers le nord ou quelles lubies incitent les grandes sociétés de champagne à acheter des domaines dans le Kent et le Sussex ? Combien de vantards d’un environnement transformé en drapeau politique et démagogique se soucient que, depuis des mois, les vignerons de nombreuses AOC, celles de Bourgogne, de la vallée du Rhône ou du Sud-Ouest fassent le siége de la Commissaire européenne à l’agriculture pour obtenir le droit de mettre de l’eau dans leur vin, d’utiliser des levures génétiquement modifiées ou de filtrer les vins par osmose inversée, tentatives désespérées et désespérantes, pour réduire le degré d’alcool des vins qui deviennent fous parce que la vigne a changé de rythme et les vendanges de mois.
Dans le centre du Burkina Faso, sur la côte somalienne, en Afghanistan, en Ethiopie, au nord du Sénégal, au Darfour ou au Tchad, les populations paysannes courent après l’eau et implorent le retour de pluies plus fréquentes pour sauver leurs cultures vivrières. Mais les dieux occidentaux sont sourds. Tandis que les pasteurs, dans les mêmes régions, reviennent plus tôt vers leur sud parce que leurs pâturages septentrionaux sont brûlés et leurs animaux squelettiques ; sécheresses qui les contraignent à brouter subrepticement quelques récoltes sur pied. Combien des politiques comprennent que le Darfour n’est pas seulement ensanglanté depuis des années par des « méchants » mais aussi par le désastre climatique qui réduit rapidement les terres disponibles englouties par le sable. Conflits de plus en plus graves entre les nomades et les sédentaires, famines et exodes vers les villes qui explosent déjà sous la pression des réfugiés des guerres et de la modification climatique en marche. Combien de présidents, combien de ministres et de doctes spécialistes du Nord ont arpenté ces contrées qui s’épuisent sous les assauts de la désertification. A tout hasard, ils offrent, chichement, des tracteurs et des engrais ou de pesticides périmés à des paysans désespérés qui ne réclament que des pelles, des râteaux et des fourches pour tenter de survivre. Combien de négociateurs auront mesuré les détresses du Sud assaillies par les mauvaises habitudes du Nord? Comme le fait Marc Dufumier, l’agronome qui a repris la chaire de René Dumont à ce qui est devenu AgroTech Paris, quand il se bat sur place pour que les FMI et autres Banque Mondiale comprennent qu’il faut favoriser la culture sous arbres –les acacias par exemple- pour réconcilier les pasteurs et les agriculteurs et qu’il faut donc préférer les micro-résistances aux plans de grande envergure ? Mais ces organismes, comme les prophètes politiques de Copenhague ne se passionnent que pour les grands investissements, les actions qui se voient et se commentent dans la presse, les investissements sur lesquels la plupart des gouvernements du Sud en place prélèvent impunément leur dîme...
Loin de mon jardin, de mes hérissons, de mon cerisier déboussolé, des pommes de terres qui germent prématurément, de la mâche déjà trop grosse, des oiseaux déboussolés ? Que nenni ! La catastrophe climatique qui nous menace offre des facettes quotidiennes multiples et demandent plus que des discours et les effets de manches trop prévisibles. Il est plus que temps d’agir. Pas seulement pour mes arbres et mes oiseaux désorientés mais pour sauvegarder l’eau, les vies et les agricultures du Sud et du Nord.
Les maires de France, réunis en Congés national, se préoccupent de leurs taxes professionnelles et des menaces qui pèsent sur leurs pouvoirs dérisoires. Mais combien d’entre eux, comme l’exceptionnel Maire PS de Mûrs-Erignès, 5500 habitants du Maine et Loire, se soucient d’éteindre leurs lampadaires qui éclairent inutilement leurs villes désertes chaque nuit ? Ce dimanche matin, à Gien, à 7 h 30 du matin, l’éclairage public brillait encore le long de la voie rurale qui borde une partie de mon jardin. Alors que les éteindre, au moins une partie de la nuit, épargnerait à la fois les finances de la commune et celles des Giennois...
Dans les jardins, l’alarme retentit depuis des années mais la France ne se soucie que d’une banale grippe pourvoyeuse de propagande gouvernementale...