Pour nous délasser des "autonomes" qui sont en prison aprés avoir cultivé leurs jardins à Tarnac en Corrèze
Depuis que les jardins partagés, parfois appelés jardins solidaires, ont commencé à coloniser Paris, il devient évident pour nombre de Parisiens que la nature n’est pas un mobilier urbain, un joli décor nettoyé et entretenu par des jardiniers grondeurs dés qu’un ballon fauche quelques fleurs. Avec un évidence que les plus citadins ont parfois oublié: quand on plante ou on sème, ça pousse. Parfois. Quand on ne plante ou ne sème pas, ça ne pousse pas. Sauf que, souvent, même quand on ne fait rien, comme Gilles Roux dans sa parcelle sauvage du jardin de la rue des Récollets, dans le 10 éme, il pousse beaucoup d’herbes et de plantes surprenantes aux graines amenées par le vent et les oiseaux. Preuve que la biodiversité peut exister partout. Gilles préside l’association qui gère ce jardin ouvert, jardin nommé pour lui le poireau agile. Son amour des herbes sauvages choque parfois les traditionalistes du jardinage, les partisans des fleurs et légumes bien alignés, mais la coexistence s’organise doucement. C’est à la fois son plaisir et sa fierté quand il arpente les 130 mètres carrés de cet espace de liberté conquis de haute lutte, comme le reste du Jardin Villemin sur lequel il s’ouvre, contre la plupart des élus qui ne pensaient qu’à construire au bord du canal Saint-Martin. Jean Tiberi en rêvait, mais il n’était pas le seul. Il a fallu l’arrivée des Verts à la Mairie de Paris pour que soit affirmé que les habitants, quels que soient les arrondissement, avaient envie d’espaces et de jardinage. La preuve fut faite avec cet espace de culture libre d’accès, comme dans celui de la Rue de la Réunion dans le 20°, que le respect du plaisir des autres finissait par s’imposer à tous : nul n’importune les oiseaux dans la baignoire que leur a imaginé l’architecte des lieux. Gilles raconte en désignant un jeune qui joue à quelques mètres : « au début, il traversait les parcelles en VTT, maintenant, quand son ballon roule sur les fraisiers, les fleurs ou les poireaux, il s’excuse. Ces parcelles sont aussi l’apprentissage d’une co-existence, un affrontement de cultures et d’habitudes qui finit par s’apaiser avec le temps, avec les conversations ». Au Potager des Oiseaux, dans la rue du même nom, au coeur du 3° arrondissement, Jeannine renchérit : « L’autogestion d’un espace, si petit soit-il, n’est pas facile et demande un ré-apprendissage du vivre ensemble, mais je ne connais pas dans ce quartier, de lieu où les gens se parlent autant et si longtemps ». Dans les 45 jardins partagés mis en place depuis 2001, à l’image de ce qui se fit à New York, Lille ou Lausanne, des individus, des associations ou des écoles s’essaient avec un succès grandissant à une cohabitation que beaucoup (d’élus) pensaient impossible.
Au départ, Yves Contassot, responsable de la politique des jardins à la ville de Paris, était réticent : « Je n’imaginais pas la Mairie en train de distribuer des parcelles en fonction d’une liste d’attente. Alors, en créant ce réseau Main Verte, notre position a été claire. Nous trouvons ou sauvons des espaces, mais à des associations de quartier de gérer et organiser ces jardins. A elles de définir des règles, de repartir les surfaces à cultiver. Nous avons réussi au delà de nos espérances et dans une prochaine mandature, je pense que nous pourrons rapidement arriver à 150 jardins partagés, notamment en leur réservant des espaces dans les jardins publics existant ou à créer ».
Alice Le Roy, qui anime le réseau explique : « il a fallu faire comprendre que le jardin peut et doit exister en ville. Ce n’est pas une lubie des Verts mais un besoin que nous avons découvert puis facilité. Le succès montre qu’il existe peu d’endroits pour discuter et que l’on peut et doit faire confiance aux habitants. Mais c’est vrai qu’il faut du temps pour faire de l’éducation environnementale, pour convaincre d’abandonner les produits phytosanitaires. Notre regret : avoir attiré peu d’adolescents ».
Au centre du jardin partagé de 1000 mètres carrés installé au fond du jardin Casque d’Or, rue de la Réunion, un ado, ballon sous le bras, hausse gentiment les épaules : « Ca sert à quoi, de faire pousser ces légumes ? Il est plus simple de les acheter. Et puis, en ville, avec la pollution, ils ne doivent pas être bien bons. Tu les mangerais, toi, leurs pommes ? ». Le jardin est désert, trois de ses responsables viennent de partir après y avoir déjeuné sous le soleil hivernal et expliqué que leur règle autogestionnaire leur interdisait de parler sans l’accord du collectif de gestion. Avec ses arbres fruitiers, ses grandes planches toutes gérées collectivement, sans parcelle « privative », ils règnent depuis quelques mois sur l’un des plus beaux espaces collectifs de Paris qui doit être « un lieu de convivialité pour tous ».
Hiver comme été, elle est au rendez vous dans tous ces jardins.