Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 18 mars 2010

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Japon, Europe, candidats aux régionales: même combat contre le thon et la biodiversité

Dans un silence consternant, le Conseil des ministres de l’environnement de l’Union Européenne a décidé de reporter à 2050, avec une mystérieuse étape intermédiaire à 2020, la préservation de la biodiversité.

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Dans un silence consternant, le Conseil des ministres de l’environnement de l’Union Européenne a décidé de reporter à 2050, avec une mystérieuse étape intermédiaire à 2020, la préservation de la biodiversité. Une façon comme une autre de « célébrer » l’année de la biodiversité décidée pour 2010 par les Nations Unies et l’Europe...en 2002 !

Commentaire tout en langue de bois européenne du nouveau Commissaire à l’environnement, Janez Potocnik, « "Il apparaît clairement que nous ne sommes pas parvenus à l'objectif relatif à la biodiversité pour 2010, et maintenant nous devons nous concentrer sur ce qu'il doit être fait afin que cette erreur ne se reproduise pas". Ben voyons ! les plantes sauvages qui disparaissent régulièrement, tout comme les oiseaux, les mammifères, les batraciens et les amphibiens dont les espèces s’éteignent aussi doucement que sûrement, peuvent attendre. En 2050, comme il y en aura déjà beaucoup moins et que les disparitions se compteront par milliers, il sera beaucoup plus facile d’organiser la préservation des rescapés. Les Vingt-sept ont indiqué sans rire de leur novlangue de l’inefficacité que demain il sera toujours temps d’agir et qu’ils s’étaient donc mis d’accord pour ne rien faire mais en précisant qu’une place majeure (si, si) serait réservée aux « sujets environnementaux dans le développement, suite à un long débat en profondeur. La Commission a adopté le document intitulé Stratégie 2020 qui, de manière générale, insiste sur le fait que dans cette période difficile au cours de laquelle nous devons tous faire face à la question de la croissance du PIB ou du chômage dans toute l'Europe, nous devons rechercher une croissance inclusive, durable et intelligente". Relisez lentement, ça vaut la peine.

Ce jeudi, la Convention de Washington sur la protection des espèces sauvages, qui existe depuis 1972, a décidé à une confondante majorité qu’il n’était pas question de protéger le thon rouge dont les stocks, surpêchés, sont en voie d’extinction, en Méditerranée et ailleurs. On reconnaîtra là, l’influence du Japon qui a acheté, à coups de subventions, de prêts et de promesses financières, comme il a souvent tenté de le faire pour la chasse à la baleine, les voix de la plupart des micro-états de la planète. Résultat 68 voix pour la poursuite de ce désastre qui lèsera non seulement la biodiversité mais également, à terme, les pêcheurs artisanaux ; 20 contre et 30 courageux abstentionnistes parmi lesquels, la France et les pays européens. Loin des vantardises du Président...

Je l’ai déjà écrit dans les colonnes de Mediapart : la biodiversité n’intéresse personne, la biodiversité tout le monde s’en fout. Comme l’on ricanait des modifications climatiques il y a une dizaine d’années. La diminution de la biodiversité, en apparence, n’affecte pas nos vies quotidiennes, elle ne se voit pas. Alors qu’il ne reste plus que 400 grands hamsters sauvages en Alsace, moins de 4000 tigres contre une centaine de milliers au début du XX ème siécle, que seuls 700 gorilles de montagnes survivent à la frontière du Rwanda et du Congo dit démocratique, que le vison français est au bord de l’extinction, que la loutre n’est toujours pas sauvée dans les rivières françaises, que les tulipes sauvages sont sur le point de disparaître, que cet imbécile heureux de Jean Lassalle est le seul rescapé du Modem sur le point d’être élu alors qu’il milite pour l’éradication des derniers ours dans les Pyrénées, que la biscette de Rotgés, petite plante endémique de Corse est à la veille de disparaître, que la Rosaline des Alpes est en voie d’extinction comme 30 espèces de papillons, 22 espèces de libellules et 57 espèces de coléoptères sur le territoire français, et que les chiffres sont à peu prés les mêmes au niveau de l’Europe, personne ne s’en émeut sérieusement.

Le dernier rapport de l’UICN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature, publié est accablant: dans le monde, un amphibien sur trois, un oiseau sur huit et un mammifère sur quatre sont menacés de disparition pure et simple. Le décompte mène au total de 16 928 espèces en voie d’extinction sur les 44 838 qui figurent sur la liste rouge des animaux en danger; décompte qui n’inclut pas les espèces végétales en perdition. Les études menées également à propos des conséquences du réchauffement climatique sur cette chute accélérée de la biodiversité montrent que la situation ne peut que rapidement empirer, qu’il s’agisse des espèces animales ou des espèces végétales. Depuis les années 50 du XX éme siècle, 1159 espèces ont disparu ou ne subsistent plus que dans quelques parcs zoologiques. Pour les plantes, y compris pour quelques arbres, le bilan européen annoncé se chiffre à plusieurs milliers dans les 30 prochaines années. Bien avant que l’Europe se réveille. Alors que la préservation de cette biodiversité est partout une nécessité scientifique, pharmaceutique, alimentaire, économique et évidemment culturelle. Même au nom de leur simple égoïsme, les terriens ne font rien ; ou si peu.

Les Français, et d’autres, s’émeuvent régulièrement de la raréfaction du tigre, de la réduction du nombre d’éléphants en Afrique, de l’orang-outan d’Indonésie, des baleines ou des rhinocéros. Ils donnent volontiers des leçons de morale écologique à des pays économiquement faibles qui ont d’autres préoccupations urgentes ; alors qu’un pays (encore) riche comme l’Espagne se révèle incapable de préserver ses derniers lynx pardel et que la France peine à faire respecter les lois censées protéger la biodiversité. Faute de moyens et surtout faute de volonté. Et il n’y a pas que pour le loup, l’ours, le lynx ou les oiseaux sauvages que les gouvernements français, car la tendance lourde n’est pas nouvelle, laissent la nature à l’abandon, au gré des humeurs des élus locaux, généraux et régionaux. Tout ce qui reste de la richesse biologique française est saucissonné par les autoroutes inutiles, les déviations, les ronds-points ou les voies express à quatre voies hérissés de hautes clôtures. Autre illustration du comportement de nombreux élus : la Ligue pour la Protection des Oiseaux, à la suite de nombreux courriers de ses membres scandalisés, est partie hier en guerre contre les trop nombreuses municipalités qui organisent la destruction des nids d’hirondelles et de martinets dans les villes. Parce qu’il parait que ces oiseaux ont l’audace de chier sur quelques murs et quelques trottoirs. Pas étonnant qu’au cours des dernières années, période qui a vu l’intensification de ces « opérations propreté », les effectifs d’hirondelles aient chuté de 39 %. La LPO rappelle que la destruction d’un nid d’hirondelles est passible d’une amende de 9000 euros et de six mois de prison. Mais quel juge d’une ville de province condamnera son maire pour cette atteinte à la diversité. Surtout s’ils vont à la chasse ensemble...

Avons nous entendu un candidat aux régionales militer en faveur de la préservation de la biodiversité alors que le président Sarkozy demande aux protecteurs de la nature de cesser de persécuter les agriculteurs qui ont relancé leur utilisation. A part les Verts, personne. Compréhensible, électoralement parlant : le sauvetage d’une espèce, cela ne s’inaugure pas devant les photographes, comme une piscine ou un rond point. Bien sur il y a les transports et le terrible chômage. Mais combien de chômeurs y aura-t-il en plus quand la chute de la biodiversité aura réduit le nombre des espèces et de races domestiques comme le nombre des espèces de sauvages dans lequel nous aurons un jour besoin de puiser ?

Comme je sais que dans mon jardin de Gien il fera demain au moins 20°, je vais aller voir comment se portent les lézards gris et les lézards verts que j’héberge, en compagnie des hérissons, dans les pierres d’un mur écroulé qui les abrite l’hiver.