La menthe est suffisamment célèbre pour avoir figuré au 21 messidor (juin-juillet) du calendrier révolutionnaire de Fabre d’Eglantine. Elle était arrivée vers l’Europe depuis plusieurs millénaires du Moyen-Orient et de Mésopotamie, donc quasiment directement du Paradis. D’ailleurs, certains récits assurent qu’Adam en frotta Eve, comme on le fait aujourd’hui en Inde dans les mêmes circonstances, avant de croquer la pomme avec elle. Laquelle n’était d’ailleurs pas une pomme mais un fruit quelconque, l’essentiel étant qu’il soit, avec ou sans menthe, défendu pour cause de « douceur » suspecte. C’est cette « suspicion » d’émollience qui, au départ, fit exclure les fruits des jardins ouvriers de la fin du XIX éme siècle : vive le choux et méfiance envers la framboise suggéra le curé qui inventa ces jardins.
Avant d’atteindre l’Orient, la menthe fut pour la première fois cultivée dans des espaces situés autour de ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan où elle pousse encore à l’état sauvage dans les régions irriguée autour de Mazar -e- Charif. Mais il y a si longtemps qu’il est bien difficile de démêler l’histoire de la légende. Ce qui est certain : elle était décrite sur des dessins dans des tombes et des ruines de la civilisation mycénienne, une quinzaine de siècle avant notre ère. Les Grecs lui donnèrent le nom générique que nous lui connaissons puisque dans leur mythologie la fille du dieu des rivières souterraines, Mintha, tomba amoureuse d’Hadès le roi de l’enfer. Ce qui pouvait être une belle histoire s’acheva en drame : la belle naïade fut surprise en flagrant délit d’ébats par la femme du roi, Perséphone reine du monde des ombres. Dans sa fureur, elle tua Mintha et la piétina jusqu’à la réduire en morceaux minuscules. Le miracle des dieux, compatissants envers la belle amoureuse, fit des débris une plante fragile que l’on foule au pied sans la remarquer mais dont le parfum s’impose quand on la touche. La menthe…
Les naturalistes des XVI, XVII et XVIII éme siècle en emportaient souvent quelques pots, ce qui montre la rusticité de la plante, ou bien hachée finement dans de l’huile pour se préserver des odeurs plutôt nauséabondes qui régnaient paraît-il sur les bateaux qu’ils empruntaient pour découvrir le monde des espèces végétales et animales. C’est grâce à eux que la menthe s’est retrouvée dans le Nouveau Monde, en Amérique du Nord ou du Sud. Pour une fois, l’Occident y apportait une plante nouvelle. Elle avait gagné la Gaule, donc la France et toute l’Europe occidentale grâce aux Romains qui la consommaient en infusions et en parsemaient toutes les viandes. Quand ils ne s’en faisaient pas des couches parfumées.
Cette plante est très facile à cultiver au jardin et même en pots sur le balcon. Simplement il faut savoir que la menthe poivrée, Mentha piperata, (feuille allongée) et la menthe douce, Mentha spicata ou viridis (feuille ronde) deviennent facilement envahissantes puisqu’elles se reproduisent essentiellement grâce à des racines souterraines qui peuvent coloniser tout un coin de jardin une fois que l’on n’en a planté quelques pieds. Ces variétés les plus courantes pour balcons et jardins font une délicieuse tisane lorsqu’elles sont fraîches et ne perdent pas leur parfum et facultés tisanières lorsqu’elles sont bien séchées, avec leurs petites fleurs mauves. Au Moyen Age, les médecins la pilaient sèche avant de la mélanger à de l’opium pour calmer leurs patients et au Moyen Orient, une poignée de feuilles de menthe « rafraîchit » l’eau stockée dans des pots tout en limitant le développement bactérien. Et, en plus, c’est bon. Si vous cherchez bien, vous trouverez également une menthe fleurant bon la bergamote, Mentha citrata.
Autre tisane envahissante et vivace du jardin, la mélisse, Melissa officinalis. Ses feuilles ressemblent à celles de la menthe ce qui explique que les deux plantes aient longtemps été confondues dans la littérature médicale grecque et du Moyen Orient. Pour la reconnaître : d’abord l’odeur n’est pas la même et ensuite les fleurs poussent non pas en haut de la plante mais à l’attache des feuilles. Originaire des confins himalayens, elle a été baptisée par les Grecs (mélissa signifie abeille en grec), longuement étudiée par Avicenne le médecin et philosophe de Boukhara du X éme siècle et rendue célèbre par les moines du couvent des Carmes au XVII éme siècle avec leur fameuse « Eau de Mélisse » aujourd’hui élaborée par un laboratoire pharmaceutique tout à fait laïc. Ils furent copiés par d’autres religieux, puisque la Chartreuse et la Bénédictine comportent elles aussi de la mélisse. Elle est délicieuse en tisane, c’est un calmant reconnu et les médecins allemands lui prêtent, après études, la vertu de soigner l’herpès.
La verveine citronnelle, Aloysia triphylla Humboldt, nous est venue du Chili au cours du XVIII ème siècle. Sauf dans le sud de la France, il faut cultiver ce petit arbuste en (grands) pots pour pouvoir la mettre à l’abri pendant l’hiver car elle ne supporte pas le froid. Ce qui n’empêche pas d’en prélever branches et feuilles (qui tombent en hiver) pour préparer une tisane chaude ou froide. A ne pas confondre avec la verveine officinale, Verbena oficinalis, que les Romains nommaient « herbe de Vénus » parce qu’ils considéraient son infusion comme un filtre d’amour. Une plante vivace qui vient fort bien au jardin et qu’il faut récolter juste avant la floraison pour faire une tisane dont Médiapart ne peut pas garantir les vertus que lui prêtaient les Romains alors qu’elle serait efficace contre les rhumatismes.
La camomille, dite romaine parce qu’elle était dédiée aux dieux de cette époque, est également une plante vivace dont on utilise les feuilles et les fleurs que l’on fait facilement sécher. Chamaemelum nobile se multiplie aisément par bouture et sa tisane légèrement amère assure paraît-il des nuits calmes. Tout comme les baies séchées de genévrier, un petit conifère qui s’installe facilement dans un jardin. Mais attention il faut planter côte à côte un pied mâle et un pied femelle du Juniperus communis pour obtenir ces baies. Plus ils reçoivent de soleil plus les baies ont de l’arôme.
Pour un grand jardin, les fleurs de l’acacia, Robinia pseudo acacia, qui nous vient des Etats Unis seront parfaites pour des tisanes naturellement sucrées ou des beignets. Et rien n’empêche de les cueillir en pleine campagne car cet arbre c’est bien installé en France ; depuis que le premier fut planté en 1601 par le naturaliste Jean Robin dans le square parisien Saint- Julien le Pauvre où il vit toujours. Toujours pour grand jardin et avec de l’avenir devant soi car il ne fleurira pas tout de suite mais vivra quelques centaines d’années, le tilleul est excellent pour les tisanes. Mais il faut oublier le tilleul argenté originaire d’Asie qui n’a que de vertus qu’ornementales municipales et planter Tilla cordata. En sachant qu’il faut lui laisser de la place car pour récolter ses fleurs il ne faut pas le tailler, celles-ci venant au bout des branches. Faites comme moi, laisser en un vivre sa vie et taillez les autres. Les fleurs sont à récolter au moment de leur éclosion. La tisane préparée avec les fleurs de cet arbre européen se prépare soit avec des fleurs fraîches soit avec les fleurs séchées qui conservent leurs propriétés et leur goût pendant une année environ. Et même si vous n’aimez pas la tisane, offrez-vous de l’avenir et du rêve avec un arbre qui fut, comme le chêne, sacré pour bien des religions, y compris chrétienne. Ce qui explique que l’on trouve si souvent des tilleuls devant ou derrière les églises bien qu’il fut pour les païens une ré-incarnation de Baucis tandis que Philémon son, mari, se réincarnait en chêne.
Décidement, avec les tisanes, on n'échappe pas aux amours, estivales ou autres...