Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 18 août 2009

Claude-Marie Vadrot

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La grippe, le monstre du Loch Ness et la guèpe à pattes jaunes

Très franchement, pour envisager la fin du monde ou, soyons modeste, la fin de la France, j’hésite entre la grippe HN1, le cobra de Touraine, le crocodile des Vosges et la guêpe asiatique.

Claude-Marie Vadrot

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Très franchement, pour envisager la fin du monde ou, soyons modeste, la fin de la France, j’hésite entre la grippe HN1, le cobra de Touraine, le crocodile des Vosges et la guêpe asiatique. D’autant plus que comme je n’ai pas bien compris tout ce qu’a expliqué monsieur Luc Châtel qui affirme qu’il est ministre de l’Education Nationale, je ne sais pas encore si le virus HN1, virus capable de faire perdre les pédales à un gouvernement tout entier, est efficace contre la guêpe asiatique à pattes jaunes.

J’explique. Le cobra de Touraine a été aperçu le 10 août dernier dans le département d’Indre et Loire et est recherché, sur ordre de la préfecture, par les forces de gendarmerie. D’habitude à cette époque, les populations et les journalistes signalent plutôt des panthères, des lions et des guépards. Mais, bon, les temps changent. La preuve, il y a un bon mois, un crocodile a été signalé dans un étang de la commune de Xertigny, non loin d’Epinal. La maréchaussée a été saisie de l’affaire, les abords de l’étang interdit puis, on a vidé la mare avec un luxe de précaution infinie et les pêcheurs n’ont trouvé qu’un brochet de taille finalement modeste.

Premier des réfugiés climatiques qui se sont mis en marche vers l’Europe, l’insecte asiatique s’est installé en France et, comme c’est l’été, il fait parler de lui. Pas folle la guêpe ! Elle a réussi à prendre, hier, plus de place sous la plume des confrères un peu piqués que la grippe. Avouons que c’est plus excitant, plus nouveau et plus inquiétant que le tigre, le guépard, le crocodile et autres monstres du Loch Ness. Sans oublier la canicule qui fait un retour remarqué : c’est l’été, le climat change et donc il fait chaud, ce qui est vraiment extraordinaire. Surtout pour les vendeurs de clim qui vont fourguer des engins dont l’utilité ne dépassera pas quelques jours. Alors que les 15 000 morts de 2003 sont beaucoup plus dus à la pollution qu’à la chaleur. Mais on ne va pas embêter les automobilistes et les industriels alors qu’il est si facile de dire qu’il fait trop chaud. Comme en Afrique...

Mais, revenons au monstre de l’été, au sujet que je vais finir par prendre en grippe : le virus HN1, ce mal qui répand la terreur et dont la mise en spectacle ressemble à une histoire que je suis en train de relire : les méfaits de la Bête du Gévaudan. Au point que je m’attends d’un jour à l’autre à entendre un évêque, comme celui de Mende en 1764, ordonner des prières publiques en nous expliquant qu’il s’agit d’un fléau de dieu envoyé pour nous punir de notre impiété, de nos doutes envers les pouvoirs surnaturels du président.

Résumons : premièrement la grippe HN1 n’est pas grave et se traduit, parait-il, par un gros rhume ; secondement, elle est moins dangereuse que la grippe hivernale habituelle ; troisièmement, en sa sainte prévoyance, le gouvernement a préempté des millions de doses de vaccins, ce qui va faire la fortune de quelques laboratoires qui n’ayant jamais rêvé d’un tel jackpot; quatrièmement, à partir de trois malades par classe, elle sera fermée et les enfants confiées « à la solidarité familiale » , nouveau nom pour le chômage qui touche des millions de gens et auront donc le temps de garder leurs mômes ; cinquièmement, j’hallucine à cause de la fièvre sans doute, les cours seront dispensés par Internet, la radio ou la télévision, ce qui sera une bonne occasion de faire comprendre que, finalement, les enseignants « toujours en grève » ne servent pas à grand chose.

Les pouvoirs publics, encore quelques semaines d’efforts, auront réussi à nous amuser et à amuser la presse tout l’été en nous faisant croire que, grâce à eux, un pire qui n’était pas prévisible, a été évité. Comme les 500 000 morts français qui nous furent promis lors de la grippe aviaire.

Un principe de précaution s’impose : considérer avec circonspection le numéro de nos ministres avant de les prendre tous en grippe...