De retour de la chaleur (accablante cette année) de l’été austral pendant un mois, essentiellement en Argentine, j’ai retrouvé mon jardin sous le froid et un peu de neige. De quoi me réjouir car la froidure a eu heureusement raison d’une large part des parasites et des larves d’insectes qui infestent régulièrement le potager et les arbres du verger depuis que le réchauffement climatique se constate fortement, c’est à dire pour cette région des bords de Loire depuis une bonne dizaine d’années ; depuis, par exemple, que les abricotiers me régalent sans problème de leurs récoltes ou que les tomates commencent à mûrir au mois de juin. Le froid n’a bien sur pas empêché les perce-neige de semer leurs petites corolles blanches au pied des arbres et les crocus jaunes de colorer l’herbe. Avec seulement une petite semaine de retard sur les dernières années, n’en déplaisent aux climato-sceptiques qui profitent de quelques erreurs factuelles de quelques scientifiques sur prés de 3000 scientifiques du GIEC (Groupe International pour l’Etude du Climat) pour partir à l’assaut des prédictions climatiques. Avec l’appui financier des groupes de pression industriels et des producteurs de pétrole réunis dans le même ravissement. Ne manque plus à ce concert de ricanements niant les évidences que les imprécations habituelles de Claude Allègre : sauf si ses élucubrations m’ont échappé lors de mes reportages à une douzaine de milliers de kilomètres de la France, je ne l’ai pas encore entendu ou lu dire ses habituelles imbécillités, seul moyen qui reste à ce scientifique démonétisé de se faire remarquer des médias.
Mais retour au jardin, lieu d’observation privilégié, où il faut tailler, couper, retourner la terre, vérifier les fraisiers qui émergent des feuilles mortes, remettre en route le compost, repiquer les salades et semer les premiers radis sous serre froide ; avant de mettre des oignons et des échalotes en terre. Sans oublier la cueillette de la mâche et des pissenlits qui n’ont pas souffert des douze degrés en dessous de zéro notés il y a quelques jours par la mémoire du thermomètre. Le bonheur habituel de cette période pré-printanière pendant laquelle le jardinier sait que la dormance apparente de la végétation masque une vie intense qui réjouit déjà les oiseaux et les musaraignes. Le moment où la vie ne se voit pas mais se pressent, se devine à quelques signes imperceptibles : quelques brins d’herbes déjà un peu plus vert, des bourgeons qui gonflent imperceptiblement, les narcisses qui sortent leurs boutons qui s’épanouiront la semaine prochaine et d’infime pointes roses sur les pêchers les plus printaniers. Il y a même des feuilles minuscules qui commencent à sortir des longues lianes d’un vieux saule et mon cerisier de Sibérie se demande visiblement s’il ne va profiter de son dépaysement qui dure pour sortir quelques fleurs prématurées. Dans une semaine l’hiver ne sera plus qu’un souvenir. Le miracle habituel, le seul miracle auquel je crois car il est toujours l’attente de la surprise du lendemain matin. Un miracle aussi exploité que la vierge à Lourdes.
Car malheureusement, dans les jardineries dont les tenanciers ont oublié depuis des lustres qu’il existe (encore) des saisons, se vendent déjà des fleurs et des plants de légumes dont les destins, une fois mis en terre ou en balcons, sont d’autant plus promis au flétrissement qu’ils sont en général dopés avec des hormones de croissance. Les mêmes qui proposent des tomates et des concombres au mois d’avril ou bien fourguent des plants de pommes de terre dont les pousses filiformes ont surgi dans les réserves trop chauffées. Sans oublier les produits dangereux, pour les jardiniers et la nature, que des employé(e) mal formé(e)s et très mal payé(e)s s’obstinent à vendre à des jardiniers amateurs en les assurant que « si, si, c’est parfait pour le bio, ne craignez rien ». C’est dans ces jardineries d’escrocs du vivant qu’avant d’acheter un rosier, un arbuste ou un arbre fruitier, il faut retirer (mais si, on a le droit) la plante du pot en plastique pour vérifier que les racines ne se sont pas enroulées à l’infini pour former une sorte de « chignon » qui rendra la reprise difficile. Tout cela pour dire qu’il n’y a pas que des escrocs du climat mais aussi des escrocs de la végétation qui vendent des « être vivants » comme ils vendraient des boites de petits pois. Ce qui explique en partie leur chiffre d’affaires annuel dépassant désormais 6 milliards d’euros.
Puisque le mot « escrocs » est revenu machinalement sur mon clavier, une dernière pique contre les chantres du « tout va bien » qui repartent à l’assaut, avec la complicité active de quelques confrères heureux de brûler ce qu’ils ont adoré, des modifications climatiques qui n’ont évidemment existé que dans l’imagination de quelques écologistes. En oubliant que le GIEC n’existe pas depuis l’année dernière mais que ses spécialistes travaillent depuis 1988 et que les premiers doutes sur le changement climatique datent de la première conférence internationale sur l’environnement de 1972. Ce n’est pas « contre le changement climatique » que Yvo de Boer, le responsable des (des)accords sur le climat de l’ONU, vient de donner sa démission ? mais parce que ce (pourtant) modéré est las des obstacles dressés par les gouvernements contre une politique qui permettrait de sauver l’avenir et la biodiversité. Il a constaté que les très vagues promesses de Copenhague n’ont pas été tenues, seuls 50 chefs d’Etat et leurs ministres ont communiqué de vagues objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ....comme 27 Etats l’avaient promis pour 193 autres ! Le France n’a pas fait mieux que les autres et tout le monde se tait en poussant un discret soupir de soulagement. A commencer par le président de la république française qui a oublié ses vagissements compulsifs de victoire poussés dans l’indifférence des écologistes, ce qui lui a permis de mettre sous le boisseau la taxe carbone. Exit, une nouvelle fois, Sarko-l’écolo qui ne fait même plus recette auprès de quelques associations qui avaient voulu croire au Père Noël.
Et la France, comme une bonne partie des pays européens, sous prétexte que l’hiver a été pour une fois (une dernière ?) normal en conclue que le réchauffement climatique n’existe pas ; ou si peu...ne nous affolons plus, l’hiver est froid ! logique car c’est certainement en matière de météo et de politique que la mémoire est la plus sélective. A ces optimistes soulagés de pouvoir continuer à ne rien faire, j’oppose, par exemples, le vin français qui va perdre ses appellations pour cause d’augmentation de degré, les chênes qui voyagent vers nord, le sud de l’Espagne qui se désertifie, les derniers marais français qui s’assèchent, les ours blancs qui meurent toujours de faim au large du Canada, les espèces qui disparaissent sous les coups de boutoirs du manque de pluie ou des chaleurs trop fortes. Comme en Argentine où la région de Buenos Aires et la Pampa viennent de Bue nos, pour la troisième année consécutive des températures supérieures à 40° ; ou encore les Maliens ou les Ethiopiens dont les bovins meurent de soif par dizaines de milliers.
Une nouvelle fois, en ces temps électoraux où les partis classiques oublient avec soulagement la question de l’énergie et de l’environnement, les politiques français, pour ne parler que de ceux là, réussissent à éloigner la réalité pour pouvoir remettre la bataille de l’écologie à demain. Sauf pour lancer des campagnes de fleurissement ou de ramassage des papiers et de merdes de chiens, confondant l’écologie avec le décor et la propreté.
Tout ceux là, je les invite à venir constater en mon jardin, le réchauffement qui s’obstine à ne pas tenir compte des élections, des pétroliers, des politiques aveugles ou sourds et des groupes de pression et à prendre de l’avance sur le calendrier.Un jour sans doute, si nature me prête vie, j'yrécolterais des olives...