Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 23 août 2009

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Les algues vertes, les écolos et Edwy Plenel à Nîmes, les Peillonnades, les Fillonnades et les silences du colonel Aubry

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En une semaine, pour les besoins d’un rapport remis vendredi à Madame Jouano qui assure à tout le monde qu’elle est secrétaire d’Etat à l’Ecologie, alors qu’elle doit se contenter de faire de la communication sur les désastres ou les échecs qui se succèdent, les scientifiques de l’INERIS, l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques auront « découvert » ce qu’ils savent depuis des années et ce que les associations de Protection de la nature comme Eaux et Rivières de Bretagne expliquent et combattent depuis 25 ans. A savoir que les algues vertes qui s’accumulent sont dangereuses, qu’elles provoquent des dégagements mortels d’hydrogène sulfuré ; et qu’elles sont la conséquence d’un agriculture qui abuse des engrais et d’une multiplication des élevages industriels inondant la Bretagne de lisiers regorgeant également de nitrates, d’antibiotiques, de pesticides et de désherbants. En prime, elles étouffent la biodiversité littorale au point qu’un jour la pêche sur les plages et la pêche sur le littoral sera impossible ou dangereuses pour la santé de ceux qui consomment poissons et coquillages.

Comme l’ont fait remarquer avec humour de nombreux Verts connus ou inconnus présents à l’Université d’été de Nîmes, y compris devant l’animateur Edwy Plenel manifestement profondément contaminé par le virus écolo, la droite et très souvent la gauche risquent en permanence le malaise vagal en courant après des réalités écologiques planétaires ou françaises sans vraiment les comprendre ; sans trouver le courage de changer de société, de mode de consommation ou d’aménagement. Les uns et les autres, en silence pour le PS et en communiquant pour la droite, espèrent que le bon peuple finira par s’habituer au pire. Pour la plupart des politiques, l’écologie, c’est comme la pluie ou le beau temps : ça va, ça vient, ça passe et on oublie le temps qu’il a fait la veille. Ainsi, depuis une bonne trentaine d’années, périodiquement, le pouvoir politique « découvre » les dégâts d’une productivité agricole insensée et jure qu’il va s’en occuper. Un système que la France s’est engagée à corriger avec des subventions européennes qui ont en fait servi à...augmenter la pollution comme le montre les chiffres ; des centaines de milliers d’euros versés à des entreprises comme celle qui « produit » les poulets Doux et autres sous-marques. De l’argent que la France va bientôt être sommée de rembourser à hauteur d’un minimum de 2 milliards d’euros.

François Fillon aura donc été obligé d’interrompre ses vacances pour confirmer un état des lieux que tout le monde connaît et ajouter sa promesse à toutes les autres. Pour lui, les plages avaient été soigneusement nettoyées. Et comme il ne faut faire de peine à personne quelques mois avant les élections régionale, il a cru devoir préciser qu’il ne fallait accuser personne en particulier alors que tout le monde sait que les agriculteurs et les éleveurs sont les principaux, sinon uniques, responsables d’une situation qui fait reculer la biodiversité de tout le littoral breton. Les nappes phréatiques sont chargées en nitrates et en molécules chimiques jusqu’à 50 kilomètres à l’intérieur des terres ; étant entendu qu’il ne faut pas oublier que des immenses fosses de lisier s’évapore le nitrate (et autres éléments chimiques) qui retombe ensuite sur la Bretagne sous forme de pluies et d’aérosols dangereux pour la santé des habitants. Sur ce point, le rapport rédigé à la hâte reste muet. Tout comme il fait évidemment l’impasse sur le milliard d’euros de subventions européennes détournées, subventions qui, pour 70 % ont été utilisées pour accroître la surface des exploitions d’élevage industriel qu’elles étaient destinées à contrôler et diminuer. Il va aussi falloir les rendre...

Le ministère de l’écologie a soigneusement organisé la communication sur le retour de quelques saumons dans la Seine. Ce qui permet de masquer, par une information encore bien aléatoire, les dizaines de milliers de kilomètres de rivières gravement polluées ou, depuis quelques semaines, asséchées par les prélèvements agricoles. Des rivières et fleuves dans lesquels il est interdit de se baigner : Une interdiction qui, depuis quelques années, offre un avantage extraordinaire : il n’est plus nécessaire d’y effectuer des prélèvements pour chercher et signaler les baignades dangereuses. D’où une fausse amélioration en pourcentage. Illustration des politiques gouvernementales : cachez ces pollutions que je ne saurais voir ; ou supprimer. Qu’il s’agisse de l’eau, des sols ou de l’air. Pour la pollution de l’air, la grande révolution des dernières années raconte bien les politiques officielles : on nous prévient, on nous informe. C’est tout : comme pour toutes les dégradations de la nature et de l’environnement, désormais nous savons. Ce qui permet aux pouvoirs politiques de nous habituer à toutes les atteintes possibles et imaginables, en accumulant les lois spectacles qui ne sont pas respectées. Aujourd’hui à cause de la crise, hier au nom de l’emploi, avant-hier et demain au nom de l’indifférence organisée.

Quant au Grenelle de l’environnement, deux exemples permettent d’en situer l’aspect dérisoire et mensonger: la construction de nouvelles autoroutes devait cesser ; or, les nouveaux travaux continuent partout en France. Ensuite, l’agriculture bio devait bénéficier en priorité des aides agricoles : les producteurs de maïs, les éleveurs hors-sol, les industriels de l’agriculture sont toujours privilégiés par 80 % des aides et la consommation des engrais chimiques et des pesticides est repartie à la hausse, dépassant à nouveau 80 000 tonnes par an. Quant à la taxe carbone, elle va disparaître dans la démagogie parlementaire à la rentrée.

Le vote des Français aux Européennes est (peut-être) la preuve que l’écologie spectacle et placebo fait moins recette. Ce que n’ont évidemment pas compris le parti socialiste dont on découvre finalement qu’il est biodégradable et l’UMP qui vient de s’allier avec CPNT regroupant les derniers anti-écolos idéologiques de France (en dehors de Claude Allègre évidemment). Mais, croire que la France entière a été convertie à l’écologie serait une illusion : la consommation de carburant est repartie à la hausse et les sondages qui, depuis des années, annoncent que les Français sont prêts à changer pour des raisons écologiques, ne sont que l’expression d’un politiquement correct. En attendant le jour prochain où il deviendra « chic » de se proclamer opposé à la reconversion écologique des politiques.

Ce qu’ont bien compris prés de 2000 militants connus et inconnus présents pendant trois jours à Nîmes. Connus ou militants de base, au delà de la cuisine électorale régionale, dominait une certitude : il faut témoigner, il faut continuer à expliquer et à convaincre, il faut montrer que l’écologie concerne tous les niveaux de la société. Et aussi dire comme l’expliquait José Bové que passer à une société écologiquement responsable, « ce ne sera pas forcément facile, qu’il faudra accepter des efforts et des changements. Nous ne promettons pas un avenir sans difficultés, nous disons simplement comme toujours qu’un autre monde est possible et surtout qu’un autre monde est en marche. Et que sa réussite nous fera du bien à tous sans remettre en cause notre niveau de vie. Ce sera simplement différent et si nous le comprenons pas collectivement, ceux qui ont aimé la crise économique, adorerons la crise écologique qui nous menace».

A Nîmes, l’enthousiasme et la cohésion de la réflexion a atteint un niveau rarement égalé depuis la création des Verts en 1985. « L’année dernière nous avons semé, expliquait encore José Bové, cette année nous commençons à récolter, à moissonner ». Une qualité de discussion de réflexion, de discussions, y compris dans les désaccords, à des années lumières des Peillonnades, des Valls à mille temps, de l’isolement Royal, des Montebourgesques attitudes, des incantations du Ravi du Béarn, François Bayrou, d’un nain de jardin que nul n’ose plus Huer et surtout des silences assourdissants du Colonel Aubry en matière d’écologie.