Le Grenelle de l’environnement à un an, le pire de la crise financière n’a qu’un mois, mais politiques, parlementaires et industriels s’appuient sans vergogne sur cette dernière pour organiser le jet aux orties des avancées péniblement négociées avant d’être actées par le Président. Mais par nature, toutes les promesses vertes sont biodégradables ! Que Jean-Louis Borloo parle de « magie » après le vote de la loi Grenelle 1 en première lecture ne relève que de la brève de comptoir seulement explicable par l’heure avancée de la nuit. En dehors des travaux fournis au BTP avec la rénovation des logements pour qu’ils soient moins énergétivores, ce texte de loi n’aligne que des pétitions de principe, des décisions sans délais et n’a même pas pris en compte la promesse formelle des conclusions du Grenelle d’arrêter la construction des autoroutes. D’ailleurs pendant les débats, les parlementaires dopés à la crise se sont succédés, et les sénateurs en feront sans doute autant, pour expliquer que « leur » autoroute était indispensable pour atténuer les effets de la crise. Indispensable au BTP de leur région, sans aucun doute. Les kilomètres de TGV déjà programmés sont maintenus mais rien n’est proposé pour améliorer et redévelopper les trains du quotidien des Français qui les aident à se passer de voiture ni pour le ferroutage qui ressemble à l’Arlésienne. Et comme, en matière d’environnement, il est devenu urgent d’attendre après trois report des débats, on reparlera de ce texte de loi l’année prochaine pour sa finalisation, le temps que les derniers détricoteurs majoritaires affûtent leurs amendements sous la direction de Patrick Ollier qui n’a pas renoncé à faire accepter l’électricité d’origine nucléaire comme une « énergie renouvelable ». Il faut rappeler que ce parlementaire fut celui qui organisa la « chasse au loups » avec une commission parlementaire en 2002. Un orfèvre en écologie...
Entre la crise financière devenue économique et le pétrole qui fait provisoirement semblant de baisser, politiques et industriels aperçoivent enfin le terme de leurs angoisses face aux écologistes et naturalistes qui s’étaient provisoirement installés sur le devant de la scène. Enfin, ils vont pouvoir se débarrasser des empêcheurs de polluer en rond, renvoyer les écolos comme ils disent avec mépris dans leurs séminaires, à leur cavernes et à leurs bougies comme leur conseillent les instructions des communicants. Le Medef prépare un rapport sur les « illusions écologiques ». Sur cette lancée, le monde politico-économique va finir par proposer de subventionner les usines de voitures alors qu’il y a un an chacun s’accordait –sincèrement pour les uns, hypocritement pour les autres- à dire que la bagnole en ville n’était bonne ni pour notre santé ni pour l’économie des villes. Ce qui a amené les constructeurs à nous préparer un Mondial de l’automobile dominé par les slogans de la voiture verte. Il était trop tard pour changer le discours préparé depuis des mois. Discours qui masque la réalité : la voiture verte et la voiture propre n’existent pas ailleurs que dans la communication et quand Renault jure qu’il va en commercialiser plusieurs véhicules électriques, cette entreprise oublie qu’elle a déjà fait la même promesse « pour dans un an ou deux » en 1959 avec une Dauphine à brancher. L’enfer des constructeurs de voiture est régulièrement pavé de bonnes intentions s’appuyant sur la crainte du chômage et le ton des chroniqueurs spécialisés montre qu’ils vont bientôt en appeler à la solidarité nationale.
Le ministre de l’Ecologie et sa secrétaire d’Etat ont donc été priés par la classe politique de la mettre en veilleuse, d’oublier leurs projets d’amélioration de notre environnement et de protection de la nature et toutes leurs histoires de bonu-malus. Parce ce qu’il ne faut pas « charger » les dépenses des entreprises, et parce qu’il faut d’abord dépenser pour les banques et les entreprises ; parce qu’il ne faut pas mécontenter les élus locaux et leurs PME, la diminution de la pollution des cours d’eau ou de l’atmosphère est remise à une date très ultérieure et la mise en place d’une trame verte destiné à sauvegarder la biodiversité fera simplement l’objet d’un audit ; un de plus. Encore une réussite parlementaire du Medef. Protection de la nature et des espèces à la trappe en dépit des efforts de l’Union européenne pour concentrer ses efforts sur cette biodiversité en péril dans le territoire de la plupart de ses membres.
En France comme aux Etats Unis et dans la plupart des pays européens, la crise arrive juste à temps pour balayer les préoccupations écologiques, pour remettre à plus tard la lutte contre le réchauffement climatique, la préoccupation de l’épuisement des ressources. Une bénédiction : juste à temps pour ramener à la raison une opinion publique qui commençait à se poser des questions, même si elles n’étaient encore peu suivie d’actions. Dépêchons nous de consommer, d’acheter et de jeter, de changer nos bagnoles, creusons la tombe de la planète avec nos cartes de crédit et ce faisant ne nous arrêtons pas à ce détail de l’histoire qui prive en France au moins 8 millions de gens de ce sursaut consommateur qui doit sauver la France. Il suffit d’écouter les discours des Tchèques qui vont prendre la tête de l’Europe, d’examiner les délires polonais ou de décrypter les déclarations de Barak Obama pour comprendre que l’écologie, la protection de l’environnement et la préservation seront les premières victimes de la crise.
Quant au Président Sarkozy, une question existentielle se pose : est-il encore permis de siffler copieusement ses discours nationalistes et marseillais débarrassés des oripeaux écolos qui faisaient illusion ou bien est-ce que cela tombe désormais sous le coup de la loi ?