Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 26 avril 2013

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Au jardin: le muguet, le PC et Jean-Luc Mélenchon

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A quelques jours de l’éphémère mise en vente libre du muguet dans les rues françaises, une question politique n’est pas encore résolue : sera-t-il proposé par les militants du parti communiste le mercredi premier mai ou bien le dimanche 5 mai ?

Lors de sa longue prestation télévisée, Jean-Luc Mélenchon, le nouvel « écologiste » de la gauche, est malheureusement resté muet sur cette question essentielle puisque, traditionnellement la vente de cette fleur, est présentée comme un moyen de remplir les caisses du Parti communiste. Même si, en ces temps de plus en plus difficiles, de nombreux Français y trouvent un (bien petit) moyen de se faire quelques sous pour faire face à la crise. Mais en faisant surtout la fortune des industriels de la clochette qui vont en écouler quelque 45 millions de brins parfois aspergées de parfum synthétique pour dissimuler leur inexistence olfactive. De toute façon bien peu nombreux deviennent les citadins capables de deviner où il pousse encore.

           Il n’y a plus, il n’y a peut-être jamais eu, de muguet dans le bois de Chaville chanté dans les années 50 par Pierre Destaille (Ce jour-là au Bois d'Chaville y avait du muguet, si ma mémoire est docile c'était au mois d'mai, au mois d'mai dit le proverbe fais ce qu'il te plaît, on s'est allongés sur l'herbe et c'est c'qu'on a fait...). Il y en a depuis deux jours dans mon jardin et son parfum entêtant parvient jusque sur le clavier de mon ordinateur grâce au petit vent frais et humide qui le disperse par la porte ouverte après avoir un peu enivré mes deux chats. Il faut le dire, au moment où les industriels du muguet nous assurent une nouvelle fois, avec des sanglots dans la voix et pour nous le vendre très cher, qu’ils ont réalisé une fois de plus des miracles pour qu’il fleurisse à temps dans la région nantaise où s’installera bientôt un aéroport. Comme si leurs clochettes ne poussaient pas sous serres, dopées aux engrais ou freinées aux retardateurs de croissance ; comme si la nature n’était pas elle-même capable de réaliser des miracles et de me procurer pendant quelques jours, à la même date, une des plus grandes joies de mon année au jardin. Il ne me prive jamais de ce plaisir car il n’écoute pas les bulletins radio ou télévisés qui ne s’intéressent qu’au « beau temps » en oubliant que la pluie est un bienfait au même titre que le soleil. Mon muguet dont j’ai planté quelques griffes il y a des années, s’étend à sa guise sans qu’il soit possible de maitriser sa dispersion. Il faut le savoir quand on le met en terre. Le muguet est une plante libre et c’est peut-être pour cela qu’il fut autrefois distingué par les travailleurs en révolte.

       Dans la nature, le muguet du premier mai, le sauvage, le seul qui embaume vraiment, est donc victime d’une tradition qui remonte dans notre pays à 1907, quand les manifestants-travailleurs ont décidé pour la première fois de le glisser, souvent avec une fleur rouge, à leur boutonnière pour célébrer la fête du travail. D’autres historiens racontent que l’usage du muguet printanier comme ornement, remonte en fait à Charles IX qui décida d’en offrir en ce mois à toutes les dames de sa cour avant d’éliminer les Protestants. Initiative royale qui n’entraîna évidemment pas autant de dégâts que la razzia qui s’organise chaque année. Malgré les précautions de la réglementation, bien plus destinée à protéger les fleuristes que le muguet sauvage, qui précise que la fleur ne peut être vendue que sans présentation, sans pot et surtout sans racine. Car ce qui a causé sa perte, ce sont les revendeurs et les promeneurs qui, au lieu de le couper délicatement, le déracinent pour qu’il dure plus longtemps. Ce qui a souvent pour effet, bien que la plante se propage surtout au moyen d’un très fin rhizome, une racine souterraine, de l’empêcher de repousser l’année suivante. Et, si, par hasard, il en reste quelques brins dans les endroits les plus frais et les plus ombragés, il ne faut pas compter sur moi pour dire où ils se cachent des cueilleurs de mai, ni à Chaville ni en d’autres bois.

          Venues du Japon au Moyen Age, les petites fleurs blanches du Convalaria Majalis qui se transforment quelques semaines plus tard en fruits rouges très toxiques, méritent d’être protégées contre ceux qui hantent les forêts pour les revendre dans les rues. Il faut le laisser en paix, quel que soit le bois où on le découvre. Sauf dans quelques régions du sud de la France, le muguet n’est pas encore protégé. Dommage! Ce muguet sauvage et largement plus parfumé que le muguet de serre, ne représente plus qu’à peine 10 % de ce qui se vend en France. Cela rappelle  à quel point les cueilleurs ont fait des ravages au cours des quinze dernières années. Alors, en attendant que le muguet, les larmes de la Vierge, soit protégé, contentons nous de le regarder et de le humer tout au long du joli moi de mai. Mais sachons aussi que les roses qui l’accompagnent souvent sont cultivées au Kenya, en Equateur en Ethiopie ou en Colombie au prix de l’exploitation et de l’empoisonnement des salariés employés dans les serres saturées de produits chimiques avant de gagner la France par avions via l’aéroport de Schiphol, prés d’Amsterdam.

           Et comme un plaisir ne vient jamais seul, les lilas commencent aussi à libérer leurs effluves printaniers. Les roses et les blancs.