Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 28 février 2010

Claude-Marie Vadrot

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Vus de mon jardin printanier: la tempête Xynthia et Allègre le scandaleux

Ce dimanche matin, alors que le vent soufflait encore à plus de 130 kilomètres heure sur le Loiret, j'ai fait mes comptes : avec les dégâts d’aujourd’hui, depuis la fin des années 90 j’ai perdu la majorité de mes arbres fruitiers pour cause de vents déments. De tous les arbres fruitiers légués par le grand père de ma femme, des arbres qui avaient entre 50 et 80 ans, il en reste trois : les autres, une trentaine ont été cisaillés ou déracinés ;

Claude-Marie Vadrot

JOURNALISTE PROFESSIONNEL

Journaliste à Mediapart

Ce dimanche matin, alors que le vent soufflait encore à plus de 130 kilomètres heure sur le Loiret, j'ai fait mes comptes : avec les dégâts d’aujourd’hui, depuis la fin des années 90 j’ai perdu la majorité de mes arbres fruitiers pour cause de vents déments. De tous les arbres fruitiers légués par le grand père de ma femme, des arbres qui avaient entre 50 et 80 ans, il en reste trois : les autres, une trentaine ont été cisaillés ou déracinés ; il ne reste qu’un tilleul de 90 ans, une moitié d’un grand cerisier et deux pommiers dont l’un a tant perdu de branches pendant les tempêtes de la dernière décennie, qu’il a résisté au vent de cette nuit. Je le soigne comme un grand malade qui m’en remercie en me donnant encore quelques pommes d’une variété très ancienne se conservant tout l’hiver. Un lilas vénérable déjà blessé a encore perdu une grosse branche cette nuit. Il faut ajouter à ces vieillards qui étaient encore bien verts et conservaient quelques unes des 5000 variétés de pommes françaises aujourd’hui perdues, ceux plantés depuis que je m’occupe de ce jardin et fauchés par les épisodes venteux. Un cerisier ce matin, cisaillé net l’année de ses trente ans. Mes serres, pourtant solidement arrimées samedi soir, se sont envolées pour une destination inconnue. Le vent est tellement tourbillonnant, ce n’est pas la première fois que je le constate et que je compare nos tempêtes avec des événements tropicaux dont j’ai pu être témoin, qu’il a réussi à arracher des salades repiquées il y a une semaine. Le vent maraud de Georges Brassens « qui semble une brute raffolant de nuire à tout l’monde ».

J’avais l’intention, comme souvent le dimanche d’évoquer ici ce jardin, les travaux printaniers, les menus et intenses plaisirs qu’il offre, les crocus bleus ou blancs qui ont enfin rattrapés les jaunes ou les pêchers et mes brugnons sauvages dont certains arborent des pointes roses ; la mâche douce et délicieuses, les oignons à repiquer en rusant avec les merles et les étourneaux qui les guignent : tellement malins qu’ils sont capables, même si on ne laisse pas de trace, de se faire une « ligne » d’oignons en quelques heures, ce qui m’oblige, à malin, malin et demi, à tracer ensuite de fausses lignes. Il y a aussi les bourgeons des pivoines arbustives en train d’éclore, l’estragon qui resurgit discrètement de la terre où il a dormi, les narcisses et les jonquilles sur le point de s’épanouir, les feuilles de l’oseille qui ourlent la terre humide de vert-violet, le coeur des primevères surgies des dernières feuilles mortes. Sans oublier les bonnes résolutions qui saisissent régulièrement le jardinier que je suis : mettre enfin de l’ordre dans mes plantations de petits fruits et de légumes. Résolutions dont je sais qu’elles ne résisteront pas à mon amour de la nature sauvage et de la paresse écologique qui me conduit à ne plus désherber des pommes de terre ou des haricots verts ou de oignons à partir du moment ou les plants sont plus haut que l’herbe. Et puis aussi ce doute récurrent : soigner ou non des arbres avec de la bouillie bordelaise qui, même utilisable en bio, poserait des problèmes d’accumulation de cuivre dans la terre. Avec en prime le début de rédaction d’une lettre d’engueulade au maire de Gien qui s’obstine à faire arroser les rues rurales de la ville avec des désherbants nocifs. Histoire de lui donner l’adresse du Maire de Murs-Erigny, 6000 habitants, près d’Angers, qui a supprimé ce genre de traitement, a convaincu ses concitoyens d’en faire autant et d’accepter, comme mesure d’économie (d’énergie et d’argent du contribuable), que la plupart des lampadaires de rue soient éteint entre minuit et six heures du matin. Voilà sur quels sujets je voulais inviter au rêve et à la réflexion, mais, il y a eu ce vent tellement surprenant qu’il a arraché du lierre et couché des crocus.

Alors je veux dire à quel point je suis en colère contre cette pauvre épave médiatique qu’est devenu Claude Allègre, l’homme qui vient encore de réfuter le changement climatique, ses conséquences et ses origines dans un nouveau livre. La seule façon qui lui reste d’exister au moment où des milieux américains, qu’il connaît d’ailleurs fort bien, et des pays pétroliers dont l’Arabie Saoudite financent une campagne destinée à ruiner la réputation des scientifiques qui accumulent depuis 25 ans des chiffres et des statistiques qui ne laissent pourtant guère de doute sur les modifications climatiques en cours et sur notre responsabilité. Je suis en colère non pas pour mes arbres, même si ce genre de perte est douloureuse et laisse toujours un goût amer, mais parce qu’un fois de plus le dérèglement climatique a tué des gens et blessent des régions entières : de Madère dont on oublie facilement la centaine de morts aux départements de l’Ouest de la France où les dégâts sont considérables alors qu’en ce dimanche matin, on ne savait pas encore tout (sauf que l'on compte prés de 60 morts dimanche à 20 heures; le bilan pourrait approcher celui de 1999) , en passant par les récents événements climatiques américains ou la saison des pluies qui a malheureusement un mois d’avance à Haïti.

J’entends déjà les « docteur tant mieux » m’expliquer en paraphrasant Allègre et ses quelques tristes imitateurs qu’il y a toujours eu des tempêtes : c’est sans doute pour cela que les grandes compagnies d’assurance, épuisées par les remboursements de catastrophes naturelles, hantent les couloirs des conférences climatiques pour supplier les pays de réduire leurs émissions de gaz carbonique et de trouver rapidement des solutions. J’entends déjà les mêmes « docteur tant mieux » en quête de notoriété douteuse expliquer qu’il y a toujours eu des variations climatiques, quitte à tordre les statistiques ; à moins qu’il nous raconte, entendu à la radio, que le dernier hiver est la « preuve » que le climat ne se réchauffe pas. A croire que, contrairement à ce que je fais, ils ne consultent jamais les statistiques, locales, européennes ou mondiales : on y trouve les éléments de preuve nécessaires ; et suffisants. Les éléments que nous oublions car il n’y a rien de plus éphémère que la mémoire météo et la mémoire politique. Hélas.

Ces gens font preuve de comportements criminels car ils s’appuient sur leur pseudo-science et sur une partie de la presse toujours satisfaite d’expliquer que, finalement, ouf, tout va bien, pour tenter de persuader la population que nous pouvons conserver le même rythme de consommation tandis qu’un milliard de terriens souffre encore de la faim.

La motivation de ces gens, outre la culture de leur ego, c’est de convaincre les gens que nous pouvons continuer à polluer, qu’il n’est pas encore temps de modifier nos comportements. Je l’ai constaté vendredi soir lors qu’un conférence du Copenhague organisée à Chalette, prés de Montargis, beaucoup de gens ont peur que les arguments faisandés des climato-sceptique, finissent par dérouter la partie de la population la plus blessée par le chômage et la déroute économique.

Alors ce matin, en regardant mon jardin, en écoutant les informations sur l’état de la côte atlantique, du Centre et de l’Auvergne, je hais profondément et durablement ces sceptiques professionnels, ces hérauts d’une société qui va dans le mur. Je leur en veux d’utiliser leurs noms pourtant déjà dévalués pour semer le doute dans une population, tellement déboussolée par d’autres catastrophes sociales et économiques qu’elle est évidemment tentée de se raccrocher aux faux espoirs de ceux qui lui répètent sans la moindre preuve : « il y a toujours une solution apportée par la science ». Le refrain censé rassurer.

La tempête Xynthia vient de nous rappeler les risques des changements climatiques, risques qui entraînent des morts et qui, également, frappent et frapperont de plus en plus durement une société de plus en plus sophistiquée pour ses communications et son approvisionnement en énergie.

Alors ce matin je le répète : monsieur Allègre, vous nous emmerdez, vous et vos semblables devenez une menace. Réservez désormais vos éruptions médiatiques à vos volcans, cela vous permettra de réfléchir à vos erreurs passées.