Les pompiers volontaires de Corse mis en examen et incarcérés mercredi sont soupçonnés d’avoir allumé des incendies pour être engagés dans le lutte contre le feu et donc toucher les primes auxquelles cette participation au travail des brigades dirigées par les professionnels leur donne droit. Comme dans tous les départements.
Pour comprendre la tentation qui peut faire vaciller quelques uns des hommes qui risquent leur vie pour éteindre les feux de forêts, de maquis ou de broussailles, il faut savoir plusieurs choses.
D’abord que les pompiers professionnels, c’est à dire salariés tout au long de l’année, sont de plus en plus nombreux, une dizaine de milliers en plus depuis une dizaine d’années, et qu’ils coûtent, hors les villes de Paris et de Marseille, environ 4 milliards d’euros par an. Une dépense qui est essentiellement couverte, alors qu’elle est en augmentation rapide et que l’Etat compense de moins en moins pour les 36 000 pompiers professionnels, ne prenant en charge que les pompiers de statut militaire qui sont un peu plus de 9000. Clairement, pour les incendies et toutes les autres types d’intervention, les professionnels ne sont pas assez nombreux, surtout dans les zones rurales ou semi-rurales.
Les 220 000 pompiers volontaires recensés en France sont rémunérés à la vacation horaire : 10, 52 euros pour les officiers, 8, 48 euros pour les sous-officiers, 7, 52 euros pour les caporaux et 7 euros pour les sapeurs de base. Ce qui, pour un feu forestier de moyenne importance, peut se traduire par une indemnité quotidienne de 80 à 120 euros selon les grades atteints. Les primes sont supérieures lors du travail de nuit et, comme celles de jour, elles ne sont ni imposables ni concernées par la CGS, la Contribution générale de solidarité. C’est donc tout bénéf ! Comme une variable d’ajustement ancienne à la crise économique et à la désindustrialisation rurale.
Il n’est évidemment pas politiquement correct que de supposer, que depuis longtemps, des pompiers volontaires, en Corse ou ailleurs, cèdent de temps à autre à la tentation d’allumer un incendie qu’ils iront ensuite combattre. Surtout quand ces pyromanes intéressés savent qu’il n’existe aucun risque de faire de victimes. Même si le pire peut toujours survenir sans que les incendiaires intéressés y songent. Pas plus qu’ils ne pensent au désastre écologique que représente chaque incendie : érosion, ruissellements accélérés et inondations plus brutales, disparition d’espèces végétales, difficultés insurmontables pour replanter dans des zones montagnardes escarpées. D’autant plus que les propriétaires privés ou l’Office national des forêts n’ont pas les moyens de faire face aux reboisements sur des milliers d’hectares. D’autant plus aussi, qu’en Corse plus qu’ailleurs, les promoteurs veillent même s’il est (officiellement et légalement) interdit de déclarer constructible des espaces forestiers dévastés. En principe...
Ce... phénomène de la chasse à la prime par des pompiers volontaires est bien connu dans un certain nombre de départements, y compris en Corse, mais il n’est pas question de l’évoquer officiellement. Le sujet est tabou partout car l’évoquer porterait préjudice à tous les pompiers volontaires qui exerce normalement et courageusement leurs missions. Mais force est bien de constater que dans les zones touchées par le chômage, qu’il soit partiel ou total, les cas avérés, bien que discrètement traités, ont été de plus en plus nombreux au cours des dernières années. Et comme les volontaires normalement salariés se bousculent de moins en moins, le recrutement se fait de moins en moins sérieusement et dans quelques départements les fonctionnaires territoriaux passent plus de temps, l’été, à lutter contre les incendies qu’à assurer la permanence de leurs fonctions dans les mairies ou les conseils généraux. Surtout quand ils sont très mal payés, ce qui est fréquent.
Mais de tout cela, il ne faut pas parler, le sujet est trop brûlant...