Claude-Marie Vadrot

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Billet de blog 29 août 2009

Claude-Marie Vadrot

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Est-il écologiquement responsable de se féliciter de l'augmentation des ventes de voitures ?

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Le Grenelle de l’environnement et ses minces résultats ont déjà deux ans, les glaces du pôle Nord fondent en dépit des efforts de Michel Rocard qui n’a pas réussi à convaincre les ours blancs de s’adapter à la famine et à la difficulté d’attraper les phoques et de réfréner leur envie de migrer vers des contrées moins hostiles parce que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère animale du monde, les autoroutes continuent à se construire, le ferroutage reste un rêve de discours, au mois de décembre 180 pays se réuniront à Copenhague pour tenter de trouver des solutions aux modifications climatiques, le PS gaspille le peu d’énergie qui lui reste et voilà qu’une partie de la presse et le gouvernement se réjouissent parce que les ventes de voitures reprennent. Consternant : Le retour au « toujours plus » de bagnoles ne peut plus être considéré comme un choix économique et social intelligent dans une époque de réchauffement climatique. Démagogique : les mêmes ne lanceraient pas des cocorico retentissants si la « reprise » concernait la mise en chantier de trains et de toutes les variétés possibles et imaginables de transport collectif. Retour à la religion toujours sous-jacente de la liberté par la voiture. Alors que si, hélas, les ruraux progressivement privés de transports publics au profit du TGV et les salariés expatriés de plus en plus loin de leurs lieux de travail ne peuvent pas s’en passer, les habitants des villes, les plus gros acheteurs, le pourraient facilement.

Les réjouissances officielles et les compliments aveugles ou serviles (au choix) sont d’autant plus mal venus que les fameuses voitures dont les ventes augmentent sont essentiellement des petits modèles « écologiques » (sic) qui ne marchent pourtant pas à l’eau claire et, surtout, des engins essentiellement fabriqués dans les usines délocalisés de nos constructeurs nationaux. Ce qui signifie qu’il faut transporter les voitures sur des centaines de kilomètres pour les mettre à la disposition des acheteurs. De plus, la majorité des modèles fonctionnent avec un gazole qui n’est toujours pas ce qu’il y a de mieux pour faire diminuer les pollutions. Bel effort de lutte contre l’émission des gaz à effet de serre que ce transport de voitures depuis la Roumanie, la Slovaquie et autres contrées aux salaires de misère. En attendant celles qui viendront de Russie depuis les bords de la Volga, du côté de Samara.

Evidemment tous ces prophètes du bonheur automobile nous promettent une fois de plus les véhicules électriques. En oubliant qu’ils nous l’annoncent depuis 1965 « pour demain ». En admettant bien sur, que les véhicules électriques soient une solution. En réalité, il s’agit de sauvegarder l’idéologie de la voiture aux dépends des transports en commun. Sans compter les problèmes d’infrastructures : je me déplace en scooter, j’ai essayé un scooter électrique et je suis tombé en rade au bout de 23 kilomètres avec un engin garanti pour 40 kilomètres. Evidemment, impossible, là où je me trouvais dans Paris, dans un garage, en bas de chez moi ou dans un stationnement pour deux roues, de trouver une prise pour recharger ma batterie. Situation encore pire pour les voitures : nous sommes en train de promettre (je dis bien promettre) des bagnoles électriques avant d’avoir résolu la question de l’infrastructure du rechargement. Donc, nous sommes toujours dans le discours. Et sans répondre à une autre question : elle viendrait d’où cette électricité ? Des centrales au fioul ? Des centrales au gaz ? Du nucléaire qui coûtent une fortune ? Des éoliennes que les écolos du siécle dernier refusent au nom de la protection du paysage et de leurs résidences secondaires.

Ah, j’oubliais l’objection classique faites aux écolos irresponsables et dépourvus de fibre sociale : les em-plois ! Très ancien et commode prétexte de refus des arguments de l’écologie accusée de générer du chômage. Les emplois ? Ils pourraient se développer dans tout le secteur des équipements de transports publics sans que les salariés concernés y voient un inconvénient, non ? Pour sauver des emplois de toute façon condamnés à terme, il faudrait, à en croire les amoureux du taux de croissance, fabriquer des millions de bagnoles en plus. Et beaucoup plus de monde pour pêcher les derniers poissons, augmenter le nombre d’ouvrier-paysans élevant des porcs hors-sol, multiplier les usines d’armement, développer le métier de traders ou d’huissier, tracer de nouvelles autoroutes, créer un aéroport dans toutes les villes de plus de 30 000 habitants, passer le nombre de ministres à plus de cent, construire cinq ou six porte-avion nucléaires, multiplier le nombre des huissiers et celui des responsables du PS voire, suprême gaspillage, augmenter le nombre des enseignants, des juges d’instruction, des infirmières, des assistantes sociales et des salariés de Paul Emploi.

PS oui, je sais, je ne suis jamais content. Mais, d’abord, combien d’abonnés de Mediapart le sont ? Et ensuite, dans quelques jours, peut-être que je vous raconterais une belle histoire : celle des dernières conversations de José Bové avec ses amis et ses électeurs au marché de Montredon, son hameau du Larzac, avant de partir pour Bruxelles. Réjouissant, sympa et parfois émouvant.

PPS Grâce à la télé et à la radio, je sais désormais comment me moucher, éternuer et surtout me laver les mains avec un produit bactéricide plus cher que le savon pour lutter contre un virus: elle n’est pas formidable notre époque de communication ?

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