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Billet de blog 15 juin 2022

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POURQUOI IL FAUT VOTER DIMANCHE

Le fantôme de la liberté, c'est un étrange météore qui croise parfois la route des peuples quand ils peuvent soudain maîtriser leur destin. Dimanche prochain, il sera présent dans tous les bureaux de vote de France.

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Après le premier tour des élections législatives en France, les candidat·es Macronistes et les candidat·es de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (la NUPES, qui regroupe La France Insoumise, Générations, le PCF, le Parti Socialiste et les écologistes, soit presque l'ensemble de la gauche) sortent au coude à coude du scrutin, avec respectivement 25,75 % et 25,66 % des voix. Si l'on en croit du moins la micro comptabilité brouillonne et partisane de Gérald Darmanin, le Ministre de l'Intérieur (1).

Mais cet équilibre apparent masque en fait deux dynamiques politiques totalement contraires. Pour la République en Marche, qui possédait une très large majorité absolue à la Chambre, c'est un effondrement et une défaite, qui viennent solder une campagne législative muette et atone. Et cela, ce n'est pas moi qui le dit, mais le quotidien "Le Figaro", qui est à la droite française ce que la Pravda était à Brejnev : "On assiste à un phénomène de ressac de la force installée à l'Élysée. Jamais durant ces campagnes (Emmanuel Macron) n'a su fixer un horizon enthousiasmant, ni préciser ce qu'il voulait faire, ni même mobiliser par peur ou par rejet d'un épouvantail (...). Disons-le : Jean-Luc Mélenchon a réussi une incroyable opération idéologique" (Le Figaro, 13 juin, p. 3).

Pour la toute jeune Nouvelle Union Populaire, qui envoie d'emblée près de 400 de ses candidat·es au second tour, c'est par contre une victoire qui ouvre la porte à tous les possibles. Preuve de cette dynamique collective : une douzaine de candidat·es de la NUPES ont franchi la barre des 50 % dès le premier tour. Et parmi les cinq député·es élu·es, quatre appartiennent à la France Insoumise, et trois sont des femmes : Alexis Corbières (62 %), Danielle Obono (57 %), Sophia Chikirou (54 %) et Sarah Legrain (56,51 %). Une illustration aussi de la féminisation du mouvement des Insoumis, que la figure bienveillante mais patriarcale de Jean-Luc Mélenchon a parfois tendance à masquer. J'avais déjà fait remarquer ici que six des sept membres de la direction collégiale du Parlement de la Nouvelle Union Populaire étaient des femmes. Dont la présidente, l'économiste Aurélie Trouvé, ancienne présidente d'ATTAC, frôle elle aussi la qualification au premier tour avec 53,53 % des voix.

Les choses se présentent également bien pour les autres formations de la NUPES. Chez les écologistes, Julien Bayou a fait 48,9 %, Sandrine Rousseau, 42,90 %, Sophie Taillé-Polian, 49%. Chez les Communistes, Elsa Faucillon a fait 54%, Stéphane Peu, 62,8%, André Chassaigne, 49,13 %, et Fabien Roussel, dans une circo difficile où le Rassemblement National est bien implanté, 32, 64%. Au PS, Olivier Faure a fait 46,90 % en Seine-et-Marne et plus d'une trentaine d'autres candidat·es socialistes sont en situation de se faire élire au second tour. Visiblement, l'Union profite à tous et à toutes. En tout, ce sont plus de 200 député·es de la Nouvelle Union Populaire qui pourraient ainsi investir le nouveau Parlement. Et une éventuelle majorité de 289 députés de gauche, avec Jean-Luc Mélenchon comme Premier Ministre, reste un objectif envisageable.

Tout dépendra en fait de la capacité de la NUPES à remobiliser l'électorat populaire d'ici dimanche prochain. Avec plus de 52 % d'abstentions, la plus faible participation à des élections législatives sous la Vème République, c'est la clé du second tour pour la gauche. Elle ne disposera sinon que de très peu de "voix de réserve".

Autre bonne nouvelle pourtant : l'élimination dès le premier tour de l'affreux Éric Zemmour et de la cohorte entière de ses affidés. Que Gargamel et ses Schtroumfs noirs aillent se remplacer eux-mêmes au fond de leur placard médiatique. Quant au Rassemblement National, qui peut se maintenir dans près de deux cents circonscriptions, il confirme ainsi son hégémonie sur l'extrême-droite. Et Marine Le Pen espère au moins faire élire plus de vingt députés députés RN dans ses bastions du Nord, de l'Est et du Sud.

Dans le camp macroniste, où l'on sent poindre une certaine fébrilité, on a visiblement décidé de ne jouer qu'une seule carte dans l'opinion. Renvoyer dos à dos les prétendus "extrêmes", "extrême-droite" et "extrême-gauche", et "faire peur", faire peur et faire peur, en racontant absolument n'importe quoi.

En écoutant l'actuelle Ministre de la Transition Écologique, Amélie (de Lombard) de Montchalin (LREM), dont le nom seul est en soi un programme, commenter les résultats du premier tour, je me suis plusieurs fois demandé 1/ si elle était vraiment idiote ? 2/ si elle croyait vraiment à ses propres énormités ? Ou 3/ si c'était seulement une politicienne cynique répétant des "éléments de langage" creux, mensongers et injurieux ? Les trois options pouvant malheureusement s'additionner. D'une voix mécanique, le regard fixe et comme halluciné d'un témoin de Jéhovah égaré dans un sexshop, les yeux écarquillés derrière ses lunettes d'étudiante du XVI ème arrondissement, je l'écoutais disserter sur les dangereux "anarchistes d'extrême-gauche", "soumis à la Russie", et bien sûr "communautaristes", dont le programme rejoindrait étrangement "celui du Front National". Des anarchistes nazis islamo-russes : le portrait craché de la gauche française rassemblée dans la NUPES. Non ? Revoilà donc, comme avant l'élection de Mitterrand en 1981, l'épouvantail des chars russes sur les Champs Élysées. Mais si la NUPES, c'est "l'extrême-gauche"... où serait donc passée la gauche ?

"Le blocage des prix", confiait-elle au micro d'une voix hachée et essoufflée, comme si elle était pressée de s'en convaincre elle-même, "ce sont des milliers d'entreprises en faillite en trois semaines, des millions de chômeurs supplémentaires dans la rue, et voilà tout ce que cherche Mélenchon : l'anarchie, le désordre, le chaos. J'ai peur pour mon pays" (soirée électorale du 12 juin et C-News matin, le 13 juin). Brrrrrr. J'en tremble déjà. Or il n'y a pas un mot dans cette phrase qui ne soit complètement faux, crétin et débile. Pas un mot.

Je ne sais pas ce qu'elle fume, mais c'est de la bonne. Et si c'est là la fine fleur de ce que la Macronie peut nous envoyer comme porte-parole pour "mobiliser les électeurs", c'est qu'il est encore fécond, le ventre de la "droite la plus bête du monde".

Confrontée au socialiste Jérôme Guedj, qui a une forte implantation locale et a fait 38,31 % au premier tour, Madame de Montchalin sera probablement battue dimanche, et devrait donc logiquement renoncer à "son" ministère. Tant mieux pour la "transition écologique", pour la république, la politique et la morale, et peut-être aussi tant mieux pour elle. Car enfin, cette femme-là a peut-être des enfants, des parents, des poumons. Qui sait, un chien, un estomac, des rêves, une santé ? Et même si ce n'est visiblement pas dans le même quartier, elle habite probablement la même planète que nous. Or en poursuivant sa néfaste politique macronisme, c'est sa propre tombe qu'elle creuserait en même temps que la nôtre.

Vers la fin des années '60, les organisations trotskistes (comme la LRT en Belgique et la LCR en France), avaient sur tous leurs concurrents un inestimable et irremplaçable avantage : leurs militantes. Ces "belles rebelles" qui vous initiaient au marxisme, sans même vous tendre un tract, rien qu'en vous regardant droit dans les yeux. Dans un mouvement ouvrier et révolutionnaire encore fortement marqué par le machisme et le virilisme, ces militantes avaient ramassé à terre le drapeau rouge d'Alexandra Kollontaï. Elles allaient bientôt participer à la création du Mouvement de Libération des Femmes, et n'allaient pas tarder à apostropher le siècle avec cette ironique question existentielle (et toujours d'actualité) : "Prolétaires de tous les Pays, qui lave vos chaussettes" ?

Ce sont les filles et les petites filles de ces "belles rebelles" qui seront, par dizaines, envoyées dimanche au Parlement par la NUPES. Elles ont tous les âges, tous les poids, toutes les formes de visage. Mais elles sont fortes de leurs combats, de leurs convictions et de leurs sourires. A celles que j'ai déjà citées, on peut ajouter, parmi des dizaines d'autres, Mathilde Panot (54,84 % à Ivry), Clémence Guetté (47,46 %), Clémentine Autain (46 %) et Raquel Garrido (37,9 %). Sans oublier bien sûr Rachel Kéké, cette femme de chambre chez Ibis Batignolles, qui a mené pendant 22 mois une lutte syndicale victorieuse. Avec 37 %, elle devrait être élue députée dimanche sous les couleurs de la NUPES et de la France Insoumise. Sa concurrente LREM a pourtant eu l'indignité d'appeler à lui opposer un soit disant "Front Républicain", comme si Kéké, cette "essentielle" parmi les essentielles, se situait par essence en dehors du champ de la République. Un nauséabond mélange de racisme de comptoir et de mépris de classe, bien dans le champ lexical de Madame de Montchalin.

Le fantôme de la liberté, c'est un étrange météore qui croise parfois la route des peuples quand ils peuvent soudain maîtriser leur destin. Il ne se rencontre que cinq ou six fois par siècle – quand on a la chance de l'entr'apercevoir. Une fois seulement, le plus souvent, dans la vie d'un être humain. Dimanche prochain, le fantôme de la liberté sera pourtant présent dans tous les bureaux de vote de France. Ami·es français·es, si vous n'avez qu'une seule chose à faire dans les cinq ans qui viennent, allez voter dimanche pour un·e candidat·e de la NUPES.

Ne le faites pas seulement pour la retraite à 60 ans, pour le SMIC à 1500 euros nets, pour les cantines bios et gratuites dans les écoles, pour l'allocation mensuelle d'autonomie de 1000 euros des étudiant·es, pour l'augmentation des retraites et de tous les minimums sociaux, pour le refinancement des hôpitaux, de l'enseignement et de tous les services publics, pour le blocage des prix, pour le milliard investi pour lutter contre les féminicides, pour la "bifurcation écologique" et la lutte contre le réchauffement climatique. Faites-le d'abord pour vous.

"Impose ta chance, serra ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront" (René Char).

 Claude Semal le 14 juin 2022

 (1) Après avoir d'abord refusé l'usage du signe "NUPES" à la gauche unie (cette bannière commune qui a été imposée depuis par un référé du Conseil d'État), Darmanin semble avoir chipoté les chiffres pour symboliquement "voler" la première place du scrutin à la NUPES. Le député "France Insoumise" de la Réunion n'a par exemple pas été repris sous l'étiquette "NUPES".

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